Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Comment entrer dans cet hôtel ? Voilà la question que nous nous posons après en avoir fait deux fois le tour. Côté rue, pas la peine d'y penser, tout est fermé et il y a bien trop de gens qui regardent. Derrière l'hôtel, un chantier (à l'arrêt depuis quelque temps, on dirait) a créé des ouvertures ici et là et transformé ce qui semblait être l'arrière-cour de l'hôtel en un petit terrain vague. Au loin nous constatons que les ouvertures sont barricadées, mais l'une d'elle semble praticable avec un peu d'escalade. Il nous suffirait donc d'escalader le mur, entrer sur le terrain vague, et voilà. Sauf qu'il y a un parking derrière l'hôtel, et qu'au moment où nous y sommes, des voitures vont et viennent, et des passants traversent le parking pour rejoindre une rue située derrière l'hôtel. Le soir tombant peu à peu, nous nous demandons si il ne serait pas plus sage de revenir le lendemain aux aurores.

C'est alors que nous voyons arriver un groupe de cinq adolescents sur des trottinettes. Très rapidement, et se fichant complètement des passants qui les regardent, ils escaladent le mur et pénètrent sur le terrain vague. Les voyant faire, nous leur demandons si ça ne pose pas de problème de venir avec eux, ce à quoi ils répondent "Non non, venez !" L'un d'eux nous aide même en nous aidant à faire passer un sac à dos de l'autre côté du mur. Quelques secondes plus tard, toujours à la vue des passants (qui apparemment s'en fichent) le groupe d'adolescents entre rapidement par une des ouvertures que nous avons vus plus tôt. Nous les suivons rapidement, et sans même s'en rendre compte, nous qui nous demandions quelques minutes avant comment nous allions entrer, nous voilà dans le bâtiment ! Nous sortons notre matériel en entendant les adolescents s'engouffrer dans l'ancien hôtel, parlant bruyamment et se filmant sur leurs trottinettes. Ci-dessous, une photo prise par JC au moment où nous sommes entrés.




Un premier constat s'impose à ce stade : si il est aussi facile de pénétrer dans l'hôtel, et que les adolescents du quartier semblent y venir de temps en temps, c'est qu'il n'est (à priori) pas surveillé, ce qui est un bon point pour nous. Par contre, qui dit pas de surveillance dit que le lieu sera potentiellement constellé de tags, dégradé etc. Pour autant, lorsque nous arrivons dans la première pièce, en l'occurrence le restaurant de l'hôtel, nous sommes surpris : tout est plutôt bien conservé, et il n'y a presque pas de tags. Etonnant, et réjouissant.











Nos pas nous mènent à un couloir sombre semblant donner sur un passage qui nous mènera aux chambres de l'hôtel. Peine perdue, tout est condamné, mais ce n'est pas si grave car cela nous permettra de nous focaliser sur le premier des deux points d'intérêt de cet hôtel : le magnifique escalier situé juste après le couloir, ci-dessous.




Nous voilà alors à l'escalier. Admirez-moi cette beauté. Deux volées de marche, joliment agencées, nous invitent à monter vers un vestibule (lui aussi sublime) donnant accès à la salle de bal. La couleur jaune donne une vie insolite à ce lieu à présent déserté, tout comme la rampe sculptée, miraculeusement préservée. On pourrait presque dire que cet escalier devait être un peu kitch quand l'hôtel fonctionnait, et qu'il est presque plus beau aujourd'hui, dégageant beaucoup de nostalgie. Une fois les marches montées, nous découvrons un grand et beau vestibule, lui aussi plutôt bien préservé, et, comme l'escalier, nullement tagué. Incroyable pour un lieu à priori aussi simple à visiter. Entre les deux volées de marche, une porte mène à une autre partie de l'hôtel qui semble avoir été utilisée comme salle de strip-tease. Curieux pour un lieu de ce genre, mais je ne vois pas ce que ça pourrait être en dehors d'une salle de strip-tease ? Est-ce que la flèche jaune indique que tout cela se passait à l'étage ? Aucune idée.









Il est alors temps de visiter la fameuse salle de bal, mais avant cela, un escalier au bout du vestibule nous permet de visiter l'ancienne cabine de projection (la salle de bal fut utilisée comme salle en cinéma à un moment de son histoire). Comme le reste de l'hôtel, la salle est malheureusement bien vide, mais, détail intéressant, il reste quelques posters au mur témoignant de son activité passée. Ces posters (ou restes de posters, plutôt) permettent de dater la période où le cinéma fut actif : "Trois hommes et un couffin" version américaine (1987), "Police Academy 5" (1988), "Permis de tuer" (1989), "Tango & Cash" (1989), et enfin "Vénus Beauté Institut" (1999), qui semble être le poster le plus récent.









Nous quittons alors la cabine de projection pour nous diriger vers la salle de bal. La lumière commence vraiment à baisser à ce moment de la visite, et je dois dire que ce ne fut pas simple de faire des photos ici, la pièce étant déjà sombre en temps normal. Comme le reste de l'hôtel, ce qui me frappe ici c'est la beauté du lieu et son état, qui est très correct pour un lieu qui a l'air (apparemment) très visité. Admirez-moi ce rouge, ces décorations blanches, on se croirait dans un palais. Nos voix résonnent dans le silence de cet hôtel à présent déserté. Par endroits, des signes de travaux laissent penser que le lieu allait être réhabilité, mais tout celà remonte à un petit moment. Sortant de l'hôtel, nous sommes heureux d'avoir pu documenter ce lieu malgré une lumière de fin d'après-midi pas optimale.







Ci-dessous, des photos de la même salle, prises par JC. Un grand merci à lui !







Construit à la toute fin du XIXème siècle, l'activité de cet ancien hôtel fut florissante jusqu'à la fin des années 30, période où il fut rénové et agrandi. Dans les années 50, il accueille même des spectacles de variété nocturnes. A partir de ces années, il change de nom, et la salle de spectacle/bal devient un cinéma à part entière indépendant de l'hôtel. Le lieu sera un haut lieu de la vie nocturne de la région dans les années 60/70, période durant laquelle il sera une fois de plus rénové. Cela n'empêchera pourtant pas l'hôtel de faire faillite vers la fin des années 80. Divers propriétaires se succèderont, puis la ville rachètera l'hôtel en 1990.

La partie "cinéma" continuera de fonctionner quelques années jusqu'à être rachetée par une compagnie hôtelière, celle-ci s'engageant à moderniser le lieu. Une année s'écoule, puis deux, trois, et rien ne se passe. Au début des années 2000 la ville tente alors de racheter à nouveau l'hôtel, mais y renonce, faute de moyens. Il faut attendre 2015 pour que la ville puisse enfin racheter le bâtiment, mais là encore, le coût des travaux est tel que nous en arrivons à la situation vue lors de notre visite (2019) : le lieu pourrit sans personne pour s'en occuper. Ci-dessous, le restaurant au début des années 30, avec en-dessous une photo pour comparaison.