Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Cela devait bien faire sept ou huit ans que j’avais ce château sur ma carte mais son état de ruine ne m’avait jamais vraiment motivé à venir l’explorer. Et puis, après en avoir discuté en 2020 avec des amis, mon intérêt pour celui-ci grandit peu à peu jusqu’à ce que je décide de venir enfin le voir en vrai, fin 2022. Ce qui est bien avec un tel lieu c’est que comparé à d’autres lieux plus «propres», ici on sait que, vu le nombre de tags, l'accès sera facile.

Et c'est précisément un vaste portail largement ouvert qui me permet d’accéder à un chemin serpentant jusqu’au sommet de la colline où est fiché la ruine. Il faut bien dix petites minutes pour gravir la pente, c’est donc petit à petit que le château se dévoile. Une fois devant lui, même si tout est dans un état plus que triste, les couleurs de l’automne réhaussent un peu l’ambiance. Ci-dessous deux photos de la façade. La première a été faite au drone en fin de visite. D’emblée, on devine un peu l’histoire : un château, un incendie, et c’est terminé... Malgré cela, le bâtiment a encore beaucoup d’allure. On se dit presque (j’insiste sur le «presque») qu’il y aurait moyen de le sauver. La suite de la visite mouchera pourtant vite ce mince espoir.



Ci-dessous, nous voici dans le hall. Premier constat : oui il y a beaucoup de tags, mais il y a aussi encore pas mal de décorations et de moulures, et il semble que tout n’ait pas été volé, arraché ou vandalisé. Même dans un tel état, je trouve que ce château a encore beaucoup de charme. Au sol, un chien tout en mosaïque nous accueille la gueule ouverte. Regardant ma photo une fois chez moi, je regrette de n’avoir pas passé cinq minutes à effacer l’inscription au sol...



Prenant sur ma gauche, je me dirige vers un couloir assez sombre permettant d’accéder aux premières pièces. Mais avant de m’engager dans celles-ci mon regard est attiré par quelque chose de très beau : un papier peint couvert de cervidés ! Ceux-ci se nomment «Cervus» en Latin. Comme ils sont les derniers occupants du château, je choisi d’utiliser ce terme pour donner un nom fictif à ce lieu. Ci-dessous, les nobles cervidés :









Mes pas me mènent vers des pièces de taille moyenne ne présentant presque plus aucun charme comme le hall vu quelques photos avant. Mais, revenant sur mes pas, je découvre des pièces bien plus grandes qui elles ont gardé un certain charme. Oui, malgré les tags, malgré les grafs, le tout a encore pas mal de cachet.







J’arrive alors dans le point d’intérêt le plus évident du bâtiment : la grande salle d’apparat. Et honnêtement je la trouve magnifique. Le fait qu’il soit ardu d’aller taguer les parties supérieures de la salle permet d’admirer un joli spectacle de décorations et de moulures non souillées par le travail de ceux et celles qui aiment laisser une trace visible et à priori indélébile de leur passage. Il y aurait presque moyen de retirer ces tags avec Photoshop mais je trouve qu’ils ne sont au final pas si visibles que ça, le regard étant naturellement attiré par le plafond, les ouvertures, les décorations…

Une porte largement ouverte permet d'accéder à une grande salle qui avait l'air d'être une sorte de bar, ou de salon. Au fond de celle-ci, une pièce servait apparemment de petite cuisine, comme en témoignent un reste de hotte aspirante et différents objets au sol. A un endroit, une inscription donne le nom d'un éventuel cuisinier (fictif ?) appelé "FILIP". Un tag "SLEEPY" recouvre le prénom, peut-être à cause d'un changement de chef...





Quittant cette pièce, je me dirige vers l'escalier principal permettant d'accéder à l'étage. Mais avant de l'emprunter je fais marcher arrière, car si il y a un escalier principal, il y a sûrement un escalier de service ? Ma curiosité me fait alors explorer plus en détail les pièces situées du côté des cervidés, mais peine perdue : pas d'escalier de service. Je retourne vers celui que j'allais m'apprêter à gravir, et constate qu'ici les dégradations liées à l'incendie sont les plus visibles : plus de toiture, et un immense amoncèlement de terre et autres débris. Il y a même, si l'on ne fait pas attention, un trou qui permet de chuter directement dans le sous-sol... L'escalier sera-t-il praticable ? Par chance, il l'est.







