Au moment où j’écris ces lignes (2020) ce lieu est en cours de réhabilitation et n’est donc plus du tout un lieu d’exploration urbaine. C’est pour ça que j’indique le vrai nom du site, son histoire etc. Inutile de vous rendre sur place, le site n’est plus du tout comme sur les photos que vous verrez ci-dessous.

Cette visite s’est déroulée en Mars 2017. A l’époque, ça faisait des années que je voyais passer des photos de ce lieu sur Internet, et à chaque fois je me disais qu’il faut absolument que documente cet endroit avant qu’il ne disparaisse. Pourquoi ? De par sa taille, déjà. Monumental, il en impose. Visuellement, il est également unique. Le simple fait de savoir que l’on va explorer un lieu aussi vaste est excitant, d’autant qu’il est abandonné depuis les années 80 et à priori très facile d’accès. Le fait que des ami(e)s n’arrêtaient pas de me vanter les qualités architecturales de ce lieu me donnait également envie. Mais la question était toujours la même : où trouver le temps ?

En Janvier 2017 mon éditeur Arthaud me commande un deuxième livre pour 2019 (Urbex Europe). Cherchant à y inclure des lieux situés en Europe, mais aussi aux quatre coins de France, je me dis que ce site serait parfait pour ce deuxième livre. C’est en discutant avec un ami auteur de bd que la situation se débloque : il habite à une vingtaine de minutes du lieu ! Ni une ni deux, lui et sa femme sont d’accord pour m’héberger (et explorer avec moi) le temps d’un week-end. Je planifie alors quelques petites explorations à faire, en espérant que tout sera faisable, intéressant, et surtout, accessible.

Arrive alors Mars 2017. Niveau météo, ça pourrait être mieux, mais bon, nous sommes là alors autant y aller. Comme prévu, l’accès au site est enfantin. Pas de gardien en vue, des arbustes ici et là nous permettant de ne pas trop être vus, il nous suffit tout simplement d’avancer… Au loin, la silhouette du bâtiment, superbe, se dessine peu à peu. Marchant doucement, je réalise alors que je vais enfin visiter ce lieu dont on me parle depuis des années. Bien que très endommagée, la toiture a encore de l’allure, comme on peut le voir sur les photos ci-dessous.





Nous voilà tout près du fameux bâtiment. Avant d’y pénétrer, nous remarquons une bâtisse plus petite située juste à côté. Ravagée depuis de nombreuses années, nous l’explorons quelques instants avant de nous diriger vers le bâtiment principal, encore plus majestueux de près que de loin quand nous sommes arrivés.











C’est avec une grande facilité que nous entrons. A ma grande surprise, le bâtiment comporte encore des choses sur place. Moi qui pensais que tout serait complètement vide après toutes ces années d’abandon, c’est une belle surprise. Bien sûr, tout est tagué et dégradé, mais je suis agréablement surpris de contempler du matériel témoignant de l’activité passée du lieu. Avec tout ce qu’il reste il y a largement de quoi se faire sa petite histoire, s’imaginer le lieu quand il était vivant etc. Ci-dessous, des photos du rez-de-chaussée.























Le bâtiment ne manquant pas d’escaliers, nous découvrons les étages. Ici aussi il reste encore des choses. Un peu moins, certes, mais ça fait plaisir. Ce qu’il y a en plus par rapport au rez-de-chaussée, ce sont ces innombrables trous et planchers effondrés qui font très peur : au moindre faux pas, c’est la mort assurée. Au moment de ma visite, j’ai d’ailleurs en tête le cas de cette pauvre adolescente décédée sur place une année auparavant. Si j’ai l’habitude de visiter des lieux dangereux, savoir qu’une personne y a trouvé la mort incite à encore plus de prudence que d’habitude… C’est ce décès survenu en 2016 qui m’incitera à ne pas inclure ce lieu dans mon livre.











