Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Je ne connaissais pas ce lieu, et quand mes camarades d’exploration m’ont proposé de m’y emmener, tout ce que je savais c’est que c'était une ancienne centrale thermique. Consultant Google Maps durant la route, je pus voir que le lieu avait l'air immense, et prometteur pour peu que l’on aime les sites industriels. Autre aspect de cette visite : elle se ferait avec autorisation, mes camarades ayant obtenu le droit de venir faire des photos légalement. Après une heure et demie de route, le site était en vue. Je dois dire que ce fut plutôt cool de se garer près du portail en attendant que l'on nous ouvre, au lieu de chercher un accès, entrer en catimini, avoir peur de se faire prendre etc. C’est peut-être dû à l’âge (cette visite se déroule en 2019, juste avant de fêter mes quarante ans). En tout cas, ce fut très agréable de savoir que nous allions pouvoir tout explorer sans aucun risque, surtout que certains points d’intérêt étaient assez espacés les uns des autres, et que nous pourrions ainsi évoluer à découvert sans avoir peur de se faire voir. Les deux inconnues étaient : pourrions-nous aller partout où nous voulions ? Et si oui, sans avoir un vigile qui nous surveille ?

Après avoir parlementé au poste de garde et nous être présenté, le vigile fait un signe affirmatif de la tête, puis nous laisse entrer. Sortant notre matériel, nous nous rendons alors compte qu’il nous suit, et qu’il compte nous accompagner le temps de la visite. Pas super agréable, mais c'était le risque. C’est alors que le vigile se met à tout nous décrire dans une langue que nous ne connaissons pas du tout. Très diplomatiquement nous lui disons que nous ne parlons que le français ou l’anglais, mais ça ne semble pas le gêner, il continue à nous décrire la centrale le plus tranquillement du monde sans s'en soucier. Nous pénétrons dans le plus grand bâtiment du site. Celui-ci est en travaux : ça dessoude, ça démonte, ça démolit, mais il reste encore beaucoup de choses à voir. A la voix du vigile s’ajoute donc le bruit d’ouvriers affairés dans une petite partie de l’immense centrale thermique endormie…

La visite commence par une immense salle vidée d’une bonne partie de son matériel, mais où il reste encore beaucoup de choses à voir. En fait, l’espace-même est intéressant de par sa démesure, et la perspective y est fantastique. Le vigile nous décrit la pièce tandis que nous nous regardons les uns les autres, ne comprenant rien à ce qu’il dit. Pas bien grave. Je me remémore mes visites de l’Usine Renault sur l’Île Seguin, avec ses lignes se perdant à l’infini. Une vieille turbine git au sol, pleine de poussière. Un peu partout, des trous rendent le parcours quelque peu dangereux, tout comme quelques zones sombres, probablement éclairées par des néons quand la centrale était en vie, mais aujourd’hui plongées dans l’obscurité, et où l’on pourrait se blesser si on ne faisait pas attention. A un endroit, des tubes incurvés ressemblent à des trompes d’éléphants. Vérins, manivelles, escaliers, poussière et piliers : un panorama de ruine qui donne le vertige, un vertige impossible à rendre en photo tellement c’est une sensation à vivre sur place, et en pleine lumière.

















Passant une porte, nous découvrons une partie moins grande, constituée de couloirs, de pièces, de silos, de tuyaux filant dans tous les sens dans un dédale d’escaliers rouillés et pleins de poussière. Ici aussi, notre vigile nous décrit tout, ce que l'on voit et à quoi ça servait, encore une fois sans se soucier du fait que nous ne comprenons rien à ce qu’il nous dit. Par politesse je hoche la tête. Tout se passe bien, nous documentons ce que nous pouvons, en espérant qu’à un moment on nous laissera tranquilles.









Nous arrivons ensuite à une salle très haute de plafond abritant deux immenses chaudières. Au fond, dans la pénombre, nous voyons des ouvriers s’affairant à leur lente œuvre de déconstruction. Mais la pièce (et la chaudière) sont si grandes que ça n’est pas du tout gênant, sans le bruit on ne saurait même pas qu'ils sont là. La chaudière est un impressionnant amas de ferraille, de tuyaux et d’escaliers. Je ne préfère pas imaginer le bruit que ça devait faire quand la centrale tournait à plein régime…







La curiosité de cette centrale, c’est qu’une courte scène du film «Blade Runner 2049» (sorti en 2017) y fut tournée. Quelques plans rapprochés, et un plan d’ensemble n’utilisant pas à fond la perspective qu’offre la très grande fenêtre située entre les deux chaudières. Ci-dessous les plans en question.











Note : ma visite date de 2019, et en 2020 la chaudière fut retirée comme on peut le voir sur cette photo. Je ne me souviens plus qui m'a envoyé cette photo, mais si vous savez qui en est l'auteur, n'hésitez pas.




