Sur cette page je vous présente un lieu que j'ai visité en 2017 et figurant dans mon livre "Urbex Europe". Ce lieu ayant été démoli (sauf le château) fin 2019 début 2020 en vue d'un projet de réhabilitation, je peux donc vous en parler librement ici en vous racontant son histoire, en mettant plein de photos, de vues aériennes, d'archives etc.


Le nom de ce lieu est le Domaine de Corbeville, que j'ai nommé "Domaine du Cycliste" dans mon livre car un cycliste était peint sur la grande cheminée blanche que nous verrons plus loin. Avant de débuter je remercie Yxelle pour les deux photos que nous verrons plus loin, ainsi que Yves pour sa trentaine de photos prises sur place quand le lieu était en cours de démolition fin 2019. Coucou aussi à Richard et Laurence, avec qui j'ai exploré ce lieu.

Pour commencer, voici ce qui est écrit sur Wikipédia : "Le Domaine de Corbeville situé sur la commune d’Orsay, en France, s'étend, d'est en ouest, au nord du quartier du Guichet, sur le haut du coteau de la Troche en bordure du plateau de Saclay et le long des pentes boisées qui descendent jusqu'à l'actuelle route nationale 118. Le château avec ses quatre tourelles et son imposante toiture est visible au-dessus des arbres à partir de la vallée." Voilà pour la description, et niveau histoire, tout commence avec l'emblématique château, qui toujours selon Wikipédia semble avoir été édifié en 1520. Mais à l'époque le château ne ressemble pas du tout à celui que nous verrons plus loin, c'est un simple "pavillon" qui est doublé en 1590, chaque moitié étant surmontée d'une toiture séparée comme celle de deux maisons jumelles. C'est à partir de 1605 qu'une autorisation est délivrée pour flanquer le pavillon de quatre tourelles.

Par la suite le domaine passe de propriétaires en propriétaires et la physionomie du château change un peu. Ainsi, vers 1660, la double toiture à égout central (structure habituelle à l'époque mais propice aux infiltrations) est supprimée et remplacée par le toit unique que l'on connait aujourd'hui. Ainsi, à la fin du XVIIème siècle, le château a pratiquement acquis son aspect général actuel. Au temps de Louis XIV les étangs du plateau de Saclay et la rigole de Corbeville alimentaient le système hydraulique de Versailles (merci Yxelle).

C'est lorsque survient la Révolution Française que le château est déclaré "bien national", et placé sous séquestre. Le caractère résidentiel du château l'empêche d'être démoli comme de nombreux autres châteaux. Acheté aux enchères en 1794, le site passe de nouveau de propriétaires en propriétaires. Ci-dessous, des cartes postales anciennes datant (à priori) de début 1900. On y voit bien le château ainsi que la ferme.







Ci-dessous le domaine en 1937. En vert, le château et le plus grand des deux bâtiments composant la ferme. Le bâtiment colorié en orange disparaitra au début des années 50 comme nous le verrons plus loin.

Lors la Deuxième Guerre Mondiale, contrairement à nombre de lieux de la région, le château n'est pas occupé par l'Armée Allemande. Seul un détachement de sous-officiers y reste en Juillet 1940. Mais comme beaucoup de demeures, il n'échappe pas au pillage : meubles, tableaux et autres objets disparaissent. Après la Libération, une quarantaine d'enfants juifs, dont les parents avaient été déportés, sont accueillis par l'Œuvre de Secours à l'Enfance, l'O.S.E., qui avait loué le château. Lors de ma visite en 2017 j'ai vu une plaque gravée mentionnant cet épisode, nous la verrons plus loin.

Monsieur Appert fut le dernier propriétaire à résider sur place jusqu'en 1946, année où, le domaine est vendu à une société civile dénommée «Ferme de Corbeville» qui appartient à la Compagnie des Compteurs. Cette firme avait commencé diverses recherches, en particulier dans le domaine des tubes électroniques comme les indicateurs pour le radar. Elle installe quelques laboratoires dans le château et la ferme. La Science et la Technique pénètrent alors à Corbeville. Ci-dessous deux vues du site en 1952. On constate que la physionomie du domaine reste inchangée.



Vers 1955, la Compagnie Générale de Télégraphie Sans Fil (CSF) rachète le domaine et y implante son centre de recherches. Le château accueille les services administratifs, la partie sud de la ferme, seule conservée, divers bureaux. Les potagers disparaissent et le parc voir pousser un ensemble de locaux abritant les laboratoires. Ci-dessous, plusieurs vues montrant le site en 1958.









