Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.

L'entrée se fait sans encombres. Ce lieu bien connu du milieu de l'exploration urbaine est étonnement très accessible. Mais pourrons-nous faire nos photos tranquillement sans tomber sur des gens ? Le spot est devenu une vraie autoroute, nous nous attendons donc à tomber sur du monde, voire sur le propriétaire. Une fois sur le domaine, première jolie surprise, nous tombons sur la glacière. Une glacière comme de coutume éloignée du château et perdue au fond du domaine. Peu profonde, elle reste pourtant bien dangereuse comme celle du Château des Angelots.




Nous progressons quelques minutes dans ce qui fut auparavant un majestueux parc, mais qui aujourd'hui n'est plus qu'une jungle d'arbustes, de ronces et de boue (et même de creux et bosses par endroits). Puis le château se dessine peu à peu, d'abord une masse grise, puis un volet, plusieurs volets, et une stature qui impose le respect. Tout est si vert aujourd'hui, la végétation colore le château de façon envoutante, mais un peu gênante aussi. Je commence à me dire que pas mal de photos du rez-de-chaussée auront une teinte verdâtre.

Nous apercevons une première entrée, menant à l'aile nord. La vieille porte vermoulue s'ouvre difficilement et laisse entrevoir un spectacle de désolation lié à l'effondrement de cette partie du château : nous ne passerons pas par là. Marchant vers l'entrée principale, largement ouverte, nous faisons attention à ne pas trop piétiner de nombreuses bouteilles en plastiques, probablement disposées ici pour alerter le voisinage en cas de visite, les bouteilles faisant un bruit pas possible et étant difficilement évitables. Qui les a placées là ? Sûrement le propriétaire.








Ci-dessous, le contraste entre la (presque) centaine de bouteilles et le vénérable vase où ne poussent plus que des ronces est saisissant. Je me mets à penser que ces bouteilles ont peut-être servi à recueillir l'eau de pluie, la toiture du château étant très endommagée. Mais aucun moyen d'en être sûr, tout comme il est impossible d'être certain que le propriétaire ait acheté (et vidé) une centaine de bouteilles d'eau pour créer une sorte de piège sonore...




Nous entrons dans le majestueux bâtiment et accédons à la pièce principale, que l'ont peut voir sur une très grande quantité d'autres sites ou pages : un grand salon au plafond décrépi dans lequel on trouve énormément d'objets et de meubles, à commencer par un vieux baby-foot encore en bon état malgré des traces de rouille un peu partout. Impossible de ne pas rester en admiration devant le grand tableau/dessin de chevalier juste à coté, miraculeusement intact.













A coté, couvert de poussière, un vieux synthétiseur Welson Globetrotter. Marche-t-il encore ? Aucune idée. Non loin, une cassette audio traine au sol : les Noces de Figaro, de Mozart. Cette ambiance musicale inaugure de façon sympathique cette visite de l'intérieur du château, je me mets à imaginer ce que donne du Mozart joué sur un vieux synthétiseur, et je pense à l'album "Switched on Bach".







Une fois ce synthétiseur et ce baby-foot photographiés, je me trouve devant ce que j'ai vu un peu partout sur Internet avant de me rendre dans ce lieu : un vieux canon (qui est en fait faux, c'est juste un tube de métal posé sur ce qui devait auparavant être une simple charue), un drapeau (qui a l'air récent), un vieux poêle et un tableau dégradé. Ca fait très étrange de se retrouver dans une pièce qu'on a vue sur des dizaines et des dizaines de photos, dans un lieu qu'on a tant voulu explorer soi-même...








Le synthétiseur, la cassette audio et le canon me font alors penser au groupe «Emerson Lake et Palmer». Ce groupe des années 70 fut connu pour mélanger musique classique et rock, le tout avec une bonne dose de synthétiseurs. Lors de leur concert au Festival de l'Île de Wight en 1970, le groupe y interpréta notamment les «Tableaux d'une Exposition» de Moussorgski. Cette longue suite est composée de plusieurs «tableaux» distincts entrecoupés d'un motif léger ("Promenade") censé représenter l'air que le visiteur a en tête en passant d'un tableau à un autre. ELP termina le concert de l'Île de Wight en faisant tonner deux canons installés de part et d'autre de la scène juste après le tableau «La Grande Porte de Kiev». C'est cet air que j'ai en tête en visitant cette pièce.



Photo ci-dessous : Pour une raison qui m'échappe, des gens aiment casser ce qu'ils viennent visiter. Ils cassent, ils taguent, ils défigurent, ils laissent leurs ordures sur place, brisant la magie du lieu pour les personnes qui viendront après eux.




Ci-dessous, première photo à gauche, une personne a cru intéressant d'arracher une vieille représentation de Paris en 1620. On distingue encore Notre-Dame, mais le mal est fait. Pourquoi avoir fait ça ? Quel intérêt ? Tout n'est cependant pas ruiné, il reste encore une foultitude d'objets dans le château, et c'est avec un sentiment de miracle que je m'empresse de photographier deux petites statuettes posées sur une cheminée. Celle de droite représente Mazarin. A coté de ces précieuses statuettes, un canon miniature en plastique mesurant à peine trois centimètres de long.








