Voici un lieu situé à Péronne qui fut particulier à explorer du fait de sa situation : en pleine ville. Il m’est déjà arrivé de visiter des endroits abandonnés situés en pleine ville, mais la plupart du temps, une fois dedans, pour peu que les fenêtres soient fermées, on est tranquille. Ici, vu le nombre d’ouvertures, je me demandais si des gens ne me verraient pas me promener dans le bâtiment. Ils pourraient me voir et appeler la Police, qui sait ? Ce léger stress était cependant légèrement compensé par le fait qu’il s’agissait d’un bâtiment vide (je savais ce que je venais visiter) et pas du tout gardienné : rien de bien sensible, donc.

La question qui me taraudait était comment entrer sans trop me faire remarquer. Coup de chance, l’accès ne fut pas bien compliqué, et c’est avec une certaine facilité que je m’engouffrais dans le ventre de ce monstre de béton à cheval sur un fleuve. Un monstre tout à fait insolite dans ce paysage de maisons d’habitation. Un seul mot s’impose : sinistre ! Pourtant, impossible de sombrer dans la déprime en regardant ce bâtiment, car le son du fleuve passant à travers le bâtiment fut apaisant tout du long de cette exploration. Ci-dessous, la face avant et la face arrière.



Quelques instants plus tard, me voici dans le bâtiment, du moins, dans le premier des trois, celui qui n’est pas à cheval sur le fleuve. Ouvrant mon sac à dos, je sors mon appareil photo et documente cette première entrée en matière : tout est plus ou moins plongé dans l’obscurité ici, et à ma surprise, il reste encore des choses sur place. Moi qui pensais tomber sur un lieu complètement vide, il y a encore ici de quoi se figurer l’activité de l’ancien moulin (car il s’agit de ça) lorsque celui-ci était actif.









Passant une porte, je me retrouve dans une grande salle assez basse de plafond. Alors que mes yeux s’habituent à la relative obscurité, je découvre de curieux visuels peints sur certains piliers : «Louveteaux», «Scouts-Rangers», «Pionniers» et «Compagnons». Pas de doute possible, cette partie du moulin fut utilisée par les Scouts locaux. Voilà une surprise à laquelle je ne m’attendais pas en venant ici !







Les mots ci-dessus correspondent aux différents «grades» du Scoutisme : de 8 à 11 ans, vous êtes «Louveteau» (garçon) ou «Jeannette» (fille) et portez une chemise jaune. De 11 à 14 ans vous êtes «Scout» (garçon) ou «Guide» (fille) et portez une chemise bleue. De 14 à 17 ans vous êtes «Pionnier» (garçon) ou «Caravelle» (fille) et portez une chemise rouge. Enfin, de 17 à 21 ans vous êtes «Compagnon» (que vous soyez fille ou garçon). Impossible en lisant ces inscriptions de ne pas repenser à mes années de Scoutisme, qui m’ont conduit à passer un week-end dans un lieu que je suis revenu explorer bien des années après et que j’ai nommé le «Fort des Louveteaux» vu que j’y étais en tant que Louveteau.

Sur l’un des murs, une peinture représente Saint-François d’Assise serrant la main (enfin, la patte) à un loup. Wikipédia : «Saint François d'Assise (29 Avril 1182 - 3 Octobre 1226), est un religieux catholique italien. Fondateur de l'ordre franciscain qui se caractérise par la pauvreté et la joie, il devient plus tard le Saint Patron des Louveteaux.» N’hésitez pas à lire cette page pour en apprendre un peu plus sur lui. Le texte inscrit semble être une transcription très simplifiée du «Cantique de Frère Soleil» que vous pouvez découvrir ici.

Enfin, la visite de cette salle se termine avec la découverte d’une très belle fresque me rappelant aussitôt la bande dessinée «La Sizaine des Fauves» que je lisais lorsque j’étais Scout à la fin des années quatre-vingt.



Passant ma tête par une ouverture, je contemple ce qui m’attend pour le reste de la visite. D’ici, le moulin en impose, impossible de ne pas penser aux Grands Moulins de Paris, que j’ai eu la chance de visiter au début des années 2000. A quelques mètres de moi, le mécanisme d’une des écluses me tend les bras, mais prendre une photo de plus près implique de sortir de ma cachette et d’être à la vue des passants. Je prends donc ma photo depuis l’obscurité de la salle où je me trouve.





Après avoir gravi les marches d’un escalier, me voici au premier niveau de ce premier bâtiment, juste au-dessus de l’ancien local des Scouts. Ici, la lumière est bien plus forte, tout comme la «puissance» que dégage cette architecture composée de poteaux et de poutres.







C’est dans cette salle que je découvre une deuxième surprise : sur les piliers sont peints différents motifs que je reconnais aussitôt : Entraîneur, Reporter, Trésorier, Pilote… Ce sont des «Pistes» ! Explication : lorsque l’on est Scout, on peut, lors d’un camp (qui dure en général trois semaines en été) passer des «Pistes», qui sont des sortes de missions. Ainsi, si l’on décide de passer la Piste «Reporter» (je prends cet exemple car je l’ai passée) on aura pour mission, durant le camp, de documenter nos activités sous la forme d’un journal, de dessins etc. A la fin du camp, si les Chefs (moniteurs) estiment qu’on a réussi la Piste en question, on nous donne l’écusson à broder sur notre chemise.

