Voici un lieu aujourd’hui réhabilité, mais que j’aurais beaucoup aimé visiter au début des années 2000 alors que je m’amusais à explorer les Grands Moulins de Paris, situés non loin de là, et qui furent eux aussi réhabilités à peu près à la même époque. Lors d’une discussion à propos de ce lieu avec Yves Marchand, il me dit qu’il avait exploré plusieurs fois les Grands Moulins de Pantin en compagnie de son acolyte Romain Meffre, qu’ils y avaient fait de nombreuses photos (jamais exploitées sur le web ou dans un livre) et qu’il serait content de les voir figurer sur mon site. Aujourd’hui je suis très heureux de vous proposer de découvrir sur cette page ce lieu à une époque où il était possible de déambuler dedans en toute liberté, afin de mieux saisir son architecture, sa beauté et ce qu’il restait sur place après son abandon.

Commençons par l’historique du lieu (le texte qui suit est adapté de Wikipédia) : les Grands Moulins de Pantin sont une minoterie industrielle construite à Pantin en 1884, le long du Canal de l'Ourcq et des voies ferrées de l'Est, par la Société des Moulins Abel Leblanc, sur le site de moulins préexistants. Avec ceux de Corbeil et ceux de Paris, ils étaient destinés à alimenter la capitale en farine provenant des plaines de la Brie et de la Beauce.

Le bâtiment que nous allons voir plus bas est composé de huit étages comprenant 24 meules. En 1915 la minoterie originelle traitait 600 quintaux (environ 29 tonnes) de céréales par jour. En 1923 la minoterie est reconstruite pour la Société des Grands Moulins de Paris créée par le fils du fondateur, par l'architecte Eugène Haug (collaborateur de Paul Friesé), avec une structure de béton dans laquelle s'intègre un remplissage en briques. Deux silos, l’un de 100.000 quintaux (4900 tonnes) et l’autre de 70.000 (3430 tonnes, puis porté à 6370 tonnes en 1934) sont également construits par Eugène Haug et Ed. Zublin. La chaufferie de 1926 a une chaudière de type Babcock et Wilcox. Après les dégâts de la guerre et notamment l'incendie du 19 Août 1944, le moulin, les silos et la chaufferie sont restaurés en 1945 par l'architecte Jean Bailly, qui créera de nouveaux bâtiments (la semoulerie en 1952, les ateliers et garages). Ci-dessous des images du site en 1947 :

Ci-dessous, des cartes postales (non-datées) montrant le lieu lorsqu’il était actif.




















Ci-dessous, des vues aériennes datant de 1971, 1973, 1977 et 1983.







En 1994, le site est repris par le céréalier Soufflet, conjointement avec les Grands Moulins de Corbeil. En Juin 2001, le groupe Soufflet, propriétaire des Grands Moulins de Pantin ferme la meunerie. La production s’arrête en 2003. Ci-dessous, le site en 1999.

Ci-dessous, des photos de l'extérieur (Mars 2003) prises par JC, que je remercie pour ses images.


















C'est fin 2004 qu'Yves Marchand et Romain Meffre y firent des photos. Ci-dessous après le texte, voici une sélection d’images prises par eux à l’époque où le site était à l’arrêt. Je lui suis très reconnaissant de me les avoir transmises. Voulant savoir ce que ça faisait ce lieu, j'ai interviewé Yves chez lui, et voici ce qu'il en est ressorti :

"Comment avons-nous connu ce lieu ? Un peu comme tout le monde je dirais, en passant devant depuis le boulevard périphérique, là d'où le site était le plus visible, et aussi le plus beau, avec ces tours évoquant Gotham City, ou le Big Ben de Londres. Le site étant très proche de Paris, la tentation était grande d'explorer ce grand "château industriel", et nous y fîmes trois visites.

A cette époque nous avons commencé à nous rendre compte qu'il était potentiellement possible de visiter un lieu même s'il était gardienné, une idée qui ne nous serait pas venu à l'esprit quelques années auparavant. La simple vue de panneaux "Accès Interdit" ou d'une guérite de vigile nous faisait rebrousser chemin. Mais la silhouette si intrigante des Grands Moulins de Pantin et l'absence totale en ligne de photographies prises à l'intérieur depuis leur fermeture rendaient la tentative d'infiltration trop tentante. A l'entrée nord des grands moulins, nous savions qu'il y avait un gardien, à l'abri dans sa guérite. Sortirait-il de temps en temps pour se promener dans les bâtiments ? Aucune idée, mais nous avons décidé de tenter d'entrer très tôt (il faisait encore nuit) par l'endroit le plus à l'opposé de lui : le sud, au niveau du Canal de l'Ourcq.

Coup de chance, il y avait un accès. Le temps d'escalader un mur et nous étions dans la place. Profitant de ne pas être dans le champ de vision du vigile, nous nous sommes alors dépêchés d'entrer dans le premier bâtiment, qui était complètement ouvert. A partir de là nous étions invisibles à ses yeux. Mais cela nous ramène à notre question du début : se promènerait-il dans les bâtiments ? Depuis les fenêtres nous le voyions de temps en temps sortir fumer une cigarette devant sa guérite, mais rien de plus. Nous avions quasiment donc toute la liberté que nous voulions pour documenter le lieu. Pas de caméras, pas d'alarmes : le rêve pour tout explorateur urbain.

Nous avons attendu que le soleil se lève, puis nous avons commencé à documenter le lieu. La visite fut longue, et se déroula sans aucun accroc. Nous avons pu pratiquement visiter tout ce que nous voulions, et c'était fantastique. Il restait encore beaucoup de choses bien que le site ait été partiellement vidé quelques temps auparavant : machines, objets, mobilier, toboggans, sacs de farine, chaufferie... Niveau architecture, nous étions véritablement dans une ville industrielle : plusieurs bâtiments reliés entre eux par des passerelles couvertes, un vrai labyrinthe sans aucune dégradation. Pas de casse, pas de tags, rien, c'était encore bien dans son jus, contrairement aux Grands Moulins de Paris, qui eux étaient déjà un peu plus patinés par l'usure, l'humidité etc. Les photos furent faites avec un appareil argentique 24x36."

















































Ci-dessous des photos prises par JC en Octobre 2005 :
































Peu après le bâtiment est racheté par Meunier Immobilier, filiale du groupe BNP Paribas qui décide sa transformation en bureaux. Son propriétaire fait appel au cabinet d'architectes Reichen et Robert sous la direction de Jean-François Authier pour envisager sa réhabilitation en un ensemble tertiaire de 50.000 m² de bureaux (dont 22.000 provenant de la réhabilitation des bâtiments anciens conservés), pour un investissement de 160 millions d’euros, qui doit respecter l'architecture initiale.

Certains critiquent les choix architecturaux de Reichen et Robert, mais les travaux sont néanmoins réalisés. Les trois tours et les grandes toitures sont conservés. La chaufferie est transformée en cafétéria. Le silo donnant sur le canal est conservé et la structure du Moulin en béton et briquettes est percée de fenêtres. Les briques des constructions sont mises en valeur. Ces locaux sont destinés à l'entreprise BNP-Paribas Securities Services, qui en prend possession fin 2009. Ci-dessous des vues aériennes allant de 2007 à 2015.











Ci-dessous des images du site tel qu’on peut le voir en 2019 sur Google Earth.









Ci-dessous une photo prise par Benh Lieu Song, figurant sur la page Wikipédia de ce site.