Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


C’est grâce à Cafarnaom que j’ai connu ce lieu. Il l’avait découvert récemment et m’avait proposé d’y retourner pour me le montrer. De mon côté j’avais été séduit par une chose insolite (et unique) présente sur place, et que vous découvrirez plus loin sur cette page. Un froid matin d’hiver nous nous sommes donc mis en route, et après un peu plus d’une heure de voiture nous étions sur place. Sur place, oui, mais il fallait encore marcher deux kilomètres à pied via un chemin de terre entre deux champs... Jusque-là, rien de bien difficile, mais faire ça quand il n’y a que quelques degrés au compteur et un petit vent frais, ça réveille ! Le temps maussade laissait quand à lui peu d’espoir quant à la possibilité de faire des photos lumineuses. Mais qui sait, peut-être que le soleil pointerait le bout de son nez ? Après tout il était encore tôt.

Il nous fallut vingt bonnes minutes avant d’atteindre la lisière de l’immense site. Après toute cette marche à travers champs, je réalise que ce que nous allons explorer est complètement invisible à l’œil nu, d’une part car les bâtiments ne sont pas hauts, et ensuite car il est impossible de passer devant en voiture par hasard, à moins peut-être de se perdre en pleine campagne, et encore. Mais au fait, qu’allons-nous explorer ? Une ancienne base aérienne abandonnée depuis (à priori) le milieu des années quatre-vingt-dix, soit environ trente ans au moment de notre visite.

A l’abri du vent, nous longeons la bordure du site et trouvons un passage nous permettant d’entrer en douceur sur le site. Toujours à prier pour que le soleil se montre, je me dis aussi que finalement la grisaille c’est pas mal pour faire des photos au drone (pas de contrastes trop forts, ambiance homogène). Mais nous verrons cela en fin de visite, et une fois ressortis du lieu.

Sortant mon appareil photo et dépliant mon trépied, nous nous dirigeons alors vers le plus intéressant des bâtiments : le réfectoire. Celui-ci contient quelque chose qui m’avait fortement tapé dans l’œil en voyant les photos de Cafarnaom auparavant. La «chose» est toujours là. Et c’est magnifique. Mais comme le temps est trop gris et la lumière bien trop basse, je suggère de commencer à visiter les autres bâtiments, comme ça, avec de la chance, le soleil sera là au moment de faire des photos dans le réfectoire.

Les «autres bâtiments», ce sont ceux que Cafarnaom n’a pas pu visiter lors de sa première visite. Et ça commence par l’ancienne chaufferie. Visuellement, nous sommes vraiment dans une ambiance de fin du monde, et il est impossible de ne pas penser au film «La Route» avec ces ronces, ces chemins fissurés et l’herbe envahissant le sol. Tout est silencieux, aucun bruit, pas même celui au loin d’une voiture ou d’un avion passant dans le ciel loin au-dessus de nos têtes. L’ambiance me rappelle beaucoup celle de «L’Abattoir de la Nausée» pour l’aspect «lieu isolé de tout». Sauf que là, il y a quelque chose en plus, ou plutôt, en moins, et qui apporte un vrai «plus» : aucun tag ! C’est rare, et c’est fou ! Ci-dessous, le réfectoire (que nous visiterons en dernier), et juste après, à gauche, la chaufferie, et à droite le premier «dortoir» (appelons ça comme ça) que nous visiterons après.



L’accès à la chaufferie n’est pas de tout repos : il n’y a qu’une dizaine de mètres à parcourir, mais entre les ronces et les arbustes qui ont poussé là depuis des années, ce n'est pas si simple. Avançant lentement et accroupi, j’arrive en vue de la porte grande ouverte de l’austère bâtiment à la fonction on ne peut plus banale : chauffer les différents bâtiments. Cafarnom me rejoint, et quelques instants plus tard nous nous mettons à explorer et photographier la belle installation. Je dis «belle» car d’une part, il n’y a aucune dégradation volontaire apparente, rien de cassé par des vandales (du moins, on dirait) rien de tagué, et quand on pratique l’exploration urbaine on aime plus que tout (du moins c’est mon cas) tomber sur un lieu qui n’a été dégradé que «naturellement» par l’eau, le vent, le froid etc. Ici, c’est le cas, et c’est magnifique. Interrupteurs, roues, manivelles, rouille, boulons, écrous, briques, la chaufferie possède un sublime cachet «d’abandon». Elle a même un côté un peu lugubre avec ces anciens fours qui ressemblent diablement à d’anciens fours crématoires…

Après avoir fait le tour de ce premier bâtiment, qui est surtout une grande pièce couverte, nous ressortons et continuons notre visite. En chemin nous tombons sur un débris rouillé sur lequel on peut lire un nom : «SULZER». Après recherche (de Cafarnaom) il s’agit d’une entreprise de gestions de fluides, mais aussi de tracteurs. Ci-dessous, les photos de la chaufferie :

























A quelques mètres de nous se dresse alors le bâtiment que nous allons visiter à présent. Il s’agit d’un des trois dortoirs où logeaient les militaires quand le lieu était en activité. Après avoir (encore) passé quelques ronces et arbustes, je pénètre dans le bâtiment, et comme je l’avais aperçu assez rapidement sur les photos de Cafarnaom, le lieu est incroyablement dans son jus. Il y a ici un sentiment de désertion très palpable, mais aussi de mélancolie baignée dans un silence glacial.

