Cette visite se déroule un dimanche matin alors que le ciel est encombré de nuages gris. Pas de soleil, pas de pluie, une atmosphère un peu triste où on ne sait pas trop quelle heure il est. Pour accompagner la météo un peu mélancolique de cette ruine perdue au milieu des champs, le ciel nous a prévu un petit vent qui, je l'espère, ne fera pas tomber sur nous une des deux cheminées que nous apercevons au loin, l'une d'elle étant légerement tordue...

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Le chemin de terre menant à la briqueterie n'est pas bien long. En route nous passons devant deux maisons irrécupérables, puis décidons d'entrer sur le domaine par ce qui reste d'une autre bâtisse, elle aussi très amochée. Toiture inexistante, poutre solitaire, lierre ayant tout envahi, tags, débris jonchant toute la surface du lieu, aucune clôture ou panneau. Pas de toute, ce n'est pas ici que nous serons embêtés par un gardien.













Une fois la première maison passée, nous marchons sur les décombres de ce qui ressemblait fort à un bâtiment industriel avec sa structure en béton. L'édifice s'est-il effondré lui-même ? C'est surement le cas, mais il est dans un tel état que l'on pourrait penser qu'il a été démoli volontairement, peut-être pour éviter que des promeneurs un peu curieux fassent une mauvaise chute. Au loin, derrière tous ces gravats et perdues au fond de la végétation, les deux tours sont bien en vue.







Nous arrivons en vue d'un étrange bâtiment ressemblant à un reste de fortification. Apercevant une échelle, nous grimpons pour avoir un meilleur aperçu de la structure sur laquelle nous nous promenons. La végétation n'est pas encore trop présente, nous pouvons évaluer la taille de ce que nous explorons. En été par contre, tout doit être assez invisible.



Marchant sur ce qui était auparavant un toit (à présent envahi de ronces et d'arbustes) nous tombons plus loin sur un groupe de joueurs d'airsoft. Vu la topographie du site, jouer ici doit effectivement être génial.







Les laissant à leurs occupations, nous redescendons du toit du curieux bâtiment et faisons un peu le tour de sa base pour essayer de voir de quoi il s'agit.







Nous découvrons alors que la curieuse structure est percée de multiples petites entrées voutées (au demeurant très photogéniques) et vraiment chouettes pour un site industriel aussi en ruines. Toutes ces entrées mènent à un couloir principal assez bas de plafond dans lequel (j'imagine) on entreposait les briques une fois fabriquées. De façon symétrique, il y a des entrées similaires de l'autre coté du bâtiment, mais cette fois-ci elles ne mènent pas à un couloir mais avancent de deux mètres dans la paroi, puis s'arrêtent en cul-de-sac. Etrange.





Une fois la visite terminée, nous nous dirigeons vers un autre bâtiment du même style, lui aussi comportant des petites entrées voutées et un grand couloir. A la différence du premier, celui-ci est vraiment bien rempli de briques, des briques soigneusement empilées tout au bout. Est-ce que ces briques sont là depuis que le site est abandonné et qu'elles n'ont pas bougées ? Probable. Le fait de pouvoir les contempler et les prendre en photo sans aucun tag pour gâcher le plaisir est vraiment cool.





Allez, direction la cheminée !



Une échelle métallique est encore là, techniquement il serait tout à fait possible de monter et faire une photo du site vu d'en haut, mais l'opération serait complètement suicidaire, je vois bien la cheminée pencher dangereusement et tout simplement tomber à la renverse. En fait je m'étonne que l'échelle soit encore là, c'est bien trop dangereux. En fait, pourquoi les cheminées n'ont pas été démolies ? Elles représentent un danger assez fou vu la fréquentation du site par les explorateurs, les joueurs d'airsoft, de paintball etc.





Ci-dessous deux photos montrant les alentours de la cheminée ainsi que sa base.





Un peu plus loin, après avoir marché quelques minutes dans des broussailles et contourné pas mal d'arbustes, nous arrivons à une troisième maison en ruine encore très photogénique et belle. Le lieu étant plutôt fréquenté, étonnant de ne voir aucun tag sur ce qui reste de la bâtisse.





