J’ai connu ce château vers 2002, mais pour une raison qui m’échappe à l’époque je ne m’y suis pas intéressé plus que ça. Je me suis contenté de poster sur ce site des photos prises par quelqu’un d’autre, en l’occurrence Yves Marchand. Le site étant pensé en 800x600, les photos étaient très petites, avec en plus une compression de très mauvaise qualité... Au fil des années, certaines pages disparurent du site pour diverses raisons, et la page sur ce château fit partie du lot. Ce lieu n’était plus qu’un lointain souvenir, un château dont j’avais même oublié l’existence, visitant pendant ce temps-là d’autres endroits abandonnés.

Et puis, un jour de 2014, je revins sur place visiter le château, et je vis qu'il était en cours de réhabilitation. J’y fis des photos mais elles n’avaient aucun intérêt d’un point de vue «exploration urbaine» car il y avait des étais un peu partout et surtout un toit au-dessus du château pour le protéger des intempéries. J’avais raté le coche de quand le lieu était vraiment abandonné, tant pis pour moi, mais tant mieux pour le château ! Huit années passent.

Début 2022, discutant lors d’une exploration avec Yves Marchand, celui-ci me dit qu’il avait toujours ses photos prises quand le château était à l’abandon. Des photos prises en 2002 et 2005 qui pourraient être scannées à nouveau, retravaillées, et qui pourraient servir pour faire une belle page comme celle des Grands Moulins de Pantin. Et, comme pour Pantin, comme le château avait entretemps été réhabilité, il n’y avait aucun risque à donner son vrai nom, sa localisation, et raconter son histoire. C’est ce que je vous propose de découvrir sur cette page. Mais commençons par l’histoire du château !

Le Château de Bonnelles est situé dans la commune de Bonnelles, près de Saint-Arnoult-en-Yvelines, dans le département des Yvelines, en France. De style Louis XIII, celui-ci fut construit en de 1847 à 1849 par les architectes Joseph-Antoine Froelicher et Clément Parent pour le compte du Duc Armand de Crussol d’Uzès (photo ci-dessous), onzième du nom. Celui-ci y consacre une partie importante de la fortune de sa femme, Françoise de Talhouët-Roy, héritière par sa mère d'une partie de l'énorme patrimoine foncier du Comte Roy.

Ci-dessous des photos prises probablement au début du XXème siècle. Toujours d'après Wikipédia : "Le corps principal est édifié en brique et meulière au-dessus d'un soubassement percé de fenêtres en plein cintre ou en anse de panier. Deux ailes carrées flanquent la partie centrale, et des pavillons annexes sont disposés pour favoriser l'organisation de grandes réceptions. Les architectes ont aménagé, selon le souhait des commanditaires, un grand salon à triple exposition de 25 mètres de long sur 8 mètres de large et 6 mètres sous-plafond. Les façades sont en meulière et chaînages de brique, agrémentées d'encadrements de fenêtres et de linteaux en pierre de taille. Le perron en fer à cheval mène à la porte d'entrée sommée des armes des Uzès avec la devise : "Ferro non auro" (tout par le fer et rien par l'or)."













Sur les photos ci-dessous on voit une magnifique serre reliant le château à une dépendance. Wikipédia nous dit ceci à son sujet : "Une serre galerie, ou jardin d'hiver, permettait, à partir du bâtiment principal, de gagner une immense salle à manger, ornée de décors cynégétiques sculptés sur bois, installée dans un pavillon adjacent. La cuisine se trouvait au sous-sol de ce pavillon."









Sur les trois photos ci-dessous on voit que la "serre galerie" n'existe plus, et qu'elle est remplacée par un bâtiment dont le rôle est le même (relier le château à la dépendance) sauf que celui-ci est en briques. Je n'ai pas réussi à déterminer de quand date cette modification.





Ci-dessous une photo trouvée sur la Base Mérimée :






La «grande époque» du Château de Bonnelles débute lorsque Emmanuel de Crussol (fils d’Armand, et donc douzième Duc du nom) épouse Anne de Rochechouart-Mortemart (riche héritière du champagne Veuve Clicquot Ponsardin)celle-ci devenant Duchesse d’Uzès. Ci-dessous, Emmanuel de Crussol et Anne de Rochechouart de Mortemart.




Ci-dessous une photo ancienne faisant référence à la "Marquise" d'Uzès.




Le château fut un important centre de chasse à courre du temps qu'il était la résidence favorite de la Duchesse d’Uzès (1847-1933). D'après Wikipédia : "Passionnée de chasse, la duchesse est la première femme lieutenant de louveterie. Maître de l'équipage de Bonnelles, en forêt de Rambouillet, elle participait chaque année au Rallye Bonnelles» (rallye de chasse à courre) créé par son mari." La photo ci-dessous illustre cette activité, mais mentionne deux duchesses. Je n'ai pas réussi à déterminer qui était la deuxième.




Wikipédia : "Durant la Première Guerre Mondiale le lieu devient un hôpital militaire, la Duchesse y exerçant elle-même les fonctions d’infirmière. Après sa mort en 1933, le mobilier est dispersé dès le mois de juillet en présence d'une foule nombreuse. La bibliothèque est dispersée à l'automne, et le domaine lui-même est vendu et passe entre plusieurs mains." Ci-dessous, le site en 1939 :




Après la Seconde Guerre Mondiale, il abrite le Séminaire des Pères Blancs. Ci-dessous une vue aérienne datant de 1961. On voit un bâtiment à gauche du château (en vert sur l'image) est-ce celui du séminaire ? Probablement. On remarque aussi que le bâtiment de briques qui reliait le château à la dépendance a été remplacé par un bâtiment à toit moderne (en orange sur l'image). Autre information : le lieu fut utilisé comme centre de vacances à cette période. Mr Jammot (Maire de Bonnelles bien plus tard, de 1989 à 1995) y travailla comme intendant, tandis que sa femme y travailla comme monitrice. Merci à Marie Jammot Baudon pour cette information !