Tout est vide, mais surtout, comme pour la chaufferie, aucune dégradations volontaires apparentes, aucune trace de squat, aucuns tags, aucuns grafs, rien, comme si personne n’était venu ici depuis des années et des années. Ça a l’air banal comme ça, mais en principe, il y a toujours un tag ici ou là, une chaise cassée dans un coin, une porte défoncée... Ici, rien ! Les toilettes sont encore en bon état (pour un lieu à l’abandon), deux radiateurs attendent, posés au milieu d’une salle et de l’herbe pousse là où la toiture a disparu. Me promenant dans le bâtiment, j’apprécie cet état de temps suspendu. Ci-dessous, des photos :

































La visite de ce premier dortoir se termine avec la réjouissante apparition du soleil, qui arrive enfin ! Sortant du bâtiment, nous nous dirigeons vers une petite bâtisse toute simple, qui semble bien être l’ancienne maison des officiers. Dedans, les chambres sont un peu plus confortables (ce n’est pas un grand dortoir comme avant) et la couleur verte un peu partout donne une étrange impression de sérénité. Au sol, je tombe sur une bouteille de bière vide, et plus loin, sur une curieuse table bricolée avec une planche et des radiateurs : un lieu de squat ? Pourtant, à part ça, tout autour, rien n’indique que des gens viennent souvent. Il faut croire que personne n’est venu depuis des années, ou quelqu’un se donne la peine de faire le ménage ? Mystère. Ci-dessous, des photos :













Une fois sortis de la maison des officiers nous nous dirigeons vers le deuxième dortoir, et en chemin quelque chose m’intrigue : nous empruntons de petits sentiers qui semblent bien propres pour un lieu abandonné, comme si des gens passaient régulièrement. Pourtant, aucunes traces de pas, aucuns déchets, rien, c’est presque comme si ces chemins (qui ont des formes presque naturelles) étaient entretenus. Ci-dessous, une photo faite au drone où l'on voit bien ces chemins. (Photo faite en fin de visite, lorsque nous n’étions plus dans la base.)

La visite du deuxième dortoir est un peu plus rapide que pour le premier, le bâtiment étant exactement le même. Ce qui change ce sont de petits détails ici et là, comme ces lavabos que nous apercevons le long du grand couloir central, et qui sont, pour une raison qui m’échappe, en parfait état, et d’une forme que je ne connaissais pas du tout. La lumière étant bien belle à ce moment, elle sublime les grands espaces vides, tantôt verts, tantôt jaunes et tantôt bleus que nous explorons. Ci-dessous, des photos de ce deuxième dortoir :



















La visite touche alors (presque) à sa fin avec la visite du réfectoire. Souvenez-vous, à notre arrivée la lumière était vraiment maussade, et nous nous étions dit que nous reviendrons en fin de visite en priant que le soleil soit au rendez-vous : c’est le cas ! Entrant à pas feutrés dans la grande salle, je découvre un lieu immense, vide, dégradé par les éléments, et, là encore, exempt du moindre tag. Il y a là vraiment de quoi s’imaginer que nous sommes les premiers à explorer cette base. Bon, évidemment, c’est faux, d’autres gens sont forcément venus avant nous, le contraire serait improbable, mais je dois dire que je n’avais jamais vu de photos de cette base aérienne avant. Ci-dessous, des photos de ce fameux réfectoire :

























Vous aurez remarqué sur les photos précédentes qu’il y a des choses peintes sur les murs. C’est précisément ce qui m’a motivé à venir sur place : sur certains murs du réfectoire, on voit des fresques. Sur le mur d’entrée du réfectoire, un paysage bucolique d’un côté (survolé par deux avions) puis juste après une évocation de la base aérienne quand elle était en activité. Je n’avais jamais encore visité de lieu militaire comportant ce genre de fresque - et qui plus est, dans son jus ! Rien que ça, c’est déjà unique :







Mais il n’y a pas que ces deux fresques. Sur le mur d’en face, là où les militaires venaient chercher leur déjeuner, des avions ont été peints. Je ne suis pas un expert en aéronautique, donc je serais bien incapable de les reconnaitre, mais ils sont sublimes. Je vais encore me répéter, mais le fait que ces fresques n’aient pas été dégradées par des tags, c’est fascinant. On est vraiment dans le cadre d’un lieu qui n’a pas été touché depuis de nombreuses années. Ou alors il a été visité par des gens très respectueux. En tout cas je passe un long moment à contempler ces avions témoins du passé révolu de la base :











Un paysage bucolique à l’entrée, une vue de la base, des avions… C’est tout ? Non, il y a encore plus magnifique : située sur le mur pile entre les avions vus ci-dessus, une superbe fresque s’étale sur environ trois mètres de large. Assez datée dans le style, on peut y lire «GIVE US THIS DAY OUR DAILY BREAD», que l’on peut traduire par «Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien», et elle provient de l’Evangile selon Matthieu. Voici la prière complète : « Notre Père qui êtes aux cieux ! Que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien ; pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin. Car c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen !»

