Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Première Visite : 21 Mai 2016 / Deuxième Visite : 10 Avril 2023

Me voici devant le château que je suis venu visiter. Les volets tous fermés indiquent que si visite il y a (ce qui n'est pas sûr du tout) ce sera dans le noir. Pas bien encourageant, mais sait-on jamais, quelques rares rayons de lumière filtreront peut-être à l'intérieur. Un accès frontal étant hors de propos vu les orties et les grilles, je fais le tour du domaine, cherchant un accès qui me permettra d'approcher le magnifique édifice à la façade plutôt bien conservée - vu d'ici en tout cas.



A mon grand étonnement, entrer dans l'enceinte est d'une simplicité enfantine. Se faufiler entre les arbustes, les branchages et les buissons demande par contre un tout petit effort. On sent que le domaine est laissé à l'abandon depuis longtemps. A part un chemin plutôt visible, le reste est une jungle à travers laquelle on ne voit pas du tout la grande bâtisse, ni rien du tout en fait. Je progresse un peu au petit bonheur en me dirigeant vaguement vers le château. En chemin je passe devant deux ou trois arbustes écorchés. Les traces partent du sol et ne vont pas plus haut qu'un petit mètre. Je pense à petit un animal à cornes, type biquette. Est-ce que je vais tomber sur ce genre de bestiole ? Ca m'est déjà arrivé (photo ici), ce serait cocasse. Sur mon parcours je croise une table (d'écolier ?) laissée là en pleine jungle. Drôle d'endroit pour tomber là-dessus.






Le jour de cette visite, il fait chaud, et même très chaud, plus de vingt-cinq degrés. C'est probablement pour cela qu'au détour d'un arbre, je suis arrêté par une odeur très forte, assez incommodante. Pensant trouver un reste de couche usagée ou autre chose de crade, mes yeux tombent sur un vieux bassin rempli d'eau croupie. M'approchant doucement, je distingue une forme que j'ai du mal à distinguer au début. Sac plastique gonflé ? Ballon  ? Continuant à inspecter la chose de plus près, je me rends compte que je suis en fait face à un cadavre d'animal.






Un cadavre d'animal, que je pense être un cochon au début, à cause du petit sabot qui dépasse. Puis je me souviens des arbustes écorchés vus un peu avant et pense à une biquette. Une mignonne biquette qui a du s'aventurer dans cette jungle et voulu se désaltérer un peu vu la chaleur, puis a glissé et n'a pas pu remonter. La forte odeur de décomposition et les mouches virevoltant au-dessus de la pauvre petite indiquent qu'elle n'est pas là depuis longtemps. C'est presque si elle était tombée quelques heures avant que je n'arrive.

Je suis déjà tombé sur des cadavres d'animaux dans des lieux abandonnés, et ça fait vraiment un drôle d'effet. Une maison en ruine procure un sentiment de mélancolie. Un cadavre d'animal, pour peu que ce soit un chat, un chien, un cerf ou une biquette, c'est directement la mort. Pas de poésie, pas de romantisme des lieux où la végétation reprend ses droits. Juste la mort. Pas mal comme accueil pour ce début de visite...

Après m'être faufilé entre des arbustes un peu piquants, j'approche en vue de ce qui semble être l'ancien corps de ferme du vieux château. Faisant gaffe à ne pas faire trop de bruit (le lieu a l'air complètement abandonné, mais on ne sait jamais) je passe devant ce qui ressemble à un grand bassin surélevé, rempli de terre. Probablement un ancien bac à plantes, légume ou autre.

Le corps de ferme est en vue. De loin, plusieurs petites maisons semblent avoir été construites les unes à la suite des autres sans grand souci d'organisation. Ce n'est pas un labyrinthe, mais chaque bloc est un peu différent des autres. Pour ajouter à l'ambiance un peu bric à brac, de nombreux débris traînent un peu partout : pneus, landau, meubles etc. Comme si il y avait eu un squat, et que tout avait été dégagé au dehors. Est-ce que des gens squattent encore ici ?



Me voici devant la maison la plus loin du château. Et elle est fermée. J'ai beau ouvrir des volets par endroits, tout est mûré. Soit des parpaings, soit du placo. Mais en tout cas impossible d'entrer. C'est un peu frustrant, j'aimerais tant savoir si il y au moins encore quelque chose là-dedans. Tant pis, je continue.