Ci-dessous, deux photos datant probablement de cette époque :

Wikipédia : «En 1965, Jean Sayad crée le «Collège-Internat Charles de Foucault», qui devient à partir du milieu des années 1970, le «Collège International de Bonnelles», dirigé par M. Kaminsky, qui a racheté le Château aux Pères Blancs.» Ci-dessous, le site en 1965, 1968 et 1970.





Quelque temps plus tard, en 1972, le château ainsi que le collège attenant servent de lieu de tournage pour les deux premiers volets du feuilleton «Le Jeune Fabre» de Cécile Aubry diffusé en 1973. Les deux premiers épisodes de cette série sont tournés sur place, voici des captures d’écrans tirées de ces deux épisodes :



Ci-dessous le site en 1977, 1987 et 1990 :







Wikipédia : «Au début des années 1990, le Château est acquis par une Société Japonaise qui envisage de le transformer en golf. Mais il est laissé à l'abandon et se dégrade de manière importante. Il est racheté par des investisseurs Luxembourgeois dans les années 2000, qui envisagent de le transformer en une résidence hôtelière de grand standing.» Ci-dessous le site en 2002. On remarque qu'il ne reste plus que le château et la dépendance, tout ce qui est "moderne" ayant été démoli.

C’est cette année que Yves Marchand est venu faire des photos du lieu dans son état d’abandon :













Ci-dessous d’autres photos faites en 2005, toujours par Yves Marchand :











Ci-dessous des photos prises le 23 Juillet 2006 par Diane de Neverends :













Cliquez ici ou sur l'image ci-dessous pour voir des photos faites par Pierre-Henry Muller en 2005 et 2007 :




Cliquez ici ou sur l'image ci-dessous pour un joli article écrit par Exurbis en 2006 :



Ci-dessous le site en 2007 :

Ci-dessous le site en 2008. On remarque l’apparition d’une palissade. Un incendie détruit une bonne partie de la toiture le 23 septembre de cette année. Voici le texte de l'article du Parisien du 24 Septembre 2008 :

"C'est le dernier outrage au château de la duchesse d'Uzès, à Bonnelles. Hier matin, à 7 heures, un incendie a ravagé la toiture d'ardoise de cette bâtisse du XIX e siècle, en déshérence depuis une quinzaine d'années. Les flammes ont couvé sous le faîtage et l'ont lentement grignoté, dégageant d'importants panaches de fumée grisâtre. Les secours ont rapidement déployé sur place d'impressionnants moyens de lutte contre le feu. Au total, quatre-vingts pompiers des Yvelines et de l'Essonne département limitrophe de Bonnelles ont combattu toute la journée l'incendie.

Principale difficulté pour les soldats du feu : réussir à atteindre les flammes tapies sous la toiture pour attaquer le coeur du foyer. Impossible d'envoyer dans la bâtisse extrêmement fragile des hommes à pied avec leur lance. Il ne reste plus que la voie des airs. Juchés sur quatre grandes échelles, les pompiers ont inlassablement déversé des tonnes d'eau, maniant la pique pour faire sauter les tuiles ou encore une lance perforante capable de traverser la couverture pour se frayer un passage. Des opérations à effectuer avec les plus grandes précautions : le feu a fragilisé les murs. La charpente et quelques lourdes fenêtres en chien-assis surplombant le toit menaçaient en fin de matinée de s'effondrer à l'intérieur du bâtiment.

Difficile pour l'instant de connaître les raisons exactes du sinistre qui s'est déclenché dans un bâtiment vide de tout occupant, ouvert à tous vents et régulièrement «visité» par des explorateurs amateurs. «Deux choses sont sûres, ce ne sont ni la foudre ni le courant électrique qui ont pu déclencher l'incendie», observait-on chez les pompiers. Hier en fin d'après-midi, les pompiers étaient encore sur place pour exercer une surveillance étroite sur les poutres toujours à la merci des dernières flammèches. Une tâche délicate. La Duchesse d'Uzès réservait une surprise aux sauveteurs. «Elle récupérait déjà l'eau de pluie et l'immense réservoir suspendu, situé au-dessus de l'escalier, constitue une menace en cas d'effondrement», raconte Guy Poupart, le maire (non inscrit) de Bonnelles. De son côté, l'élu a pris un arrêté de péril imminent pour interdire l'accès au public et obliger le propriétaire du château des investisseurs luxembourgeois à condamner l'accès à l'édifice."

Wikipédia : «En 2010 un projet de restauration et de réaménagement est établi par les architectes Christian Dugelay et Jean-Édouard Girardot, qui connaît un commencement d'exécution. Une protection en est assurée par inscription au titre des Monuments Historiques pour ses façades, ses toitures et sa salle à manger, par arrêté du 8 avril 2010.» Ci-dessous une vue de 2011 où l’on voit la toiture installée pour protéger le château :

Ci-dessous quatre photos prises par Florent Dubois. Cliquez ici pour la série complète !










La toiture n’est plus là sur la vue de 2015 ci-dessous. Les travaux continuent :

Ci-dessous une vue de 2016 montrant les travaux toujours en cours :

Ci-dessous une photo du site en 2018 :




Enfin, ci-dessous, une vue de 2020 montrant le lieu restauré :

Cliquez ici ou sur les images ci-dessous pour voir d'autres images de la réhabilitation.

Merci à Frédéric Poupry pour m'avoir indiqué cette page !



Ci-dessous d'autres images du lieu restauré :








Ci-dessous, la vidéo (archive) d'où sont tirées les images ci-dessus :