Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Voilà un lieu bien curieux, que j’ai connu via les photos d’Accès Interdit et Yxelle. Bien que résolu au moment où j’écris ces lignes, le mystère autour de son utilité fut une bonne motivation pour me rendre sur place et voir cette chose de mes yeux. De quoi s’agit-il ? D’une insolite (et unique) structure en béton armé. Rien de bien excitant dit comme ça, mais tourner autour de cet étrange édifice (et visiter l’intérieur) est une expérience fascinante. Bien sûr nous ne sommes pas dans le cas d’un manoir, d’un château ou d’une immense usine, mais l’originalité de la structure est, je trouve, intéressante. Et son évident état d’abandon suffit largement à la placer sur ce site. Une précision s’impose : bien que désaffecté, le bâtiment se trouve sur un domaine privé qui, lui, ne l’est pas du tout.

C’est par une belle journée ensoleillée d’hiver que je me suis rendu sur place. Se promener dans la forêt environnante était très agréable, et malgré une végétation assez dense, voir la silhouette du bâtiment se dessiner au loin fut une jolie expérience. Mon état d’esprit est différent aujourd’hui de quand je ne connaissais pas la fonction du bâtiment, mais au moment de venir sur place, je me posais de multiples questions : à quoi servait cette structure ? Quand avait-elle été construite ? Quand avait-elle été abandonnée ? Ci-dessous, la découverte du bâtiment







Ce qui frappe de prime abord en s’approchant de ce lieu, c’est cette grande «porte» (mesurant très exactement 3 mètres par 5), et bien sûr la hauteur du bâtiment, faisant penser à une tour, un mirador, tout ce que vous voulez, mais quelque chose qu’on ne rencontre pas souvent dans un bois. Un bref coup d’œil permet de distinguer deux vérins au-dessus de la «porte». Au début on se dit que ces vérins se contractent et servent à lever la porte. En fait pas du tout, vu qu’ils sont déjà en position «fermée». Ces vérins peuvent tourner sur un axe qui va de l’intérieur du bâtiment vers l’extérieur, et également s’allonger, mais pourquoi s’allonger ? La première chose que l’on se dit en voyant une telle porte, c’est qu’elle doit donner sur un entrepôt, ou un tunnel, quelque chose comme ça. Cette porte ne serait donc pas une porte ?





Ci-dessous, photo de la porte par Accès Interdit. Album complet ici.

Faisant le tour du site, une petite porte (ouverte) permet d’entrer à l’intérieur de la structure, et là, surprise : la fameuse porte, si jamais elle s’ouvrait auparavant, s’ouvre sur… rien ! Rien, car dans l’espace situé derrière la porte (une pièce carrée de 5 mètres de coté) six énormes vérins sont collés à la porte, et accrochés au mur qui y fait face. Des vérins en position «fermée» qui ne laissent qu’une seule possibilité : en position «ouverts» ils servaient à ouvrir la porte, ou tout du moins la pousser. Mais pourquoi l’ouvrir de cette manière, puisqu’une fois ouverte, les vérins empêcheraient tout passage ? A quoi sert donc cette porte donnant sur rien du tout ?





Ci-dessous, photo de l'intérieur par Accès Interdit. Album complet ici.




Ci-dessous des photos prises en grimpant sur la porte, et en inspectant une petite pièce située à coté du bloc (accessible depuis l’intérieur et l’extérieur) comme une sorte de sas. Sur place, quelques documents trainent au sol, mais rien qui ne permette de se faire une idée de la fonction du bâtiment. Un vieux téléphone est encore fixé au mur, avec une date inscrite dessus : 1976.



















Ressortant de la curieuse structure, je réalise que décrire ce lieu est assez compliqué car il y a plusieurs niveaux, et le terrain lui-même n’arrange rien au niveau de la compréhension. Ci-dessous, voici des dessins permettant de se faire une idée du truc. J’ai volontairement retiré le toit du lieu pour que l’on comprenne mieux ce qui se passe. Remarque : Le dessin n’est pas forcément à l’échelle, c’est surtout pour qu’on comprenne l'agencement.