Ci-dessous, des photos des trous que l’on trouve un peu partout. Pourquoi tous ces trous ? L’explication est simple : quand la minoterie fonctionnait, d’innombrables tuyaux et toboggans circulaient à travers les étages, à travers ces trous. Il était donc impossible d’y tomber, puisque ces trous étaient occupés par du matériel. Quand l’activité s’est arrêtée, le matériel fut retiré, ce qui laisse sur place tous ces trous qui courent du sommet du bâtiment jusqu’au sol.







Un peu plus loin nous arrivons à une partie intéressante du site : de vastes salles complètement vides, et pour certaines sans plancher. L’effet y est saisissant, mais également très dangereux : les restes de plancher sont tous vermoulus : marcher dessus serait du suicide. Marcher sur les poutres en béton, glissante et étroites, relève également du suicide. Il ne reste donc qu’à rester en bout de salle et à prendre en photo ce que l’on peut.















Le dernier étage du bâtiment, situé sous les combles, est tout aussi dangereux, mais visuellement intéressant : beaucoup de végétation, de mousse, de plantes, et des chariots abandonnés là depuis longtemps et ayant fusionné avec le sol, couvert d’herbe. Prendre des photos ici n’est pas très rassurant, je ne m’y attarde donc pas trop.





Nous nous dirigeons alors vers le sommet de la minoterie. Le clocher est réellement magnifique avec ses airs de cathédrale gothique tout droite sortie d’un film de Tim Burton. L’accès y est cependant très dangereux puisqu’il consiste à monter un escalier dont la cage centrale est vide et sans aucune rambarde. Après avoir gravi quatre ou cinq étages, nous arrivons à un palier où les marches deviennent moins larges. Le sol humide à cause de la forte pluie de la veille a rendu les marches glissantes, et une voix résonne dans ma tête : «Tu sais très bien que si tu arrives à monter là-haut, tu te retrouveras comme un con, mort de trouiller, et incapable de redescendre.» Ecoutant cette voix, je décide de ne pas grimper plus haut, et me contente de faire une photo de ce fameux palier, ci-dessous.



La visite étant terminée, voici des photos prises par Maxime, qui m’accompagnait ce jour-là.











L’histoire du lieu d’après Wikipédia : «La minoterie est construite à proximité de la Deûle en 1921 par l'architecte Vuagnaux qui utilise un style néo-flamand. Le site est acquis en 1928 par Les Grands Moulins de Paris. La minoterie est utilisée jusqu'en 1989. Les bâtiments sont inscrits au titre des monuments historiques en 2001. Le site, depuis abandonné, fait partie dans les années 2010 d'un projet de rénovation urbaine suivi par la Métropole européenne de Lille2. En janvier 2017, un projet de reconversion du site en logements est annoncé. Ce projet doit aboutir en 2021 ou 2022.»
















Ci-dessous, des vues aériennes allant de 1932 à 2015.
































Ci-dessous, le site en 2016, à l’époque où le décès est survenu.

Le 1er Juillet 2017, un incendie survient sur place, et le clocher part en fumée. Ci-dessous, le reportage vidéo. Au cas où la vidéo n'était plus disponible, cliquez ici pour la télécharger à titre d'archive.




Ci-dessous, une vue aérienne de 2018, et de nombreuses vues en 3D du site en 2016 sur Google Earth.

















Comme écrit plus haut, c’est en 2017 que nait un projet de réhabilitation. D’après ce site «Le lieu sera divisé en trois parties : 1) le monument historique qui accueillera 245 logements dits haut de gamme dans l’ensemble du bâtiment. Les silos, classés à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques seront conservés et leur base, en rez-de-chaussée accueilleront des services dans un cadre somptueux. 2) Une bâtisse ultra-moderne verra également le jour : la Brooklyn Tower. Cette dernière s’inscrit dans la profonde dynamique de métamorphose urbaine du site. La Brooklyn Tower vient, dans l’ensemble du projet, s’aligner sur le beffroi du bâtiment principal. Cette « résidence » neuve et magistrale, située entre l’ancienne bâtisse principale et la Deûle, accueillera 96 logements, du studio au T5 avec vues sur l’eau et sa campagne, offrant une incontestable modernité au sein de la réhabilitation de l’architecture post-industrielle des Grands Moulins de Paris.3) Un immeuble de 10 étages, avec des logements dits « sociaux » portés par Vilogia. Autour de ce projet colossal, des parkings, des espaces verts, une promenade et un parc… De nouveaux services viendront également compléter ce projet unique à partir de 2021.» Ci-dessous, deux images de ce projet :