Tomber sur une fresque avec cet extrait du «Notre père» dans le réfectoire d’une ancienne base aérienne, ça ne m’était encore jamais arrivé ! Il y a ici quelque chose d’unique, d’insolite, et d’émouvant aussi, car on peut très bien imaginer qu’il y avait une ambiance probablement religieuse sur place. Ci-dessous, des photos de cette belle fresque qui méritait largement le déplacement :







Une fois sortis du réfectoire, nous nous dirigeons vers un bâtiment que Cafarnaom avait déjà exploré lors de sa première visite : il s’agit d’un autre dortoir, le troisième pour être exact. Niveau architecture, nous ne l’explorons pas en détails comme les deux autres, car il est identique. Identique sauf un léger détail : il n’a plus de toit, ce qui lui confère un certain charme. Est-ce une tempête qui a arraché le toit ? Difficile à dire, d’autant que les deux autres dortoirs ont conservé leur toiture… En tout cas l’ambiance à l’étage est sympathique, avec cette herbe poussant au sol. Je ne pousse pas plus loin l’exploration pour voir si les pièces du rez-de-chaussée comportent des choses intéressantes à voir. Ce sera peut-être pour une prochaine fois :





Et c’est avec la (courte) visite de ce dernier dortoir que prend fin cette exploration. Je suis très reconnaissant à Cafarnaom de m’avoir emmené sur place, et surtout d’avoir visité ce lieu que je n’avais jamais vu auparavant, sur aucun site, sur aucune page, nulle part. Comme quoi on a beau explorer des lieux depuis une vingtaine d’années, on peut encore tomber sur des pépites, et se perdre l’espace de quelques heures dans le temps, mais aussi l’espace, car avec cette inscription en anglais on pourrait très bien être en Angleterre, aux Etats-Unis, ou même partout sur le globe, puisqu’il y a ce genre de bases un peu partout. Un lieu insolite contenant quelque chose de fragile, de beau et d’unique, ce n’est décidemment pas tous les jours que l’on visite ça. Fin de la visite !

Pour ce qui est de l'histoire de ce lieu, la beauté et la fragilité des fresques font que j'en dirais le moins possible. Les photos que vous avez vu sur cette page montrent ce qui reste d'une ancienne base aérienne à cheval sur plusieurs communes. Construite au début des années 50 pour les Forces de l'OTAN, elle ne fut plus occupée par celles-ci dans la deuxième moitié des années 60. A partir de là elle servit de terrain d'exercice pour une autre base aérienne, et ce jusqu'à la fin des années 90, période où elle ferma ses portes. Ci-dessous, une vue aérienne (très partielle) datant de 1956, période où c'est l'OTAN qui gère la base :

Ci-dessous, une vue de 1971. A cette époque, l'OTAN a quitté les lieux. Cette vue partielle montre les bâtiments explorés. En vert clair, les dortoirs, en vert foncé, la maison des officiers, en bleue le réfectoire, et en jaune la chaufferie. On remarque qu'il y avait une sorte de réservoir collé à la chaufferie, aujourd'hui disparu.

Ci-dessous, des vues de 1973 et 1975. A cette période, il n'y a encore aucun arbre ou arbuste près ou autour des bâtiments que nous avons visité. Mais les choses vont changer...





Ci-dessous, des vues allant de 1980 à 1987. On constate un envahissement progressif de la pelouse, qui se couvre d'herbes hautes et d'arbustes. 1987 est également la dernière année (à ma connaissance) où le dortoir situé au nord possède encore sa toiture.





Ci-dessous, deux vues datant de 1993. On constate que le dortoir du nord a perdu son toit. Il y a donc eut soit une dégradation naturelle du bâtiment, soit une tempête. En tout cas, la végétation devient maitresse des lieux, et envahit tout petit à petit...



Ci-dessous, 1998. Cette année-là, le site a déjà fermé ses portes depuis quelques années, et visuellement c'est parlant : les lieux sont peu à peu invisibilisés par les arbres, arbustes et autres ronces. Au sud- est de l'image, une ferme, qui est toujours active à ce jour.

Enfin, ci-dessous, diverses vues aériennes allant de 2001 à 2021 et illustrant bien la lente disparition du site, qui est quasiment invisible à l'œil nu aujourd'hui, même en hiver. Sur la toute dernière vue on voit bien les petits chemins : qui les a créé ? Promeneurs ? Chasseurs ? Mystère.











Cliquez ici ou sur l'image ci-dessous pour le récit de Cafarnaom !

Ci-dessous d'autres vues au drone :









Ci-dessous d'autres photos faites en Janvier 2022 :