Ma visite continue avec l'autre pièce emblématique de l'édifice : une sublime chambre à coucher encore bien conservée malgré les dégradations. Tableaux, lit, coussins, livres, objets, cette pièce est assez folle à explorer tellement il y a de choses à voir.
















Juste à coté de cette magnifique pièce aux livres étalés un peu partout, une porte donne sur un couloir malheureusement très dangereux pour cause d'effondrement. Toujours pour continuer sur l'ambiance «Tableaux d'une exposition », cette partie en triste état m'évoque le morceau «Le Vieux Château».



La visite du rez-de-chaussée étant terminée, je me dirige vers l'escalier principal menant à l'étage et croise un étrange mannequin qu'on a pris soin d'habiller (robe et bottes). Disposée juste dans le dos de la statue de plastique, on distingue une faux assez lugubre... Toujours en plein «Tableaux d'une Exposition», j'ai cette fois-ci en tête le tableau «Cum Mortuis in Lingua Mortua» («Avec les morts, dans une langue morte»), parfait pour une statue muette.




Ci-dessous, l'escalier principal, encore très bien conservé et bien lumineux.




C'est un étonnant long couloir très coloré qui m'accueille une fois les marches gravies. Ce vaste couloir dessert quelques chambres plus ou moins grandes, mais toutes dans un état déplorable, le château ayant de très gros problèmes d'isolation.



Murs craquelés, trous dans le plancher, il n'y a plus rien à faire, la tâche est malheureusement dantesque pour remettre tout ça en état. Que faire alors ? Contempler ce qui reste : chaises, meubles, livres, et en particulier une fresque encore en assez bon état (ci-dessous) et semblant représenter une scène de cour moyenâgeuse. Quand on voit l'état du rez-de-chaussée, c'est un miracle que cette grande peinture ne soit pas dégradée, tout comme il est agréable de pouvoir encore admirer les papiers peints des autres chambres.



















Dans une pièce, une oeuvre accrochée au mur attire mon regard. Faisant attention à ne pas abîmer le vieux fauteuil en bois (et aux ressorts bien apparents), je découvre un peu plus en détail le tableau mystérieux. Une recherche m'apprendra plus tard qu'il s'agit du Mariage de Louis XIV et de Marie Thérèse d'Autriche.






Ci-dessous, une pièce en très mauvais état, puis le bout du beau couloir aux rideaux rouges.





Au bout de ce couloir, je découvre l'ancienne terrasse, complètement dévastée. Quelle est l'origine du carnage ? Probablement une tempête. Ayant encore «Les Tableaux d'une Exposition» en tête, je pense cette fois-ci au morceau «La Cabane sur des Pattes de Poule (Baba Yaga)». Ce tableau à l'ambiance démoniaque m'a toujours fait penser à un ouragan dévastant tout sur son passage. Idéal pour cette partie du bâtiment où l'on peut très bien imaginer le souffle d'une tempête attaquant cette aile du château, réduisant à néant la terrasse qui à l'époque devait être tout à fait charmante. Je m'attarde juste le temps de faire un ou deux clichés, puis je retourne vers le grand escalier afin de visiter l'étage suivant.












Me voici arrivé au dernier étage de l'édifice. Visitant des pièces dans un état de décomposition encore plus avancée que les autres (puisque situées pile sous le toit constellé de trous) je remarque une jolie décoration florale au plafond, dernier vestige de la gloire passée du château.




Quelques efforts désespérés semblent avoir été faits pour limiter l'infiltration de l'eau.














Dans une pièce, un spectacle inattendu : des dizaines de noms ont été gravés dans les murs par différents visiteurs passés là avant nous. Je ne suis pas très surpris de découvrir des «2016», par contre je suis fasciné par un «1984», et surtout un «11-06-55» ! Le château n'ayant pas été à l'abandon en 1955, je me demande quel est le contexte de cette inscription. Une autre trace dit «Vous êtes repérés, merci pour vos noms». La personne qui a écrit parle-t-elle des gens venus en 2016 ? Ou est-ce que ça remonte à bien avant ? Mystère.










Très photogénique ce rideau rouge déchiré entouré de toiles d'araignée, non ?



Me disant que je ne visiterai pas un lieu de cet acabit de sitôt, je m'attarde encore un peu au rez-de-chaussée pour photographier quelques détails, et notamment la cuisine, plongée dans le noir et tellement encombrée d'objets qu'il est impossible d'évoluer dedans. Je découvre aussi une petite maquette de bateau toute mignonne à coté d'une vieille casquette. Il y a tellement de choses à voir ici !














