Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Quelques jours avant de visiter cette belle demeure, je devais faire une sortie avec des amies dans un coin que je connaissais un peu, mais il me manquait un lieu de secours au cas où la visite du premier lieu que nous comptions explorer ne serait pas possible. Après une petit dizaine de minutes de recherche je tombais sur ce curieux bâtiment, dont le look laissait supposer qu’il était à l’abandon (du moins en vue satellite). Montrant la vue à mes camarades exploratrices du jour, nous décidâmes de commencer (pour des raisons de logistique) par ce lieu, puis nous tenterions l’autre après. C’est ainsi qu’un dimanche matin en tout début de journée apparut la silhouette de cette curieuse demeure au travers des arbres. A moitié recouvert de lierre, et auréolé de glycines ici et là, la bâtisse dégage un charme fou qui fait que nous tournons autour deux ou trois fois pour l’admirer avant de nous décider à y entrer. Nous pénétrons ensuite dans la demeure dont la fraicheur fait beaucoup de bien en de début de matinée caniculaire.

La première pièce que nous découvrons est la cuisine. Immédiatement, nous remarquons une inscription courant sur les murs tout le long des murs. Nous pouvons lire : «Adieu, terre hospitalière, terre délicieuse, je pars avec deux ans de plus, rajeuni de vingt ans, plus barbare qu’à l’arrivée, et pourtant oui les sauvages bien des choses au vieux civilisé.» La citation exacte est : « Adieu, terre hospitalière, terre délicieuse, patrie de liberté et de beauté ! Je pars, vieilli de deux ans, rajeuni de vingt ans, plus barbare qu’à l’arrivée et bien plus instruit. Oui, les sauvages ont enseigné bien des choses au vieux civilisé.» Le texte provient du dernier chapitre de «Noa Noa» de Paul Gauguin et Charles Morice (1901). Dans un recoin de la pièce nous découvrons l’évier, petit mais joliment décoré avec ces quatre poissons colorés apportant de la vie à ce recoin. Des ustensiles trainent un peu partout et la maison semble à l’abandon depuis un bon moment vu les nombreuses toiles d’araignées. Ci-dessous les photos de la cuisine :





La visite continue en passant devant un très bel escalier (sur lequel je reviendrais plus loin) et en arrivant dans la pièce principale, vide mais contenant tout de même de très belles choses, à commencer par une imposante - et insolite - cheminée, des rideaux rouges de toute beauté, et ici et là, des livres et d’autres inscriptions sur les murs.









L’autre très belle surprise de cette pièce, c’est un grand livre de comptes contenant une tonne d’informations datant de l’époque où le lieu était habité, ou actif, puisque nous lisons qu’il aurait servi de restaurant, ce qui me parait étrange vu la petitesse de la demeure, mais si c’est écrit, admettons. Sur une page, un plan décrit tout ce que l’on peut trouver sur la parcelle où la demeure est construite (prise d’eau, circuit électrique etc), sur une autre sont consignées toutes les dépenses, tous les achats, et l’on trouve plus loin des commentaires assez émouvants dépeignant la vie sur place au milieu des années 70. J’ai fait des photos de chaque page mais bien évidemment il m’est impossible de tout retranscrire ici. Enfin, la cerise sur le gâteau est de tomber à un moment sur un dessin de la maison, abîmé mais sublime, et datant de 1998.





Juste après cette pièce, nous pénétrons dans une autre salle, un peu plus petite, verte et blanche. Ici aussi, comme dans la pièce précédente, pas grand-chose, mais du beau : une malle, une cheminée, une bibliothèque encore bien garnie, et un escalier en bois pas de toute première fraicheur qui permet d’accéder à une toute petite chambre sous les combles.







Revenant sur mes pas je contemple d’un peu plus près le curieux escalier aperçu un peu avant. Assez original, chaque marche porte un nom : Louis I pour la première, Louis II pour la deuxième et ainsi de suite. La 10ème marche porte le nom de Louis X «dit le hutin» (synonyme d’entêté), et la 17ème marche est la dernière à porter un nom. A partir de la 18ème, c’est autre chose qui est écrit : «Et puis personne, plus rien… Qu’est-ce que c’est que ces gens qui ne sont pas foutus de compter jusqu’à 20 ?» Qui a écrit ça ? Aucune idée, peut-être la même personne ayant inscrit le poème dans la cuisine ? Le texte est en fait un poème intitulé "Les belles familles" (1949) de Jacques Prévert, paru dans son recueil "Paroles". (Merci Céline pour l'information !) Autre particularité de cet escalier : les murs sont peints de bandes blanches et vertes plutôt jolies.



Le fameux escalier permet d’accéder à une chambre, vide elle aussi, mais où quelques jolis détails subsistent : lanternes, placard, cadre de tableau… En cette matinée ensoleillée, le lieu est vraiment ravissant avec tout ce lierre devant les fenêtres. Dans cette grande pièce se trouve un autre escalier (à la limite de l’échelle…) permettent de monter au grenier. Particularité de ce grenier : c’est la pièce de la maison où des gens aiment venir pour vider des bouteilles de coca et/ou de vodka en fumant des clopes sur des matelas crades. Clairement un petit squat (où il fait une chaleur insupportable). Il est étonnant que tout le reste de la maison ne soit pas utilisé pour ça, et quelque part, tant mieux. Le grenier ne présentant aucun intérêt, je ne le photographie pas.





Retour à la belle chambre vide. Je vois une petite porte menant à une salle de bain, petite elle aussi. Ne pensant rien y trouver de particulier ou d’intéressant, j’y entre sans grande conviction et suis très agréablement surpris de découvrir, pour commencer, un joli miroir avec des carreaux beaux comme tout, et surtout, sur ma droite, une magnifique peinture sur les carreaux entourant la baignoire-sabot. Le tableau (parce qu’à ce niveau-là j’appelle ça un tableau) représente une sirène nageant avec une tortue. Sur la droite de l’illustration apparait un mot : «Meherio», qui est un prénom Polynésien utilisé pour les femmes. Paul Gauguin ayant vécu en Polynésie, voilà un lien avec l’inscription dans la cuisine. C’est sur cette très jolie vision que se termine la visite de cette curieuse maison.











Une fois ressortis, nous nous dirigeons vers une petite bicoque située non loin de là sur le même terrain. Composée d’une seule pièce, la maisonnette semble avoir servi de chambre d’amis. Il y a tout sur place : lit, salle de bain, cheminée… Comme la maison visitée avant, il semble que plus personne ne vient ici, même pas pour y boire ou fumer comme au grenier vu plus haut. Etrange ambiance que cette demeure recouverte de lierre avec cette ces inscriptions dans la cuisine, dans l’escalier, sa cheminée, son livre de comptes transformé en livre d’or, sa sirène et sa tortue dans la salle de bain…