Petite surprise sympa : une petite serre, qui, elle, est parfaitement accessible. Il n'y a plus grand-chose dedans, mais c'est marrant d'y trouver un vieux moniteur. Les espèces de motifs géométriques sculptés dans la pierre sous le moniteur sont originaux, et sympathiques.







Une fois sorti de cette petite serre encombrées de lianes, et encerclée d'arbres, je me dirige vers la suite, en remarquant au loin une entrée de maison… En chemin, je croise d'autres détritus (pneus, extincteur, fringues etc). Je me demande si c'est de la dégradation ou des restes de squat évacué.








L'entrée de cette bâtisse a beaucoup de classe. Cela à beau n'être qu'une sortie de service, elle est joliment décorée alors que ce pourrait être une simple porte, finalement. Autour de cette entrée (dont l'accès est condamné), d'autres trucs au sol : seaux, fauteuils, balais, chaises…





La promenade continue : me voilà en vue du château vu en début de page. Sur la gauche, un autre corps de ferme ne m'inspire pas trop confiance vu les traces de squat aperçues un peu avant. Le lieu a l'air désert mais un pressentiment m'interdit d'aller voir ça de plus près. Mon regard continue vers la droite et rencontre une arche, condamnée avec des briques rouges. Juste après, un autre bâtiment se présente, mais impossible d'y accéder. Je continue mon exploration en m'engouffrant entre deux petites maisons encore un peu à droite.

D'anciens clapiers ? On dirait bien. Cette partie de la ferme est particulière, on dirait que chaque bâtiment a été rajouté une dizaine d'années après l'autre, d'où des changements de styles un peu étranges. Meulière, pierre de taille, parpaing, béton… Comme ailleurs sur le site, la végétation a tout envahi.





Ci-dessous, le grand arbre poussant en plein de milieu est assez fantastique.

A un endroit, je tombe sur un arbre plus petit présentant les mêmes écorchures vues un peu plus haut. Derrière, d'autres arbres présentent des stigmates similaires.



Ci-dessous, une échelle mène à une antique citerne complètement rouillée.


A travers une vitre je remarque des petites poules en peluche. Je vois d'autres choses intéressantes au travers  : meubles, objets, magazines, et plein d'autres choses qui attisent ma curiosité. Malheureusement impossible d'entrer. Le fait qu'un lieu soit (en apparence) aussi bien sécurisé (parpaings, placo) est étrange vu l'environnement très à l'abandon tout autour. Je ne tente pas de pénétrer dans ces maisons et me dirige vers le château…







Je passe devant les décombres d'un ancien kiosque, ou cabane, je ne sais pas trop. Du matériel était peut-être entreposé là dans le temps, il y a longtemps. On ne le voit pas très bien sur la photo mais un arbre est tombé sur le toit de la maison, la fendant en deux parties.

Longeant un grillage en très mauvais état à la recherche d'un trou pour éviter un brin d'escalade, surprise : un cheval ! Un cheval blanc, au loin, paisiblement occupé à se promener, broutant des touffes d'herbes ici et là, au p'tit bonheur. Biquette, cheval… Ca commence à faire du monde. Le lieu est-il utilisé comme ferme ?

Je n'ai pas trop le temps de me poser la question car je vois débouler à une dizaine de mètres de moi un troupeau de biquettes, boucs et béliers. Il y en a moins dix, et ils s'approchent de moi, me dévisageant à travers le grillage, curieux de voir quelqu'un se promener ici. D'abord un peu surpris, je décide de continuer mon chemin, cherchant un passage, et me disant qu'elles n'oseront pas me suivre, trop peureuses. Grosse erreur : j'arrive à un endroit où le grillage est complètement ouvert, idéalement ouvert pour que le troupeau de biquettes s'y engage.

Et c'est ce qui se produit : je rebrousse chemin, revenant tranquillement sur mes pas, et constate que les bestioles me suivent à une distance d'environ dix mètres environ. Elles ne sont pas agressives. Elles s'arrêtent de temps en temps pour fureter à droite à gauche, se régalant de branches, grattant leurs cornes aux arbustes (d'où les écorchures) et me laissant même les prendre en photo sans m'embêter. Drôle de rencontre, surtout à une dizaine de mètres du bassin où se trouve celle que j'ai vue en arrivant sur le domaine...