Ci-dessous, le site en 1960 et 1961 :



Les activités du centre sont dès le début conduites en liaison avec de grands laboratoires ou instituts de recherche (Normale Sup, l'École Polytechnique, CEA, CNRS, Facultés...). Ainsi Corbeville est associé de façon étroite à la construction de l'accélérateur linéaire de la faculté d'Orsay. L’importance des travaux effectués fait rapidement connaître le centre dans les milieux scientifiques et techniques ; nombre de visiteurs de marque y viennent, notamment le Professeur Alfred Kastler, Prix Nobel dans les années 1960. Les recherches portèrent à cette époque sur les télécommunications, les hyperfréquences, les tubes et les antennes, la résonance magnétique, les masers et le laser, l'acoustique, les ferrites et les semi-conducteurs. Ci-dessous, quatre images d'archives trouvées sur cette page.



Ci-dessous, plusieurs très belles vues montrant le domaine en 1965 :













Ci-dessous, le domaine en 1998, 2002, 2003 et 2004 :









La CSF devint ensuite Thomson-CSF (puis Thalès). Toutes ces activités scientifiques et techniques quittent les lieux vers 2005 pour s’établir à quelques centaines de mètres, sur les terrains de l’École Polytechnique. Les deux vues aériennes de 2011 ci-dessous montrent des véhicules garés sur place, signe que le site continue à vivre encore quelques années.



Après le départ des derniers employés le site est délaissé et devient le terrain de jeu des pilleurs, explorateurs urbains, tagueurs, mais également un lieu d'entrainement pour les forces de l'ordre. Ci-dessous trois vues montrant le site en 2016.





Nous arrivons alors au 18 Février 2017, date à laquelle je visite le lieu en compagnie de trois camarades explorateurs urbains. Arrivés par la forêt, nous faisons un petit tour pour d'abord aller voir les terrains de tennis repérés en vue satellite avant notre visite. Pas de grosse surprise, ce sont bien de simples terrains de tennis abandonnés... Mais d'emblée ça installe une ambiance de fin du monde, ambiance augmentée par le froid qu'il fait lors de cette journée de février. Information supplémentaire sur ce lieu : deux fois par semaine, des escadrons viennent s’exercer - parfois avec des balles réelles. Une information étonnante mais qui fait monter d’un cran l’adrénaline. Espérons qu'ils ne soient pas là aujourd'hui ?







Nous nous dirigeons alors vers une des nombreuses entrées du domaine. Grillage, barbelés, vestes déchirées posées par-dessus, sympa comme ambiance ! Profitant d'un barreau scié par de précédents visiteurs, nous pénétrons tout en douceur sur le site, et apercevons de gros blocs de pierres et un fossé, tous deux créés pour empêcher toute installation de gens du voyage, j'imagine. Un peu partout au sol, des débris, des objets prélevés dans la guérite de l'ancien gardien et éparpillés au sol un peu partout.









Avançant lentement, nous découvrons peu à peu le lieu que nous sommes venus explorer. La végétation est plutôt présente (même en hiver) et le silence qui règne ici est fascinant. La taille du site fait que nous sommes plutôt décontractés : les vigiles sont à l'opposé du site, très loin devant nous. Aucun son ne nous indique que les forces de l'ordre sont là aujourd'hui. Prenant un peu la confiance, nous nous promenons à découvert et documentons ce que nous pouvons. Près d'un des premiers bâtiments que nous croisons, une camionnette attends là, seule et abandonnée. Depuis quand ?







Un peu plus loin nous découvrons un enchevêtrement de tuyaux reliant deux bâtiments. Un indice sur la nature du site que nous visitons. De nombreux tags et grafs indiquent que le lieu est pas mal fréquenté. Un an plus tard, à cet endroit sera tournée une scène d'un film (j'en parle plus loin).







Nos pas nous mènent à d'autres bâtiments, mais surtout à une jolie cheminée blanche où est peint un cycliste. Pourquoi un cycliste ? Aucune idée, mais au pied de cette cheminée se trouve un bassin plutôt joli, au bord duquel nous déjeunons en toute sérénité. Montant à un des escaliers, je documente la cheminée d'un peu plus haut. Plus tard, Yxelle me prend en photo à côté de Richard, au pied de cette belle cheminée.











