Ca faisait un bout de temps qu’un ami me parlait de ce cimetière. J’ai passé quelques jours chez cet ami lors de l’été 2014 et ai pu visiter ce fameux cimetière pour voir ça de plus près. De quoi s’agit-il ? Du «Cimetière des Oubliés de Cadillac» : un lieu créé en 1920 pour accueillir l'excedent de morts survenus en 1918-1920, le cimetière "normal" (juste à côté) étant surchargé. Ce cimetière héberge également un millier de victimes civiles de la Deuxième Guerre Mondiale, la plupart des décès étant survenus en 40-41 suites aux conditions de vie à l'hôpital sous l'occupation : promiscuité, froid, tuberculose, et surtout, famine. Voici des photos de ma visite en 2014 :

















La visite est très courte comme dans presque tous les cimetières : en général les tombes se ressemblent souvent, on passe très vite d’une tombe à l’autre... Ici, c’est le cas puissance mille puisque à part trois ou quatre, les tombes sont toutes identiques. Une simple croix rouillée, un nom, un prénom et une date de mort. Pourquoi pas de date de naissance ? Aucune idée. Pas mal de "A.C." signifiant "Ancien Combattant" et de "MUT", pour "Mutilés". (Merci Martine Bajolle) Dans un coin du cimetière, le long du mur (qui fait que le lieu est classé aux Monuments Historiques depuis 2010) j’ai vu un os, de fémur (semble-t-il). L’ami qui m’a fait la visite m’a dit qu’il n’était pas rare de voir d’autres os (et mêmes des crânes) par endroits, les malades étant enterrés très sommairement.












Une fois la visite terminée, j’ai eu une bonne surprise puisque la mère de cet ami m’a prêté un livre écrit en 1994 et traitant de l’UMD de Cadillac. Le titre de l’ouvrage est racoleur, et c’est bien dommage car il ne mérite pas ça. Informatif, précis, on y apprend des choses. Un peu plus de la moitié est cependant très anecdotique puisqu’il s’agit d’interviews (assez glaçantes) de patients détenus à l’UMD. Rien d’explicitement gore, mais la nonchalance avec laquelle les interviewés parlent de ce qu’ils ont commis (viols, meurtres etc) fait peur...




Nulle mention du cimetière, mais, fait intéressant, le livre est préfacé par le professeur Michel Bénézech (légiste de formation initiale, psychiatre et criminologue, ancien assistant dans le service du Docteur ROBERT à l'unité des malades difficiles, dite UMD, de Boissonnet, qu'il a quittée pour s'occuper du CMPR créé sur Charles Perrens). Ci-dessous, une vidéo très intéressante consacrée au cimetière. Au cas où cette vidéo serait retirée, vous pouvez la télécharger en cliquant ici.




Détail historique qui vaut le coup d’œil : contre le mur du cimetière, une plaque assez basique rappelle qu’il a accueilli de nombreux soldats (presque une centaine) de 14/18, touchés par des éclats à la tête lors de la guerre, et internés ensuite à Cadillac pour cause de «folie». Leur mise en terre dans ce cimetière témoigne d’une distinction troublante entre soldats morts au champ de bataille (enterrés dans le cimetière «normal») et soldats devenus fous suite à des blessures, et enterrés «avec les fous» dans le «Carré des Mutilés». Un grand merci à Martine Bajolle pour les trois documents PDF ci-dessous.


Le Cimetière inscrit aux Monuments Historiques
"Heur et malheur du cimetière des aliénés de Cadillac" (par Michel Benezech)
Le document à remplir pour être déclaré "Mort pour la France"
Article sur les morts de 14/18
Article sur «Histoire de la Psychiatrie»
Article Wikipedia

En Septembre 2020 le cimetière est restauré. La voix-off de la vidéo ci-dessous nous apprend que près de 4500 personnes (ça parait fou mais c'est ce qui est dit) sont enterrées ici, et deux plans montrent que le site fut abandonné en 1990 avec ses 903 sépultures, avant d'être inscrit au Titre des Monuments Historiques par arrêtés du 26 Avril et 14 Septembre 2010. (Archive)




Ci-dessous des photos de cette vidéo :














Juin 2021 je reçois un mail me demandant de contribuer à la réhabilitation du lieu en autorisant l'utilisation d'une de mes photos de 2014 pour un futur petit musée nommé "Maison du Fossoyeur" et situé sur place. J'accepte avec plaisir. Fin septembre de la même année je reçois un mail m'indiquant que ça y est, le lieu existe. Ci-dessous voici quelques photos du lieu en question. Quel plaisir de voir sa photo figurer sur place, et surtout, de voir que ce lieu n'a pas été rasé et transformé en parking ! Un grand bravo à toutes les personnes qui ont travaillé pour faire en sorte que ce lieu reprenne vie.















N'hésitez pas à consulter le site officiel pour plus d'informations en cliquant ici ou ci-dessous.