Après quelques instants à photographier tout ce petit monde, je me dirige à nouveau vers le château. Une dizaine de mètres après avoir passé le trou dans le grillage, je tombe sur la glacière du château. L'intérieur est assez petit, il n'y a pas de grand trou comme c'est le cas d'habitude. Des épaves de bouteilles vides trainent au sol. Je ressors et vais vers le château en me demandant si je vais revoir le cheval blanc…

Tiens, on dirait une sorte de détecteur de mouvement. Est-ce qu'il fonctionne ? Vu ma proximité avec le boitier, il est un peu tard pour s'en assurer. Continuons.

Me voilà enfin arrivé derrière le magnifique bâtiment vu au tout début de cette page. Sera-t-il possible d'entrer dedans ? Y'aura-t-il un volet ouvert ou un accès via la cave ?

Et non, le château est malheureusement bien fermé... Comme le Château des Oiseaux Bleus. Volets fermés, et plaque soudée par-dessus. J'ai beau chercher un moyen, je ne peux que me rendre à l'évidence et accepter le fait que je ne verrais pas l'intérieur de ce château. Je me dis ça dans ma tête en me promenant le long de la façade tandis que de nouvelles biquettes viennent me tenir compagnie.







Il ne me reste plus qu'une chose à voir d'un peu plus près : Artax. Je décide de nommer ainsi le cheval blanc aperçu plus haut. Pourquoi Artax ? Car la biquette morte m'a rappellé la scène où Artax meurt dans les Marécages de la Mélancolie de «L'Histoire Sans Fin». Je repensais à cette biquette noyée quand j'ai aperçu le cheval blanc au loin. Noyade dans un marécage, cheval blanc... Il n'en fallait pas plus pour avoir en tête ce film. Ci-dessous, le bel Artax - bien vivant, lui. J'ai pu l'approcher d'assez près, ce fut un instant assez magique, une jolie rencontre qui clôt cette visite.





Je n'ai pas réussi à trouver grand chose concernant l'histoire de ce château. Bien sûr, la page Wikipédia donne quelques informations, mais celà concerne surtout le tout début de son histoire : construit au XVIIIème et achevé au XIXème, le lieu devint bien national durant la Révolution. Mais que s'est-il passé au XXème siècle ? Difficile à dire, mais le château fut pillé par les Allemands en 1940. Voici une vue aérienne datant de 1924. On distingue bien le château au milieu, et dans le plus grand des deux cercles, le grand corps de ferme.

Ci-dessous, des vues aériennes allant de 1959 à 1971. Durant cette période le parc semble entretenu, on voit des voitures garées, donc à priori le site est actif.















Ci-dessous, des vues de 1982, 1990, 1999 et 2004. Ces quatre vues sont les dernières à montrer un site actif et un peu entretenu. Comme nous le verrons plus loin dans ma visite de 2023, une association d'aide éducative et d'insertion par le travail occupe le corps de ferme dans les années 80. D'après mes recherches il semble que cette association quitte les lieux en 1997. Pour ce qui est du château, je n'ai aucune idée si quelqu'un y habite, mais un article en ligne de 2020 dit que le château est à l'abandon depuis vingt ans, donc on partirait sur un abandon au début des années 2000.










Ci-dessous, des vues de 2008, 2014, 2016 et 2020. Ces images montrent bien le lent abandon du site, sa dégradation progressive au fur et à mesure que la végétation l'envahit. Comme nous verrons sur ma visite de 2023 un peu plus loin, le site est aujourd'hui tellement en ruines qu'une réhabilitation semble impossible.










Sept ans plus tard, nous voici en 2023. A l’occasion d’un déplacement je m’aperçois que mon trajet ne passe pas loin du Domaine Artax. Je me souviens alors qu’en 2020 j’avais vu passer un article disant que le site avait récemment été classé Monument Historique, et que, grâce aux avantages fiscaux liés à ce classement, une réhabilitation allait pouvoir démarrer. Au programme : une trentaine d’appartements «d’ici deux à trois ans». Coût : 1 million pour le rachat, 5 millions pour les travaux.

Me garant à proximité du lieu, je me dis que je vais pouvoir documenter l’avancement du projet, voir s’il a démarré et mettre à jour cette page. Quelques instants plus tard quelle n’est pas ma surprise de voir que rien n’a bougé. Aucun signe de travaux, et on dirait que le corps de ferme situé sur le même terrain s’est dégradé. Sortant mon matériel photographique, je traverse un mur effondré et constate que cette zone que je n’ai pas pu visiter en 2016 est désormais accessible. Sept ans plus tard, ma deuxième visite de ce lieu commence donc par une petite cour où trône un scooter dépecé. Inspectant un peu plus en profondeur le site, je découvre de nombreuses petites pièces où de nombreux documents traînent au sol.