Avant d'entrer dans un des bâtiments nous rencontrons un homme qui n’est visiblement pas vigile. Nous lui expliquons que nous ne sommes là que pour faire des photos. Lui est là pour récupérer du métal. Nos présences étant aussi illégales l’une que l’autre, une sorte de complicité s’installe. Il nous explique que les mardis et les vendredis, les forces de l’ordre s’entrainent et parfois à balles réelles, chose que nous savions déjà mais qui nous est ici confirmée. Lors d’une de ses collectes, il a dû se cacher sur un toit pendant cinq heures et attendre la fin de l’entrainement pour pouvoir partir tranquillement. Impossible de ne pas ouvrir la bouche d'étonnement en imaginant le pauvre homme coincé là-haut cinq heures, attendant la fin de l'entrainement !

Le laissant à ses affaires, nous nous dirigeons vers l'intérieur d'un des bâtiments... La taille du site et le labyrinthe constitué par tous ces bâtiments est réellement plaisant à explorer, et surtout, il reste encore pas mal de documents un peu partout nous rappelant ce qui se passait sur place. Alors, oui, tout est un peu tagué ou dégradé, mais se promener en toute liberté ici est plaisant. Le seul souci est le temps : visiter ce site en entier prendrait une journée entière ! Ci-dessous des images de l'intérieur des locaux, avec un petit coup de cœur pour cette salle orange, ces gros tuyaux à l'étage, et ce beau couloir multicolore avec une chaise posée en plein milieu.































Nous arrivons alors en vue du château, que nous nous sommes réservés pour la fin. Chose étonnante : aucun tag ou graf sur l'extérieur ! Mais en entrant dans le hall c'est une autre histoire... "Nique la police", "saleté de condés", "saleté de tagueurs", "Omar m'a tuer"... Le rez-de-chaussée est bien dégradé. Bizarrement, les étages ne sont pas trop touchés. Autre chose étonnante : nous nous attentions à un intérieur qui fasse vraiment "château"(escalier en colimaçon, décorations etc) et en fait nous tombons sur des pièces qui semblent tout droit sortir de n'importe quel bâtiment moderne. Le château ayant abrité la partie administrative du site, des aménagements ont peut-être été effectués...





















La visite se termine par l'ancienne ferme. Ne nous attendant pas grand chose, nous sommes surpris de découvrir des tonnes de documents, objets divers et variés. Encore une fois, tout documenter et fouiller prendrait énormément de temps. En tout cas c'est fou qu'il reste encore autant de choses ici alors qu'en face les bâtiments sont désespérément vides.













Faisant le tour de la ferme, nous découvrons une maison mitoyenne. Poussant la porte d'entrée, nous découvrons un lieu qui semble avoir servi de squat à un sdf. Le bâtiment pouvant encore très bien servir, tant mieux pour cette personne. Explorant un peu plus la maison nous constatons que si squat il y a eu, c'était il y a un moment : le lieu semble à présent déserté vu la saleté accumulée sur ce qui reste (pot à cornichons, ketchup, bouteille de lait...)









La visite touchant à sa fin, je fais le tour de cette petite maison histoire de voir si il n'y aurait pas encore quelque chose à voir. Et je tombe sur une plaque fixée au-dessus d'une fenêtre. M'approchant d'elle, le texte gravé semble assez ancien. Tenant mon appareil à bout de bras je fais une photo en me disant que des gens m'aideront à traduire ce qui est écrit. Ce sera le cas un peu plus tard, mais je vous livre ici la traduction la plus probable : «En mémoire, ô amis qui m’étaient les plus chers, vous qui aviez de l’affection pour cette maison, le destin vous a prématurément soustrait à moi. Triste est l’âme qui se souvient. 1943». Cette date m'intrigue, et une fois chez moi, après quelques recherches, je découvre que cette plaque fait référence à ce qui est écrit plus haut sur cette page : après la Libération (1945) une quarantaine d'enfants juifs, dont les parents avaient été déportés, sont accueillis par l'Œuvre de Secours à l'Enfance, l'O.S.E., qui avait loué le château. J'imagine donc que cette déportation a eu lieu en 1943. Voir cette plaque donne une toute autre ambiance au lieu...



Après avoir exploré durant trois bonnes heures cet immense site, la visite touche à sa fin. Grand, varié, insolite, et apparemment chargé d'histoire avec cette plaque aperçue derrière la ferme, je suis ravi d'avoir pu documenter ce lieu au cas où il viendrait à disparaitre. Ci-dessous quatre autres photos faites alors que nous repartions.