ROSE : NIVEAU +1 VERT : NIVEAU 0 BLEU : NIVEAU -1







Y’a-t-il encore des choses à dire sur cette visite ? Et bien… Non. Il n’y a rien sur place qui informe sur sa fonction. Après être resté une petite heure sur place, je suis donc rentré chez moi, et ai commencé à faire des recherches. Ci-dessous, voici des vues aériennes qui montrent la zone où est situé le bâtiment. La vue de 1965 montre qu’il n’y a rien, mais le bloc apparait en 1968. Juste après cette vue de 1968, j’ai zoomé pour que l’on voit un peu mieux à quoi ça ressemble





Ci-dessous une vue de 1969. La structure est bien identifiable, mais le mystère est total concernant ce qui se passe autour. On semble distinguer une grue à coté.

Ci-dessous, des vues de 1971 et 1972. La grue est clairement visible, on voit bien qu’elle n’est pas dans le même sens suivant les photos. Toujours aucune idée de l’utilité du lieu (patience, ça arrive un peu plus loin).








Ci-dessous, des vues allant de 1977 à 1992. Je ne vois rien de spécial sur ces images qui puisse permettre de comprendre quoi que ce soit. On voit tout de même (en regardant bien) que la végétation pousse autour, et sur le toit du bâtiment, le camouflant.









Ci-dessous, le lieu sur Géoportail (en rouge).

Après la visite d’Accès Interdit, celle d’Yxelle et la mienne, il n’y avait plus qu’une seule solution pour connaitre l’utilité du lieu : demander aux gens sur place. Problème : c’est un domaine privé. Passer un coup de téléphone serait donc délicat, mais je décidais de tenter quand même un vendredi après-midi, horaire on ne peut plus mal choisi pour passer un coup de fil de ce genre, mais coup de chance, on me passa le directeur du site, à qui j’exposais tout ce que vous venez de lire. Me réprimandant au début sur le fait que je m’étais aventuré sur un domaine privé, nous pûmes cependant discuter du fameux bloc.

J’appris alors que le lieu était un centre d’essais de compression. Ecrire ici les termes plus précis décrivant la fonction du lieu pourrait révéler sa localisation, du coup je ne peux pas trop en dire plus, mais en gros c’était un endroit où l’on étudiait les effets de contrainte et de déformation du béton. Du sable compressé était entassé devant la porte (qui est en fait plutôt un mur amovible), et celle-ci s’abaissait comme un pont levis par l’action des six vérins situés derrière elle, à l’intérieur du bâtiment.




Le sable accumulé devant empêchant son ouverture totale (on parle d’un tas de sable aussi haut que le mur), on testait alors les contraintes exercées sur ce dernier avec des capteurs placés un peu partout. Du côté du bâtiment, celui-ci ne bougeait pas d’un poil, puisqu’il était adossé au rocher vu sur les photos de ma visite. Mes recherches m’ont appris que le bâtiment fut actif de 1975 à 1979. Un précieux document m’a également permis de voir des photos du lieu lors de sa construction, et à priori pendant qu’il était actif. Ci-dessous, les voici. La première image montre le trou creusé pour accueillir la construction du bâtiment.

Ci-dessous, le mur à plat, en position horizontale. Au moment où a été prise cette photo (durant la construction) les vérins sont fixés à l'intérieur du bloc mais n'ont pas été raccordés au mur/porte, d'où la position "à plat". Par la suite, la poulie visible sur l'image sera utilisée pour relever le mur (façon pont-levis), et y fixer les vérins.

Ci-dessous, une jolie vue du bâtiment, puis deux images de la machinerie qui se trouvait dedans.


Ci-dessous, une vue du chantier environnant le bâtiment.

Enfin, une photo montrant parfaitement la manière dont s'inclinait le mur lorsque les vérins le poussaient. Sur cette image il manque bien évidemment le tas de sable installé devant le mur. J'imagine que la photo a été prise au moment de vérifier que tout fonctionnait bien. Fin de la visite de ce Bloc 19 !