Aussi loin que je me souvienne, tous les Scouts obtiennent leurs pistes. Pour une explication détaillée sur les Pistes, rendez-vous ici. Un rapide coup d’œil permet d’imaginer que ces peintures sont un peu plus récentes que celle du niveau inférieur. Je serais vraiment curieux de savoir de quand à quand les Scouts ont utilisé cette partie du moulin.









Passant la tête par une des fenêtres, je prends un cliché du prochain bâtiment que je m’apprête à explorer. Le son de l’eau est réellement apaisant, tellement en contraste avec la brutalité de cette architecture !

Escaliers, passerelle et ambiance toute en béton, la visite du moulin se poursuit en passant au travers du deuxième bâtiment, le plus petit des trois.







J’arrive alors dans le troisième bâtiment. Plus grand que les deux autres, je constate qu’ici les planchers ne sont pas en béton comme pour celui des Scouts : ici, une myriade de poutres en bois, heureusement en bon état pour la plupart, soutient les différents planchers du bâtiment. Les jeux de lumières sont sympathiques, et je remarque par endroits des trous (dus au retrait des installations du moulin) me rappelant ceux vus au Grands Moulins de Marquette, et qui promettent un funeste destin en cas de chute…





Venu pour explorer un bâtiment que je pensais vide, je suis surpris de trouver ici des objets datant de l’activité passée du moulin. Je ne connais pas précisément les noms ou la fonction des choses que je prends en photo, mais j’imagine qu’il est question de tri de grain, de sac à remplir etc. Vraiment une belle surprise que de tomber sur ça lors de cette visite ! Photos ci-dessous :


















Jetant un coup d’œil par une des fenêtres j’aperçois le sommet du moulin, enfin, le sommet du premier bâtiment. Sera-t-il possible de monter tout en haut et d’avoir une jolie vue du moulin ? Aucune idée à ce moment de la visite. On verra !

Ci-dessous, des photos de l’étage supérieur :











Je ne le dis pas souvent (et je devrais) mais les photos ci-dessous sont parlantes : ce moulin est dangereux. Il y a des trous partout, le plancher est en très mauvais état par endroits, et on pourrait très facilement faire une très mauvaise chute. Si jamais vous trouvez la localisation de ce lieu (ce qui ne sera pas bien compliqué) et si jamais vous venez le visiter, faites vraiment très très très attention.











A un moment, je me dis que ce n’est pas tous les jours que l’on se retrouve face à ces grands monticules de fientes de pigeons, et que ça vaut le coup d’être documenté. J’ai donc l’immense honneur de vous présenter ci-dessous ces magnifiques monticules, fruits du patient travail des nombreux pigeons vivant dans le moulin. Superbes, non ?





Ci-dessous, d’autres détails :







Ressortant du troisième bâtiment je repasse par le plus petit, situé entre le premier et le troisième, et découvre quelque chose d’assez insolite et beau : trois petits silos (entonnoirs ?) qui servaient probablement à acheminer le grain tout en bas du bâtiment. Plutôt photogéniques, je passe un petit moment ici, à tenter de bien les documenter, en faisant (encore une fois) attention à ne pas mettre les pieds sur les parties les plus endommagées du plancher.










La visite se termine sur la terrasse aperçue une demi-heure auparavant. Je dois dire que de là-haut la vue sur le bâtiment principal est fantastique. Prenant un dernier cliché, je suis très heureux d’avoir enfin pris le temps de venir documenter le fameux moulin Damay dont je connais l’existence depuis des années, mais que je n’avais jamais pris le temps de venir explorer. Un lieu typique de l’exploration urbaine «à l’ancienne» (bâtiment industriel en grande majorité vide) qui m’a rappelé mes premières visites au début des années deux mille.



Ci-dessous, des photos faites au drone une fois sorti du bâtiment :








Qu’en est-il de l’histoire de ce moulin ? Pour cela il faut remonter à la deuxième moitié du XIXème siècle. A l’époque, un moulin existe déjà, mais celui-ci sera victime d’un incendie deux ans après la fin de la Première Guerre Mondiale. Un nouveau moulin (celui que vous venez de voir sur cette page) sera alors construit au début des années 20 et fermera ses portes dans les années 60. Certaines sources parlent du début des années soixante, d’autres de la fin, difficile à dire. Le site est donc inactif depuis une bonne cinquantaine d’années lors de ma visite début 2023. Cette page donne un peu plus d'informations sur ce moulin qui était situé à Péronne. Ci-dessous, trois photos montrant le site dans les années 20.





La photo ci-dessous (que je me suis permis de coloriser) date-t-elle des années 20 ? Je n’en suis pas sûr.




Ci-dessous, une vue aérienne datant de 1958. A l’époque le moulin est actif.

Enfin, ci-dessous, des vues aériennes allant de 1963 à 2020. Les premières sont tout simplement magnifiques et permettent de se faire une belle idée de la topographie du site.





















Mise à jour : en Janvier 2024 la déconstruction du Moulin Damay débuta. Les images ci-dessous sont tirées de la vidéo (en archive ici) visible sur cette page. Images et texte de Robin Jouret Langlois. Un autre article nous apprend que "seule une partie du bâtiment, du côté du pont Blackburn, sera conservée." C'est probablement la partie qui n'est pas coloriée en rouge sur la troisième image ci-dessous. Merci Dylan pour l'info !









Ci-dessous des photos prises par Dave le 28 Février 2024, merci à lui !