Ci-dessous, une belle vidéo tournée par Urbex Connection en décembre 2017 :

 

En 2018, un ami vivant à Orsay m'informe que des scènes du film "Nicky Larson et le Parfum de Cupidon" sont tournées à Corbeville. Voici une vue aérienne du site en 2018, puis des images montrant que le site a bel et bien été utilisé pour la dernière partie du film, censée se passer dans une "usine nucléaire".













En Juin 2018 l'artiste Lego Parigo réalise une fresque sur un des toits du domaine. Photos drone par CristObeL.







En 2019 sort mon livre "Urbex Europe". Le Domaine de Corbeville y apparait, maquillé en "Domaine du Cycliste". Pour l'occasion je réalise un dessin montrant la cheminée blanche, ci-dessous :

Fin Aout 2019, France 3 consacre trois reportages à l'exploration urbaine. Le lieu apparait dans le deuxième de ces reportages. Ci-dessous des images montrant Nicolas de Accès Interdit évoluant sur place avec la journaliste Marion David. Corbeville apparait à 04'14, vous pouvez visionner la vidéo en cliquant ici ou sur l'image ci-dessous.

Fin 2019 des amis explorent le lieu. Voilà une selection de photos prises par Yves. Merci à lui ! Les photos furent prises de juillet à septembre 2019.




































































Ci-dessous deux belles photos du site prises avec un drone en décembre 2019 lors du début des travaux de déconstruction (Merci Yves)



Toujours en 2019, le lieu est en 3D sur Google Earth, ci-dessous :













En 2019 le domaine appartient à l'Établissement Public d'Aménagement Paris-Saclay après son rachat à un fonds d’investissement Qatari. Il fait partie du Plateau de Saclay où de nombreux projets d’aménagements sont en cours. Dans cet article il est écrit que "Le domaine a vocation à devenir un «quartier mixte, éco-innovant» et qui fera la jonction entre les quartiers de Polytechnique et du Moulon. A cheval sur les territoires d'Orsay (74 ha) et Saclay (20 ha), la ZAC de Corbeville est appelée, à partir de l'horizon 2020, à se transformer pour accueillir environ 5000 nouveaux habitants, dont un millier d'étudiants." Une brochure (datée du 1er Aout 2019) présente également le projet, cliquez ici ou sur l'image ci-dessous pour la consulter.

Le Collectif Saclay Citoyen se bat actuellement (2019) pour empêcher que Corbeville ne soit urbanisée (la construction de l'hôpital va aussi porter atteinte aux terres agricoles). Lire l'article "Faut-il annuler la DUP Corbeville ?". Pour un article intéressant sur les rigoles de Saclay, rendez-vous ici.

Mai 2020 : Je reçois un très intéressant mail d'Emmanuel de Chambost, un ancien de Corbeville, qui m'informe de la mise en ligne d'une page racontant les origines du centre de recherches créé en 1947 au domaine de Corbeville, des origines qui doivent beaucoup, à une collaboration franco-allemande méconnue, celle des années d'après guerre. Cliquez ici ou sur l'image pour lire ça.




Ci-dessous le site en 2021. Rappel : le château est fermé et sécurisé.




Ci-dessous mes photos faites en 2017 exposées sur place dès le 18 Septembre 2021 pour les Journées du Patrimoine. Lisez l'article ici ! L'avant-dernière photo est de Yves. Merci à Paris-Saclay pour m'avoir contacté !






















Fin aout 2023, je reçois un mail d'une personne ayant visité le Domaine de Corbeville récemment, sa mère ayant travaillé sur place des années soixante aux années quatre vingt. Voici un extrait du mail d'Isabelle : "Vous n’imaginez pas son émotion de voir les photos [de cette page] et de m’expliquer où elle travaillait, d’apprendre de la création du site jusqu’à sa démolition. Quand je vais la voir, je promène souvent mon chien sur le chemin de Corbeville : le petit portail rouillé restant entrouvert, j’ai souvent eu l'idée de le pousser. Grâce à vous c’est chose faite. Et pour ma mère un grand moment de joie. Merci infiniment pour ce beau travail de documentation et de photographie."