L'étage dégage une ambiance différente du rez-de-chaussée. Ici, il y a également les murs (aussi couverts de tags qu'en bas) mais dans les trois quarts des pièces l'absence de toiture fait que la végétation s'est installée un peu partout. Le tout est-il encore solide ? On le dirait bien, mais c'est dans cette partie du château que l'on se dit que toute entreprise de rénovation est vouée à l'échec tant tout est en ruines. Il n'y a plus qu'à démolir et reconstruire...













La lumière étant plutôt jolie le matin de cette exploration, je fais quelques photos un peu plus rapprochées. Végétation, verre, débris, lierre : toute une ambiance mêlant à la fois la mélancolie de l'abandon, mais aussi la beauté de la nature qui s'est installée ici.











Après avoir documenté cette partie du bâtiment je me pose la question d'explorer le sous-sol : est-ce que ça en vaut la peine ? Je ne sais pas trop... Ce matin ma curiosité ne m'incite pas à le faire. Craignant de ne trouver que des pièces sombres et aussi en vrac que le reste du château, je ne m'aventure pas dans le sous-sol. J'ai peut-être tort de ne pas me filer un coup de pied au cul et d'aller voir, mais tant pis, je sors du château et je décide de documenter la ruine au drone. Ci-dessous, des photos prises depuis les airs qui concluent cette visite :


















Pour ce qui est de l'histoire du château, celui-ci fut construit entre 1862 et 1868 pour un industriel, patron paternaliste fabricant de chaussures. Si l'homme fut le bienfaiteur de sa commune, fondant des écoles, des catéchismes et des salles de lecture, il représente aussi l’époque du Second Empire : ici, des progrès industriels majeurs profitant à l'enrichissement de quelques uns, là, une misère constante pour les autres. On peut néanmoins dire qu'il entretient ses contremaîtres, en offrant six maisons d'habitation par tirage au sort, et une autre, également par tirage au sort, à un de ses ouvriers. Je n'ai pas réussi à déterminer où était située cette usine : était-elle proche du château ? Mystère. A la mort de l'industriel en 1874, la fabrique de chaussures est léguée à ses neveux. L'usine survit quelques années jusqu'à sa fermeture en 1888. C'est probablement peu après 1868 que les photos ci-dessous sont réalisées :

















Après la fermeture de l'usine, les neveux de l'industriels délaissent à priori le château et le parc du château est à partir de là utilisé par l'Armée Française. Par la suite, le château devient une prison Allemande durant l'Occupation, avant de devenir un établissement géré par l'administration pénitentiaire française en 1947, alors que le site devait accueilli un centre de traitement de la tuberculose. Il reste une trace de cette activité médicale lorsque l'on emprunte le chemin menant au château. Un simple bâtiment en béton constellé de tags dont voici une photo réalisé en quittant les lieux :

Ci-dessous, des vues aériennes allant de 1962 à 1978.
Sur la première vue aérienne on distingue bien la partie médicale en bas à droite de l'image.









Je n'ai pas réussi à dater les deux photos ci-dessous mais elle montrent un site bien moins entretenu que sur les images précédentes.



C'est en 2004 que le site, qu'une source décrit comme un "mouroir pour détenus âgés et malades", ferme ses portes. De temps à autres le château est utilisé pour des repas ou des formations, puis il est racheté par un promoteur. Mais rien ne se produit en terme de projet, si bien que l'eau et l'électricité sont coupés quelques temps plus tard, et le lieu tombe dans l'abandon. C'est finalement en Juin 2010 qu'un incendie ravage le bâtiment, qui est depuis dans ce triste état. Ci-dessous des vues allant de 2014 à 2020 :