Quelques pas plus loin, un pan de mur entièrement effondré me permet d’accéder à une grande bâtisse dont les trois quarts ne seront pas visitables tellement tout est ruiné. A commencer par l’escalier : impossible d’accéder à ce qui reste des étages. Me faufilant, je découvre alors une pièce où manquent les plafonds des deux niveaux supérieurs. La vue est incroyable, mais aussi dangereuse. Le temps de prendre une photo, je me dirige dans la direction opposée et arrive dans une pièce où m’attendent une table, un beau miroir et une cheminée, miraculeusement préservés de la ruine.

Sur la table je découvre de très nombreux documents datant de la fin des années 70 au début des années 80. «Antisèche», «L’œil à l’écoute», on dirait presque des fanzines, mais il semble que ces publications aient pour but d’aider les jeunes en difficulté à travers des formation, de l’apprentissage. Très curieux de trouver ça ici, ces documents donnent un éclairage nouveau sur l’utilisation qui fut faite des bâtiments il y a longtemps de ça.
































Revenant vers l’escalier effondré je réalise que si celui-ci ne me permettra pas d’accéder aux autres pièces du bâtiment, il peut en revanche me permettre d’accéder à d’autres pièces d’un autre bâtiment, plus petit, collé à celui-ci. Prenant mille précautions je m’engage alors dans cet improbable passage (voir photo ci-dessous) qui me permet quelques secondes plus tard de découvrir des pièces complètement inintéressantes desservies par un couloir à la stabilité incertaine. Bonne surprise quand même au bout de ce couloir : d’ici on a une meilleure vue sur le bâtiment d’en face.












Marche arrière, je redescends et ressors de la vieille bâtisse en ruines...




C’est vraiment étrange de pouvoir visiter ces bâtiments qui étaient inaccessibles en 2016. Je crois me souvenir qu’il y a sept ans ils étaient squattés, et que ça faisait un peu peur, mais le jour de cette seconde visite il semble qu’il n’y ait plus personne. C’est tout de même à pas de velours que je m’engouffre dans une petite maison, elle aussi collée aux autres bâtiments. Progressant doucement dans l’obscurité, je découvre qu’ici aussi tout est dans un état de ruine avancée. Au sol et aux murs subsistent quelques traces d’une vie passée :












Rebroussant chemin, je reviens à la petite cour surmontée d’une verrière. Au sol, une forme colorée attire mon regard. M’approchant, je découvre un Père Noël qui a connu des jours meilleurs. On dirait bien une de ces poupées que les gens accrochent à leur balcon. J’ai toujours trouvé ces poupées assez sinistres, comme si elles s’étaient pendues… A côté de cette poupée, surprise, un autre Père Noël, mais contrairement à la poupée d’avant qui git face contre terre, celui-là à un peu plus d’allure. M’agenouillant j’immortalise le curieux personnage au regard figé.








La visite de la partie «ferme» du Domaine Artax se termine en explorant une maison où de nombreux objets sont encore présents. Jusqu’à quelle période cette maison a-t-elle été habitée (ou squattée) ? Probablement les années 80, les choses présentes sur place semblant assez vieilles, à commencer par les nombreuses cassettes vidéo à moitié recouvertes de débris du plafond qui part en lambeaux un peu partout. Dans le coin d’une pièce je découvre un frigo, et je me rends compte aujourd’hui (quel nul je fais) que je n’ai pas pensé à regarder de quand dataient les aliments…




















Quelques instants après être sorti de la partie «ferme» je retrouve le château que j’avais vu en 2016. Toujours aussi inaccessible, au moment de ma visite je ne me rends pas compte si son état s’est aggravé, mais une chose est sûre, un pan entier de mur s’est effondré. On le voit sur la troisième photo au drone plus loin. Comparé à 2016, pas d’animaux en vue, ni biquettes ni cheval blanc. Aucune trace du moindre début de travaux, pas même un panneau explicatif qui en parle. Lorsque j’avais lu l’article de 2020 je pensais que j’allais trouver un lieu en phase de travaux, dont l’avenir serait un peu plus radieux. En 2023 il n’en est malheureusement rien…






La visite se termine en sortant le drone et en prenant quelques clichés du domaine. En voyant la bâche sur le château on pourrait se dire qu’elle annonce peut-être de futurs travaux, mais elle était déjà là en 2016. Quel sera le futur du site ? Je n’en ai aucune idée.