D’autres documents intéressants :

- 2019 : Une vidéo promotionnelle présentant le projet. (Archive)
- 2020 : Une vidéo de la pose de la première pierre. (Archive)
- 2020 : Album photo de la pose de la première pierre le 5 Mars 2020 (Archive)




Le 24 Juillet 2020 un ouvrier meurt sur le chantier de réhabilitation. Texte de l’article (Source) : «Un ouvrier de 30 ans meurt sur le chantier des Grands Moulins de Paris à Marquette. Ce midi, vers 12 h 15, un ouvrier âgé de 30 ans, qui était en train de décharger des plaques de plâtre, a été victime d’un accident sur le chantier mené par Rabot Dutilleul sur le bâtiment principal des Grands moulins de Paris à Marquette-lez-Lille. L’homme est décédé sur place.»

Suite de l’article : «Ce vendredi, peu après midi, sur le chantier de transformation des Grands moulins de Paris en logements, une pièce de béton de 70 kg s’est détachée d’une hauteur de 10 mètres, puis est retombée sur le crâne d’un ouvrier âgé de trente ans. Cet employé d’un sous-traitant de Rabot Dutilleul déchargeait alors une palette de plaques de plâtre aux abords du bâtiment principal.

Les pompiers de Marcq-en-Barœul et le SMUR de Lille ont tenté de le ranimer, mais en vain. La victime a été déclarée décédée vers 13 h. On ignore encore les causes de cet accident mais vers 15 h, les policiers étaient toujours sur place pour recueillir les premiers éléments de leur enquête. Le conducteur de travaux et le chef de chantier n’ont pas souhaité s’exprimer sur ce drame, et avaient plutôt à cœur de s’occuper des collègues de la victime.

Ce chantier a été stoppé pour la journée. Dans un communiqué, la direction du groupe Rabot Dutilleul Construction explique devoir, «dans une profonde tristesse, faire face au décès d’un salarié d’une entreprise intervenante sur le chantier des Grands moulins de Paris à Marquette-Lez-Lille. Les premières pensées de l’ensemble des membres de l’entreprise se tournent vers les proches du défunt qu’il faut aujourd’hui soutenir et respecter dans leur deuil.»

Suite de l’article : «Ce château industriel avait déjà été le théâtre, en juin 2016, d’un autre accident dramatique, mais dans un tout autre contexte car le bâtiment était alors désaffecté. Une adolescente lambersartoise avait en effet perdu la vie dans ce site privé, dont la dangerosité n’arrêtait pas la curiosité des nombreux visiteurs par effraction. Comme ces trois lycéennes de Jean-Perrin à Lambersart un samedi soir. L’une d’entre elles, Sarah, 16 ans, était tombée dans un des silos à farine, d’une hauteur de 20 mètres. Les secours l’avaient retrouvée morte, peu avant minuit. Les trois adolescentes avaient raconté à leurs parents qu’elles allaient dormir chez l’une ou chez l’autre. À l’abandon pendant 30 ans, l’emblématique minoterie était prise d’assaut en juillet 2019 par les engins de chantier pour un gigantesque projet de réhabilitation en quelque 246 appartements. Avec la crise sanitaire, le chantier avait dû être stoppé mais les travaux avaient repris en avril, avec toutes les adaptations et précautions nécessaires.»