Dans le grand escalier, un petit détail attire mon attention : je découvre un passage secret menant à l'autre aile du château, pas aussi ravagée que celle avec la terrasse, mais l'ambiance y est également bien destroy. Tellement destroy que je n'y reste que le temps d'une petite photo, ne souhaitant pas trop passer à travers le plancher.




La visite continue avec une partie que je n'ai pas du tout vue en photo sur d'autres sites ou pages : la maison du «petit personnel», qui semble avoir été habitée par le propriétaire pendant un bon bout de temps, le château étant visiblement en trop mauvais état. A l'intérieur, des tonnes d'objets en tout genre ont été entreposés là, le bazar est tel qu'on ne sait pas trop quoi prendre en photo, ni même quoi fouiller pour trouver des indices. Produits d'entretien, télé, bois, meubles, jouets, paperasses dans tous les sens, on dirait vraiment qu'une tornade est passée par là. Un peu partout, des toiles d'araignées indiquent que tout ceci n'a pas trop été bougé depuis un moment.






















Une fois sorti de cette maison, direction l'ancien corps de ferme...



Cette partie n'est pas trop ruinée comparée au reste. On peut se promener sans trop risquer de traverser un plancher ou de se prendre une pierre sur la tête. De nombreux objets ont été entreposés ici. Par qui ? Aucune idée, mais la nature des objets dans cette zone est pour le moins étrange. Je découvre de vieux disques très «Vieille France», des dizaines de sac poubelle (que je n'ai pas eu le temps de fouiller) ainsi qu'une installation bizarre : plusieurs postes de télévision empilés les uns sur les autres, avec à leur sommet un ancien boîtier avec un micro.

















Avant de venir, on m'avait dit de ne pas oublier de voir «la chapelle». Me promenant dans l'ancien corps de ferme, je cherche un édifice assez grand, avec une toiture particulière, des décorations, etc. Puis, ne la trouvant pas, je réalise que l'étrange (et petite) construction octogonale située en plein milieu de l'ancienne cour est en fait la fameuse chapelle ! Autour de celle-ci, les restes d'une ancienne douve, aujourd'hui asséchée mais encore un peu boueuse. Pourquoi installer cette construction en plein milieu de la cour ? Encore un mystère. La végétation étant très présente lors de cette visite, on la devine à peine. Ci-dessous, un des angles de la chapelle, effondré.




Ci-dessous une autre vue de la chapelle et sa forme originale. Un petit pigeon en plastique traine là. Flottait-il sur l'eau à l'époque où la douve était remplie ? L'intérieur de la chapelle est plutôt bien préservé quand on voit l'état déplorable du reste du château. La taille du lieu est intéressante par sa petitesse. On pourrait y tenir à sept ou huit, pas plus. C'est mignon, cette petite chapelle en plein milieu d'une cour de ferme.










Ci-dessous, trois photos témoignant du corps de ferme délabré situé juste à côté du château. Tout y est vraiment en très mauvais état. Je n'étais pas particulièrement motivé pour visiter cette partie à priori pas super intéressante, mais des fois c'est pas mal de se forcer, car je suis tombé sur un petit visage en plâtre intéressant.







Revenant sur mes pas, je me dirige vers les deux dernières choses à voir d'un peu plus près : une parabole satellite dont la forme détonne bien avec le reste, et un étrange petit kiosque en bois. Ci-dessous, la parabole...



Et nous arrivons au petit kiosque en bois, presque impossible à voir avec toute cette végétation. Au départ je pensais que c'était une simple construction décorative, mais quelle surprise en découvrant qu'à l'intérieur il y a un escalier descendant en spirale ! Une spirale longue d'environ dix mètres, et menant à... Menant à quoi ? A un souterrain ? Qui rejoindrait le château dont nous n'avons pas trouvé/cherché la cave ? Peut-être. L'excitation de descendre ce vieil escalier est forte, mais la présence de rouille me calme aussi pas mal. Si j'avais une corde, oui, pourquoi pas tenter la descente, mais cette fois-ci, la peur me paralyse, et c'est à peine si j'ose descendre les trois premières marches.






Une fois rentré chez moi, et après quelque recherches, j'apprends qu'il existe bien «des» souterrains, je consulte une carte de ces tunnels, mais lit aussi de précieuses informations à propos d'éboulements, et aussi de risques d'asphyxie liés à l'air présent dans ces souterrains. J'ai bien fait de ne pas m'y aventurer, et c'est avec en tête le morceau «Catacombes» des «Tableaux d'une Exposition» que se termine cette visite passionnante du "Château Moussorgski". Ci-dessous, une vue aérienne de 1979. A gauche du château, le corps de ferme. La chapelle n'est pas trop visible, elle est située pile sous l'arbre poussant au milieu. A cette époque, la terrasse, sur la droite du château, est encore là.



Mise à jour : "Le Château du Quesnel, inhabité mais souvent squatté, flambe depuis 18 heures environ ce Lundi 10 Décembre. Les 750 m2 sur trois étages sont totalement embrasés. Pas de victime selon les nombreux pompiers sur place." Article et photos ici.