Curieuse visite que celle-ci. Alors que nous avions découvert par hasard un manoir abandonné et que nous nous demandions comment y entrer, nous entendîmes une fenêtre s'ouvrir derrière nous. Une personne nous interpella : «Bonjour, j'peux savoir ce que vous faites là ?» Nous étions dans une voie privée. Après nous êtres présentés (Zeiurbex, Etienne et moi) la personne nous sourit et nous dit «Ah, vous faites de l'urbex ?» - Oui. «Ah bah dans ce cas-là je crois qu'il y a un truc qui devrait vous plaire, c'est juste au coin là-bas, près du parking de l'église. Par contre pas sûr que vous puissiez y entrer...» - Euh, bah merci, on va voir ça. Bonne journée ! Et c'est ainsi que nous nous mîmes en route vers ce "truc" obtenu sur un bon coup de chance. Un lieu qui de l'extérieur avait l'air très sympathique, et surtout, complètement accessible, du moins l'accès au petit parc entourant le manoir était on ne peut plus simple.





Une fois devant la bâtisse, surprise : il suffit de soulever la trappe (bien rouillée) menant à la cave, descendre comme on peut, et boum, on est dedans. Incroyable de facilité, mais qui sait, il y aurait peut-être des alarmes au rez-de-chaussée ? La visite commença donc par la cave...



La cave est assez banale mais il y a encore pas mal de petits objets, et surtout, plein de bouteilles vides. Dans un coin traîne une boite en bois contenant plein de mignons petits coquillages. D'autres bouteilles sont encore présentes, fermées celles-là. Pas d'étiquettes pour voir quand elles ont été fermées.







Au milieu d'une pièce, surprise : du Fanta ! Deux bouteilles vides, et qui ont l�air assez âgées. Quelle année ? Aucune idée, peut-être un expert en Fanta m'écrira. En faisant des recherches pour savoir de quand datait ces bouteilles j'ai appris quelque chose. Durant la Deuxième Guerre Mondiale il y eut un embargo : Coca-Cola cessa de livrer à l'Allemagne de quoi fabriquer la boisson.

Pour palier à cette pénurie, Max Keith (PDG de Coca-Cola Allemagne) utilisa d'autres ingrédients et commercialisa la «Fantasiegetränk» («Boisson de l'Imagination») fabriquée à partir de sous-produits issus des productions de fromage, de fibres de pommes à cidre, d'un surplus de fruits italiens alors disponible, et de saccharine pour adoucir tout ça. Après la Guerre, Coca-Cola reprit la main sur Fanta...



Une fois l'exploration de la cave terminée, nous nous dirigeons vers le petit escalier menant au rez-de-chaussée. L'accès étant assez facile, nous nous demandons (encore) s'il n'y a pas des alarmes installées plus haut. Après avoir gravi les marches nous menant à l'entrée principale nous sommes plutôt contents : pas d'alarme(s). Nous découvrons un carton posé devant la porte d'entrée. Dedans, une myriade de numéros d'Historia datant des années soixante à soixante-dix. Un numéro semble avoir été posé là par un lecteur précédent, dédié à la «Reine en Chemise».

La visite du rez-de-chaussée se poursuit avec de vastes pièces toutes plus vides les unes que les autres, mais encore en bon état comparé à d'autres manoirs. Selon les journaux découverts sur place (Le Parisien, Figaro etc) il semble qu'un début de réhabilitation ait eu lieu, puis se soit arrêté, probablement faute d'argent comme très souvent dans ce genre de lieux. On trouve dans une salle (à manger ?) un peu de vaisselle assez jolie, mais rien de bien extraordinaire. Au moins, pas de moisissures, d'humidité ou de fissures inquiétantes. Du moins à ce niveau du bâtiment.






















Les choses se gâtent un peu en montant à l'étage avec un escalier présentant de nombreux signes inquiétants de pourrissement. Plus on monte, moins il semble solide, c'est assez flippant. On voit d'ailleurs des fissures et le plafond craquelé ci-dessous.




Dans une pièce à l'étage, posée contre un mur, trône une scène forestière. Cerfs et biches sont représentés dans leur élément naturel, le tout sur une toile dont la couleur a totalement disparue. On ne le voit pas très bien sur la photo mais la toile fait presque deux mètres de long, c'est plutôt grand.




Ci-dessous, d'autres photos prises au premier et deuxième étage. Rien de bien transcendant à part quelques détails pas mal ici et là : traces de buée sur une vitre, papiers peints variés et bien kitch, et pour finir, un grenier dont le plancher file un peu la pétoche, pas question de trop s'avancer là-bas. Il est temps de redescendre en empruntant cet escalier qui craque...




























Et voilà, ce fut une visite très rapide et sans grosse surprise, mais pour un manoir que nous ne connaissions pas, et qu'on nous a indiqué à peine une heure avant, c'est quand même joli ! Par curiosité, avant de repartir je fouille un peu dans le carton contenant tous les numéros d'Historia et je trouve quelque chose. Comme une petite pochette. Dessus je vois un nom magique : «KODAK » avec l'adresse d'un studio photo situé dans la même ville que le manoir. Ouvrant la pochette je tombe sur des négatifs. En les posant contre la vitre, face au soleil, je distingue des gens, adultes, enfants... Ayant également trouvé sur place le manuel d'un appareil « PHOTAX», je suppose que les photos ont été faites avec cet appareil : un Photax IV F, modèle fabriqué à partir de 1937 !




A la fin du manuel, il y a une petite pub pour un appareil sous-marin de la même marque, et datant de 1954. Les photos datent probablement du début des années 50. Impressionnant de voir les visages de ces gens surgis du passé, plus de soixante années en arrière. Les enfants sur les photos sont peut-être encore en vie ? Sur la quinzaine de photos, j'en ai sélectionné six, les plus intéressantes, cliquez dessus pour les voir en plus grand.














Quittant le manoir, nous tombons sur des toilettes situées à l'extérieur du bâtiment, et ayant pris assez cher, comme si on s'était amusé à les détruire à la masse. Pourquoi ? Petit mystère en plus : des livres pour enfants sont encore là. D'autres sont probablement enfouies sous les briques. Pourquoi ces revues ici ? Les toilettes me font un peu penser aux anciennes toilettes que l'on peut voir dans des films comme La Guerre des Boutons, genre au fond de la cour. Sauf qu'ici il n'y a ni école ni cour. Etrange. C'est sur cette mystérieuse construction un peu destroy que se termine cette visite.










Apparaissant sur une vue aérienne datant de 1947, je n'ai pas réussi à trouver la moindre information sur ce manoir. Mes photos datant de 2016, je découvris en 2021 que le lieu avait été démoli... Ci-dessous des vues aériennes allant de 1955 à 2020.


















Le manoir apparait sur quelques cartes postales. Ci-dessous, au premier plan :




Ci-dessous, tout en bas à gauche :

Ci-dessous, en bas à droite :

Ci-dessous, au milieu de l'image :




Enfin, des images street view de 2011, 2013, 2019 et 2020.