Je demande alors à Isabelle si sa mère serait d'accord pour que nous nous voyons en vrai, afin de recueillir son précieux témoignage concernant ses années passées à travailler à Corbeville. Nous convenons d'un rendez-vous fin septembre 2023. Voici la retranscription du témoignage de Catherine, qui a travaillé à Corbeville de 1963 à 1986. Un grand merci à sa fille Isabelle qui a permit cette belle rencontre :

«J’ai commencé à travailler au Domaine de Corbeville en 1963, quinze jours avant mon mariage. A l’époque il y avait du travail partout, et monsieur Roussel, mon voisin (et chef d’équipe à Corbeville) m’a fait entrer comme assistante/secrétaire. Née en Italie, j’étais une des rares personnes pas «Française» à 100%, les seuls employés d’origine différentes que j’ai croisé étaient là en intérim. Pour arriver à Corbeville j’avais juste à marcher à pied cinq minutes depuis la Rue des Mûriers, sous les châtaigniers. C’était CSF qui était sur place (devenu Thomson CSF) CSF = «Communication Sans Fil». J’y ai travaillé vingt-trois ans, de 1963 à 1986. Mon mari, lui, travaillait aux PTT (France Télécom) à Massy.

En tant que secrétaire/assistance, j’allais un peu partout sur le site, parfois au château, où était située l’infirmerie (rez-de-chaussée) et la comptabilité (étage). Mais on me donnait d’autres missions : travailler sur des armoires électriques, monter des circuits imprimés - parfois destinés aux satellites. Il fallait faire attention, c’était un travail sérieux et minutieux. Parfois nous travaillons pour le nucléaire, parfois je faisais du câblage, je travaillais sur des composants... Etant rentrée sans formation, j’ai tout appris sur place, sans très bien connaitre la langue. Je m’adaptais à tout, mes chefs étaient tous contents et jamais je n’ai eu de mauvaises réflexions de leur part.

Quelquefois nous descendions dans un tunnel pour des travaux liés au nucléaire. Nous avions une protection : un casque et un pantalon ! Je travaillais sur des sortes de châssis. Ici, il fallait installer des résistances, placer des composants électroniques… Un employé ne savait jamais si j’étais un homme ou une femme à cause du casque cachant mes cheveux longs blonds (rires). J’ai aussi travaillé au Fort de Buc (où CSF avait des locaux), mais ça ne s’est pas bien passé, ça n’a duré que 15 jours. En tout cas les pâtisseries de la cantine était très bonne, j’en ramenais à ma fille !

Ces années à Corbeville furent de très bonnes années, tout me plaisait à commencer par le cadre, la mare aux poissons rouges, la petite ferme (où vivait le gardien) les parties de pétanque après le déjeuner... J’ai commencé tout en bas de l’échelle, et comme j’apprenais vite et travaillais bien j’ai grimpé les échelons jusqu’à toucher une bonne paye. En 1968 il y eut des grèves à Corbeville, en solidarité avec celles qui avaient lieu un peu partout en France. J’étais syndiquée CGT, j’avais la carte comme beaucoup de gens sur place. On a réussi à avoir quelques avantages pour les enfants.

Vers le milieu des années 80, la direction décida de licencier les employés «trop payés». Ils commencèrent à virer les personnes les mieux payées pour faire venir des personnes moins qualifiées, et donc payées moins cher. Tous les postes furent concernés, chefs comme employés. Ils se basaient très souvent sur l’ancienneté. Monsieur Roussel fut licencié.

Comme de nombreux employés j’étais syndiquée à la CGT, qui nous demandait souvent de voter pour eux à diverses occasions. Lorsque j’ai été licenciée personne ne m’a défendue, j’ai dû le faire moi-même, et ai réussi à obtenir 14.000 francs (environ 4000€ de 2023) soit environ deux mois de salaire d’indemnité. Je n’ai pas connu le cycliste peint sur la cheminée, donc il doit dater d’après 1986. Malgré ce difficile licenciement, je garde un très bon souvenir de ces vingt années à travailler au Domaine de Corbeville.»

En remerciement de ce précieux témoignage, j'offre mon dernier livre "Glauque-Land, 25 ans d'Urbex en France" à Isabelle et Catherine, puis quelques jours plus tard je leur envoie le livre "Urbex Europe", dans lequel figure le Domaine de Corbeville (renommé "Domaine du Cycliste" à l'époque où il était un lieu urbex), ainsi qu'une carte postale ancienne montrant le beau château, toujours présent.