Le vigile nous suivant toujours, nous nous dirigeons vers le sommet du bâtiment, situé cinq ou six étages plus haut. Je ne sais plus trop si c’est lui qui me suit, ou l’inverse, mais une fois arrivé au dernier étage, je le vois tout essoufflé (il est un peu corpulent) et bien rouge. Le regardant avec un air de «Ça va ? Tout va bien ?» il me fait signe de la main qu'il en a marre, et qu’il redescend. J’imagine qu’il rejoint le poste de garde situé à l’entrée de l’usine. A partir de là, nous sommes désormais complètement libres de faire ce que nous voulons, et ce sans risquer quoique ce soit. Le fait de pouvoir monter sur le toit et faire des photos sans avoir peur de se faire repérer est un grand moment de plaisir photographique.









Redescendant deux étages, nous sommes alors tout proches de l’immense salle vue au début. Descendant un autre escalier, nous nous retrouvons juste derrière, séparés d’elle par un mur de briques de verre filant à l’infini. A un endroit, une brique brisée permet de voir ce qui se passe dans l’immense salle. Je vois alors un groupe de quatre personnes se promener au loin. D’autres explorateurs/photographes ? On dirait bien. Sont-ils là avec autorisation ? Aucune idée. Quelques minutes plus tard, hasard de la vie, ils arrivent à l’endroit où nous sommes. Nous nous présentons, et apprenons qu’ils sont Taïwanais, et contrairement à nous, présents sans autorisation. Nous prenons leurs coordonnées et faisons quelques photos de groupes pour immortaliser cette amusante rencontre entre un groupe qui a le droit d’être là, et un autre qui essaye d’être le plus discret possible, car entré illégalement… Nous repartons chacun de notre côté et la visite continue en sortant de la centrale et en se dirigeant vers un bâtiment isolé un peu plus loin.









A quoi servait le bâtiment ci-dessous ? Aucune idée, mais j’aime sa forme insolite et son isolement par rapport au reste du site. Dedans, du matériel technique rouillé, des bidons éventrés, des documents éparpillés (du moins au rez-de-chaussée) et une ambiance post-apocalyptique pas déplaisante. Montant quelques marches, nous découvrons des points de vue intéressants. A un endroit, un trou dans une fenêtre nous permet d’apercevoir le prochain point d’intérêt que nous allons visiter : les trois tours de refroidissement de la centrale. Seront-elles toutes accessibles ? Nous verrons bien En tout cas c’est très sympa de monter sur le toit de ce bâtiment isolé et de contempler au loin la centrale que nous avons visité quelques instants auparavant.









Nous voici aux pieds des tours de refroidissement. Ces colosses de béton ne cessent de me fasciner de par leur gigantisme, le fait qu’ils soient complétement creux, et l’écho de nos voix dedans lorsque nous sommes à l’intérieur. Après avoir gravi les marches d’un escalier permettant d’accéder aux deux premières tours, nous constatons qu’une seule des deux est accessible.





A l’intérieur de celle-ci, je découvre plus ou moins le même spectacle que quand j’avais visité d’autres tours de refroidissement (lien vers tours grises), mais sans l’immense entonnoir très photogénique que l’on trouve dans la tour la plus connue de l’exploration urbaine. Ici, l’eau arrivait d’en bas via un conduit central (comme pour toute tour de refroidissement) et sortait par un trou carré d’à peu près un mètre de côté. Ensuite, elle venait s’engouffrer dans les conduits disposés autour du trou, puis l’eau tombait sur un enchevêtrement de poutres permettant d’éclater l’eau bouillante en différentes gouttes, plus petites à chaque fois, jusqu’à ce qu’il ne reste que de la vapeur.





Enfin, après être restés un bon moment sur place à arpenter cette vieille centrale, nous estimons que nous avons notre compte de photos, de poussière, de fatigue et d’émerveillement. Marchant tranquillement vers le poste de garde, nous regardons une dernière fois l’immense centrale endormie. Par là où nous passons, la pelouse semble entretenue. Qui peut bien s’en occuper ? La solution ne se fait pas attendre : un peu plus loin nous découvrons des moutons ! Se baladant tranquillement au milieu d’équipements rouillés et hors de fonctions, ils broutent paisiblement. Une image poétique qui clôt en beauté cette grande visite.



Ci-dessous, deux photos montrant le site en 1958, puis en 1972. Construite dans les années cinquante, cette centrale thermique fonctionna pendant une cinquantaine d’années. La capacité nominale de l'installation avec sa construction complète était de 120 MW, et comprenait sept chaudières à vapeur et six turbogénérateurs. La mine de la ville située à proximité n’arrivant pas à approvisionner en charbon la centrale en quantité suffisante, on en fit venir de plus loin, d’où les rails que l’on peut voir sur les photos aériennes.

Dans les années 80, la pollution devint une préoccupation croissante, la centrale rejetant chaque jour 120 tonnes de dioxyde de souffre dans l'air. Des séparateurs de cendres volantes furent installés dans les années 90, mais la centrale, fortement obsolète, fut rachetée quelques années plus tard, puis privatisée, pour enfin fermer ses portes au début des années 2000. A cette époque, la centrale ne produisait plus qu’un dixième de ce qu’elle produisait cinquante ans auparavant. Au moment de notre visite (2019) le site était en déconstruction.






Ci-dessous, le site en 2011 :