Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Quand je suis arrivé sur place, tout était bien plus grand que ce que je m’étais figuré en vue satellite. Situé sur un vaste terrain, cette grande ferme avait toujours une certaine allure malgré son délabrement. Ce qui m’a motivé à venir, c’était la topographie du lieu : au centre, un grand bâtiment tout ce qu’il y a de plus à l’abandon, et entouré de douves. Le tout dégageait un certain charme - en termes de ruine évidemment. A côté, deux bâtiments, dont un à moitié rénové. Rénové ? Oui, car les travaux étaient à l’arrêt depuis quelques années, faute de moyens j’imagine.

C’est donc dans une ambiance étrange que j’ai exploré ce lieu, car si on peut regretter de voir des endroits mourir suite à des années d’abandon, c’est encore pire de voir qu’il y a eu un début de rénovation à un moment, puis que celle-ci se soit arrêtée. Avançant prudemment pour ne pas être vu, je me faufile entre de hautes herbes jusqu’au premier bâtiment : les écuries. En forme de U, ce bâtiment est un bon symbole de l’état de délabrement du lieu : les pierres sont usées, du lierre pousse sur une des ailes, une autre s’est effondrée, et la toiture n’est plus que l’ombre d’elle-même. Pour autant, la cour centrale a un certain charme, avec ce passage au milieu permettant de traverser le bâtiment.















A l’intérieur des écuries, tout est plus ou moins dangereux : escaliers tordus ou inexistants, trous dans le plancher, murs bancals… Des tags indiquent que le lieu est vandalisé depuis un bon moment. A quand remonte l’abandon ? Difficile à dire, mais nous en parlerons un peu plus loin sur cette page au moment de l’histoire du lieu. Ci-dessous, des photos de ce premier bâtiment.



























Après avoir fait le tour des écuries une deuxième fois, me voilà à nouveau dans la cour. Entrant dans une pièce qui m’avait échappé, je me trouve dans le noir complet. Me retournant, jolie surprise : mal en point, un joli fauteuil est toujours là. Comment se fait-il qu’il ait échappé aux dégradations alors que le site est très accessible ? Aucune idée, mais ce fauteuil crée une très belle ambiance.



Ressortant des écuries, je vois le grand bâtiment au loin (celui qui est entouré par des douves). Ne me dirigeant pas tout de suite vers lui, je continue vers un autre bâtiment, en forme de L, à moitié abandonné et à moitié rénové.

Ci-dessous, la façade de ce qui était l’ancienne maison de maître de la ferme. Elle a encore un certain charme avec sa couleur jaune, malgré les tags et son délabrement. A côté de cette grande maison, ce qui était l’ancienne bouverie, et qui fut rénovée à un moment avant que tout ça ne s’arrête. La troisième photo montre un très beau pigeonnier situé au sommet de la toiture de l’entrée principale. Rénové lui aussi, il tranche avec la ruine de la maison de maître située à une dizaine de mètres de là.





Ci-dessous, des photos de l’intérieur de la maison de maître. Ici, les dégradations sont aussi importantes que dans les écuries : tags, traces de feu, de squat etc. La demeure est assez sombre selon les pièces, et l’ambiance ici n’est pas très rassurante. Au milieu de tout ce chaos, certains objets trainent, sans que l’on sache s’ils étaient déjà ici ou si des squatteurs les ont amenés.




















Depuis une des fenêtres de la maison de maître, le grand bâtiment apparait encore, majestueux malgré son aspect de ruine. D’ici, on voit un peu mieux les douves, qui apportent un vrai charme à l’ensemble.

Avant de me diriger vers ce bâtiment, je jette un coup d’œil à une petite maison située juste à côté, sur le même terrain. De quand date-t-telle ? Aucune idée, mais elle a elle aussi été rénovée à un moment donné, avant d’être (visiblement) abandonnée.





Me voici alors à proximité du plus grand bâtiment. A première vue, on dirait un ancien château (à cause des douves) qui aurait été transformé en grange. Est-ce le cas, et si oui, quand ? Nous le verrons dans la partie histoire un peu plus bas. En tout cas le lieu est fascinant, surtout avec ce joli petit pont de pierre qui permet de traverser les douves et d’accéder à cette mélancolique ruine.









La visite de l’ancien château est rapide, car il n’y a plus aucun plancher. On peut juste entrer par la grande porte délabrée, et admirer la hauteur sous plafond qui donne un peu le vertige. Partout, la végétation a poussé au milieu des décombres. Des parties bétonnées confirment que le lieu a été modernisé à une époque donnée, et servi de grange. La toiture en lambeaux a un certain charme (un charme, triste, évidemment) avec toutes ces poutres encore présentes, et ces restes de bâches déchirées qui volent avec le vent.









La visite étant finie, je m’éloigne de l’ancien château, puis de la maison de maître, et enfin des écuries, en me demandant quelle est l’histoire de ce lieu... Quand a-t-il été abandonné, puis rénové avant que ça ne s’arrête ? Ce jour-là je fais une photo avec mon smartphone, la poste sur mon compte Twitter, et, coup de chance, quelqu’un reconnait le lieu et m’envoie le mémoire qu’il a rédigé sur cet endroit ! C’est donc avec plaisir que je peux vous en dire un peu plus sur ce lieu après les trois photos ci-dessous.