Faisant route vers la sortie la plus proche (c'est-à-dire un champ situé à une trentaine de mètres) nous sommes étonnés de tomber sur une grande quantité de coquilles de noix. Sûrement les animaux du coin ? Nous réalisons que nous marchons également sur une sorte de très long talus, et qu'il y en a en fait plein autour de nous, donnant un coté bosselé au terrain assez particulier. Que sont ces mystérieux talus ? Réponse plus bas.





En cherchant des cartes postales anciennes je suis tombé sur une vue de la briqueterie (ci-dessous) donnant l'explication de ces talus : il s'agit très probablement de terre battue (ou de tas de briques) entreposés ici, formant de grandes lignes/murets, le tout abrité par des toitures aujourd'hui disparues.



Une fois dans le champ, je me retourne pour faire une dernière photo, et, surprise, nous apercevons un petit (et vieux) panneau que personne ne doit voir vu son emplacement improbable (en bordure d'un champ, sans aucun vrai chemin à proximité). J'espère qu'il y a d'autres panneaux de ce type tout autour du site, car personne ne doit voir celui sur lequel nous sommes tombés !



Passons aux vues aériennes. Ci-dessous une vue de 1931. J'ai colorié les deux bâtiments ressemblant à des fortifications et couloir vouté. L'ombre des cheminées étant parallèle aux toitures basses (dont il ne reste que les talus), on ne les voit pas trop. Une chose est sûr en voyant cette image : à l'époque le site était immense ! (15 Hectares après recherche.) Quand la briqueterie a-t-elle été construite ? Aucune idée, probablement à la fin du XIXème siècle.



Ci-dessous une sublime vue de 1951. On voit plein de détails sur cette image : les deux structures «fortifiées», les cheminées, les toitures, les maisons d'habitation en haut, des potagers, et même une sorte de début de tunnel juste sous le bâtiment orange vertical. Est-il encore visitable plus de 80 ans après ?



Ci-dessous une vue de 1969, également très belle. On remarquera qu'entre cette vue et celle d'avant, de nouvelles toitures ont été installées en bas à droite du terrain. 1969 est très probablement l'année où la briqueterie est à sa taille maximale.



Ci-dessous deux vues datées de 1986. Mes recherches m'ont appris que le site avait fermé entre 1986 et 1989. Quand on voit les arbustes poussant un peu partout sur le site comparé à 1969, aucun doute possible : le site n'est plus actif. On remarque cependant des voitures garées en haut au niveau des maisons, signe qu'il reste un peu de vie (habitation) à cet endroit.





Ci-dessous, nous sommes en 1989. Le terrain se dégrade peu à peu...



Ci-dessous, 1993. Le site est devenu un champ de ruine. Les habitations en haut sont-elles encore habitées à cette époque ? Impossible à dire.



Ci-dessous, 1994. Même topo que 1993, mais en couleur. La couleur permet vraiment de se faire une idée de l'ampleur de l'avancement de la végétation un peu partout sur le site. On remarquera que les toitures sont consolidées un peu partout avec des tôles.



Ci-dessous, 2000. Il n'y a plus rien à part les ruines que nous avons visité. On peut noter que le terrain semble avoir été «nettoyé», il n'y a plus d'arbustes ni de végétation.



Ci-dessous, 2002. La nature reprend vite le dessus.



Enfin, ci-dessous, trois vues datant de 2004, 2006 et 2016. Quand on compare avec la vue de 2004 on s'aperçoit que le site est devenu presque complètement invisible. Quand on est aux alentours du site, à part les cheminées il n'y a absolument rien qui indique qu'auparavant se dressait ici une immense briqueterie.









Mise à jour Avril 2021 : le site change ! Au programme : défrichage, désamiantage, déconstruction environnementale et dépollution des sols en vue d'une revalorisation du site. Ci-dessous, une vidéo (archive) et merci Aurélien pour m'avoir tenu au courant ! Au passage, le vrai nom de la briquetterie : Delecourt.



Ci-dessous, une jolie photo (1960) envoyée par Aurélien, merci à lui !
Photo disponible aux Archives Municipale de Douai.