Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Voici un lieu que j’avais sur ma carte depuis des années, mais que je n’avais jamais pris le temps de visiter. De quoi s’agit-il ? D’une ancienne ferme, aujourd’hui dans un triste état. Le seul bâtiment rescapé (il y en avait deux autres auparavant) reste là à pourrir, coincé entre une voie de chemin de fer, une autoroute et des lignes à haute tension. Un lieu pour ainsi dire condamné à s’effondrer sur lui-même, ce qui est d’ailleurs le choix assumé de la Mairie comme nous le verrons plus loin sur cette page. Très visible depuis la route, voici un aperçu du bâtiment, encore assez majestueux avec ses deux tourelles.

Ci-dessous, des photos au drone pour se faire une meilleure idée :

























Entrer dans le bâtiment n’est pas bien compliqué, et vu la dangerosité du site et sa relative petitesse, je m’étonne que, quitte à ne pas savoir quoi faire du lieu, la Mairie ne le rase pas tout simplement. C’est par une des ailes que j’accède à l’intérieur, voici des photos de cette première approche qui me permet de découvrir l’intérieur (minuscule) d’une des deux tourelles :







La deuxième pièce a une ambiance de «curieuse» désolation avec ces poutres effondrées qui semblent former un X, comme une injonction à ne pas aller plus loin. Sur un mur, un tag dit «sacré bout de bois». Si vous connaissez la chanson (à écouter ici) vous pouvez imaginer dans quelles conditions se déroule la suite de cette visite : impossible de ne pas l’avoir dans la tête pendant des heures !









Passant ce qui reste d’une porte, j’arrive alors à la troisième salle qui contient quelque chose de très joli malgré l’état de dégradation du lieu : un escalier menant à l’étage. Effondré au niveau du palier entre les deux niveaux, il permet cependant de regarder (un peu) de quoi à l’air le premier étage. Je ne m’y engage pas et documente ce que je peux. C’est beau que cet escalier soit toujours là.











Quelques pas plus loin je découvre une autre salle aussi dévastée que le reste, ainsi qu’une autre, plus petite (l’ancienne cuisine) par laquelle on peut accéder à ce qui ressemble à une ancienne chambre froide, aussi ruinée que le reste. Je découvre aussi l’intérieur de l’autre tourelle. Vraiment, ces deux tourelles sont ce qui rendent ce corps de ferme unique, je crois bien que sans ça je ne serais pas venu documenter ce lieu. Sur un mur, un tag insolite «pâté en croute», peut-être laissé là par la même personne qui a écrit «sacré bout de bois» ?





























La visite étant terminée, je vois que je peux accéder à la cave via la salle de l’escalier. Descendant prudemment un monticule de gravats je documente cette partie bien sombre de la ferme. Après avoir fait ces photos je me dis qu’il n’y a vraiment plus rien à sauver ici, et c’est sur cette triste sensation de désolation que se termine cette visite.





Concernant l’histoire de ce lieu, voici ce que je peux en dire : la construction de cette ferme aurait commencé au début du XIXème siècle. Les deux tourelles furent ajoutées à une période indéterminée, probablement pour donner un peu plus de prestige au site ? Ci-dessous des cartes postales anciennes du lieu :









Le lieu devient dans les années 30 un «marché permanent» pour les habitants des alentours. Voici une vue aérienne de la ferme en 1933. On voit le corps de ferme (en vert) ainsi que les deux autres bâtiments (en orange).

Ci-dessous des vues aériennes allant de 1951 à 1973 :



















C’est à partir de 1977 que la vie change radicalement pour la ferme. Comme on le voit sur l’image ci-dessous, une autoroute se construit non loin d’elle (la ferme est en haut à droite sur l’image). La vue suivante date de 1978 et montre l’avancement du chantier.



Ci-dessous, trois très belles vues aériennes datant de 1980 et sur lesquelles on peut se faire une très belle idée du site, composé du corps de ferme avec ses deux tourelles mais aussi des deux autres bâtiments situés à côté. On note aussi deux hangars : un grand et un plus petit. On peut voir aussi l’avancement du chantier de l’autoroute, qui va changer la donne pour la ferme, avec beaucoup plus de passage, mais aussi de bruit et de pollution.