Ci-dessous une vidéo tournée en 2020 :

La partie histoire ci-dessous ne serait pas ce qu’elle est sans l’aide de Taurin qui m’a gracieusement envoyé le mémoire qu’il a écrit sur ce lieu. Un grand merci à lui ! Le bâtiment entouré de douves était bien un château. Datant du XVIIème siècle, il sera utilisé comme grange dès la fin du XVIIIème siècle. Ce bâtiment aura donc eu une existence de "château" très courte. A l’origine il y avait plusieurs étages, mais ceux-ci disparurent lors de sa conversion en grange. A l’origine, en plus du petit pont de pierre que nous avons vus, il y en avait un autre, situé à l’est, et reliant directement le château à la rive. Mais il n’en reste aucune trace, pas même sur les vues aériennes les plus anciennes.

Les autres bâtiments présentés un peu plus haut sur cette page sont : les écuries, la maison de maître et un bâtiment qui servait d’écurie et de bouverie. Le bâtiment surmonté d’un pigeonnier n’a pas de fonction clairement établie. Une étable était également présente à côté des écuries. Elle fut rasée entre 2004 et 2009. Un grand hangar datant de la fin du XIXème siècle était présent sur le site. Il disparut entre 2016 et 2018. Les écuries visitées au début de cette page (bâtiment en forme de U) datent de la fin du XVIIIème siècle. Ci-dessous, des cartes postales anciennes montrant le lieu lorsqu’il était en activité. La première photo, montrant le bâtiment à la tourelle, a été postée le 11 Aout 1904.



Ci-dessous, une photo montrant la maison de maître (à gauche) et un bâtiment qui n'existe plus (à droite).

Ci-dessous, une photo montrant la maison de maître (au centre) et un bâtiment rénové (à gauche).

Ci-dessous, le château/grange, avec au fond le reste du site.

Dans les années 30 le domaine couvrait une surface d’environ 230 hectares et une dizaine de personnes y étaient employées de manière fixe. Ci-dessous, deux vues aériennes datant de 1933 et 1939. En orange, les deux bâtiments qui furent rasés entre 2004 et 2009.



Dans les années 40, le terrain est classé. Ci-dessous, une vue aérienne du site en 1949. D’autres bâtiments sont à leur tour classés au milieu des années 90, mais le château, lui, ne sera jamais classé monument historique.

Ci-dessous des vues aériennes datant de 1953, 1958, 1962, 1966, 1967, 1971 et 1987. Dans les années 70, la question de l’utilisation du site (via sa modernisation) est posée, mais des élus locaux s’y opposent. Le projet est donc annulé. Au milieu des années 80, le projet est toujours à l’arrêt, et les douves du châteaux (qui continue de se détériorer) se vident à cause de la construction d’une ligne RER non loin de là.

























Si j’en crois les deux vues aériennes ci-dessous, c’est entre 1989 et 1999 que l’activité sur le site semble diminuer, puis s’arrêter. Je ne connais pas du tout l’histoire du lieu à cette période mais on constate qu’en 10 ans le chemin menant au pont du château/grange n’est presque plus visible, le potager n’est plus entretenu, bref le lieu semble actif (on voit toujours des voitures sur place) mais de manière réduite.

Au début des années 90, une association est créée afin d’alerter la population sur la dégradation du site. Un architecte propose de faire du domaine un chantier-école, mais rien n’aboutit. Vers 1999, la ville rachète le site, et l’on projette de le réhabiliter pour en faire un conservatoire pour la période 2003/2005, ou un centre culturel médiathèque pour la période 2009/2011. C’est durant la tempête de 1999 que l’une des ailes des écuries s’effondre. L’année suivante, un mur de tôles est installé, on le voit sur une de mes photos. C’est durant cette tempête qu’un nombre important de tuiles s’envolent des différents bâtiments.



Au début des années 2000, le site est classé «zone naturelle à protéger», dont le règlement ne permet que de réaménager les bâtiments existants ou disparus. A cette époque, un article indique que la réhabilitation du lieu couterait cinquante millions de francs (environ dix millions d’euros en 2019). Face à ce coût, la ville compte préfère revendre le site a un promoteur privé pour en faire des logements. Cette vente est aussi le moyen pour la Mairie de récupérer de l’argent. En 2001, le site est vendu pour presque cinq millions de francs (soit environ un millions d’euros en 2019).

Peu après la moitié des années 2000, le site est classé «zone d’urbanisation diffuse», donc permettant les constructions neuves. A partir de 2003, des permis de construire sont déposés, mais ils ne concernent que la réhabilitation des bâtiments de ferme, qui commence timidement. Une centaine de logements sont prévus. Un article dit que le château sera rénové «sous deux ans», pour devenir un hôtel quatre étoiles. Le projet est validé en 2004. Ci-dessous, une vue datant de 2004. On voit qu’à cette époque le site est à peu près dans le même état qu’en 1999.

Ci-dessous, c’est finalement à partir de 2009 que de sérieux travaux de rénovation débutent sur place. Au début des années 2010, le site est finalement classé «zone à urbaniser». Deux bâtiments disparaissent, un autre commence à être démoli, et la rénovation du bâtiment au pigeonnier débute. Après la vue de 2009, d’autres vues datant cette fois de 2012, 2016 et 2018. Durant la période 2009/2018 le projet évolue, et environ cent vingt nouveaux logements sont ajoutés au projet final. Un nouveau permis déposé en 2014 met l’accent sur la protection de la biodiversité.







Ci-dessous, des vues aériennes datant de 2019 (en 3D via Google Earth). Ma visite date de cette année-là, et l’avenir du site demeure à ce jour incertain, les bâtiments ne cessant de se dégrader, augmentant ainsi le coût de rénovation.












Ci-dessous, des vues faites au drone durant l’été 2020.
Ce site sera-t-il finalement rénové ? Disparaitra-t-il ? Affaire à suivre...