Il est difficile de savoir dans quelle mesure l’activité de la ferme continue par la suite, mais on voit que le site est peu à peu délaissé, ou alors moins actif. Ci-dessous des vues allant de 1982 à 1999. C’est à partir de 1999 que l’on peut voir un signe de dégradations de la toiture du toit d’un des deux bâtiments situés de part et d’autre de la ferme.













Ci-dessous le site en 2002 :

Sur la vue ci-dessous nous sommes en 2003, et deux choses se sont produites sur place : tout d’abord la transformation de la centrale thermique à proximité (on voit le chantier en haut à gauche) et un double incendie à la ferme en l’an 2000, incendie volontaire d’après les forces de l’ordre, qui nous indiquent que «nous sommes en novembre et l’humidité est forte à cette période». A cette époque le lieu est inhabité et «l’électricité est coupée depuis longtemps». L’article qui en parle dit aussi que trois mois plus tôt le lieu avait été évacué sur décision de justice car il abritait un abattoir clandestin «très fréquenté lors des fêtes religieuses musulmanes de l'Aïd el-Kébir et du ramadan.» Sur la vue aérienne ci-dessous on voit également un camp de gens du voyage qui n’était pas là en 2002.

Ci-dessous nous sommes en 2004 et plus de trace du camp des gens du voyage. Le site est de toute évidence désaffecté. On voit une ligne à haute tension à droite de l’image : elle court jusqu’à la centrale thermique dont nous avons vu le chantier plus haut.

Sur la vue de 2005 ci-dessous on peut voir ce qui va sceller le destin de la ferme : la construction d’une ligne de chemin de fer. Entre le bruit (et la pollution) de l’autoroute, le bruit du chemin de fer et les potentielles nuisances de la ligne à haute tension (maux de tête, vertiges etc) une potentielle réhabilitation ou valorisation du lieu semble compromise. Après cette vue aérienne, une photo non datée, et à priori la seule photo "urbex" montrant les deux autres bâtiments qui ne seront plus là par la suite.



Ci-dessous une vue intéressante datant de 2007. On voit qu’un parc a été aménagé à côté de la ferme. C’est cette année qu’un projet de réhabilitation est créé, mais rien ne se produira par la suite. A al suite de cette image, une autre tirée du journal local parlant du projet.



Ci-dessous, 2009. Le parc est toujours là, et la ferme est entourée d’arbustes, comme pour un peu la mettre en valeur - alors que le lieu est accessible et dangereux. Il y a peut-être là une volonté de tout de même valoriser ce patrimoine. Un patrimoine qui pourtant pourrit sur place…



Ci-dessous une vue du site en 2012, puis une autre datant de 2015. On constate une réinstallation des gens du voyage, puis leur départ trois années plus tard. Entre temps, le motif du parc n’est presque plus visible.



En 2017 une conférence de presse est organisée par une étudiante en architecture ayant retracé toute l’histoire du lieu. On y apprend que des habitants veulent démolir la ferme, et qu’un permis de démolir avait été déposé en 2013 à cet effet. Mais le Maire explique que la ferme est un «marqueur de la ville qu’il aurait été dommage de faire disparaitre». Le problème est que le site est dans un tel état de dégradation qu’il n’y a plus rien à faire, et c’est lors de cette conférence que le Maire explique aussi que «l’idée est que le lieu disparaisse petit à petit dans la végétation et disparaisse des mémoires pour mourir de sa belle mort. Le bâtiment va s’écrouler petit à petit et tout le monde l’oubliera. Il n’y aura jamais eu de projet viable».

Trois ans plus tard, sur la vue aérienne de 2020 ci-dessous, la ferme est toujours là. En 2022 j’y fais les photos que vous avez vues plus haut. Quel sera le destin final de cette ferme ? L’avenir nous le dira, mais il y a fort à parier qu’elle finisse rasée suite à une blessure ou un mort, comme cela arrive dans d’autres lieux de ce genre.