Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


J’avais repéré cet ancien asile il y a longtemps, et lorsque l’occasion de le visiter s’est présentée j’y suis allé avec un camarade explorateur. Seul souci : pour des raisons de logistique nous n’avions en tout et pour tout qu’une heure et demie pour le visiter. Une heure et demie pour tourner autour, chercher un accès, documenter le lieu le mieux possible une fois dedans (si nous arrivions à y entrer) le tout sans se faire attraper par un éventuel gardien : un peu juste, comme timing.

Sur la carte nous avions repéré un bois derrière l’asile. Nous sommes passés par là en nous disant que nous tomberions sur une clôture (avec un trou dedans à un endroit) mais, surprise, aucune clôture, aucun panneau, rien. Il nous a suffi de marcher une centaine de mètres dans les bois et le tour était joué, nous étions à présent aux abords de l’asile, sur un chemin de ronde.

Nous avons alors commencé à nous promener en cherchant un accès qui nous permettrait d’entrer dans l’asile abandonné. Enfin, pas tout à fait à l’abandon, puisque nous avons vu qu’une toute petite partie de l’asile fonctionnait encore, en l’espèce un petit bâtiment de plein pied, moderne, accolé au vieux bâtiment. Mais tout le reste était déserté. Chemin faisant, nous ne croisons personne, et nous demandons si nous pourrons entrer, car tout a l’air bien fermé.







Dix minutes se sont déjà écoulées et nous commençons à nous dire qu’il ne sera pas possible d’explorer ce fascinant lieu. Puis, par hasard, j’aperçois une fenêtre qui a l’air mal refermée. Ça parait un peu trop facile, donc nous nous approchons lentement en regardant un peu partout s’il n’y a pas une alarme. A ma grande surprise, la fenêtre s’ouvre sans aucun problème et aucune alarme ne retentit. Nous pénétrons dans un petit bâtiment qui (en principe) devrait nous permettre de rejoindre l’asile via une passerelle couverte. Mais est-ce qu’on ne tombera pas sur une porte fermée une dizaine de mètres ? Nous croisons les doigts, et quelques instants plus tard arrivons face à une porte vitrée malheureusement fermée….


Fort heureusement pour nous, la vitre de cette porte est brisée. Après avoir fait passer nos affaires avant nous (sac à dos, trépied, veste) nous nous glissons dans l’ancien asile, et l’exploration commence enfin. Pour autant, nous ne sommes pas du tout rassurés, car nous n’avons toujours aucune idée si le bâtiment est surveillé ou non. Nous avançons donc à pas de loup, en réalisant que nous ne disposons à présent plus que d’une heure pour documenter le lieu.

Ce stress lié au timing et à notre nécessaire discrétion est mis à rude épreuve par l’architecture du lieu : les immenses couloirs que nous parcourons ne nous laissent aucune chance en termes de cachette. Si un gardien nous voit de loin, il faudra vite courir vers la sortie. Nous nous rassurons en nous disant que, au pire, nous sommes dans un lieu complètement vide, en cas de rencontre, nous ne risquons pas grand-chose. Avec mille précautions et chuchotements, nous photographions alors ce que nous pouvons photographier, et nous imprégnons de l’ambiance assez glauque de l’ancien asile.

La peinture s’écaille par endroits, mais globalement le bâtiment est sain. Quasiment vide, il reste des détails à certains endroits qui témoignent de son passé : décorations sur les vitres, autocollants, peintures… Situé juste assez loin des habitations pour être au calme, nous n’entendons quasiment aucune bruit à part celui de nos pas. Par moments nous jetons des coups d’yeux par la fenêtre pour voir si un éventuel gardien fait une ronde, mais par chance, nous ne voyons rien. Il faut croire que le lieu n’est pas surveillé, ou que ce jour-là il n’y a personne. Ci-dessous de nombreuses photos de l’intérieur de l’asile. Couloirs, chambres, couloirs, chambres, c’est assez répétitif, mais fascinant.



































A un moment, regardant à travers une fenêtre, j’aperçois le point central du bâtiment, et aussi ce qu’il y a (à priori) de plus beau à voir sur place : la chapelle. Ne voulant pas perdre de temps, nous marchons d’un pas pressé vers celle-ci, mais manque de chance, nous nous trompons de niveau. Après avoir descendu un escalier de service, nous arrivons à un couloir qui semble mener à la chapelle.

Ci-dessous, le beau couloir menant à la chapelle. Curiosité : une ancienne cheminée semble avoir été sauvegardée et «collée» au mur. Plus loin, juste à côté du couloir, nous sommes surpris de découvrir juste avant la chapelle une sorte de mini-espace où l’on pouvait boire des boissons fraîches. Très curieux de tomber sur une publicité Pepsi dans un lieu de ce genre !





Enfin, nous découvrons la belle chapelle dont je n’avais vu qu’une seule (minuscule) photo avant de venir. Et ça vaut le détour. Entièrement vide, poussiéreuse, elle nous enveloppe de son tranquille silence bleuté. Car ici tout est bleu, et en plus de ça joliment décoré. Outre les vitraux, magnifiques, nous apercevons cinq portraits circulaires au-dessus de l’autel : il y a bien sûr Jésus au sommet, et de gauche à droite (merci Pierre-Marie pour cette information !) Saint Luc avec le taureau, Saint Jean avec l'aigle, Saint Matthieu avec l'ange et Saint Marc avec le lion. Levant la tête, je découvre un magnifique dôme, lui aussi richement décoré. J’aperçois également deux très beaux luminaires au plafond. Par un sympathique effet on a l’impression que les ampoules montent vers le ciel (ou descendent vers nous, c’est selon).











Ci-dessous des photos prises par JC. Un grand merci à lui !






























Nous restons quelques instants dans la chapelle puis voyons que nous avons juste le temps de ressortir de l’asile. Une fois dehors, nous marchons tranquillement le long du chemin de ronde en nous dirigeons vers le bois, puis entendons un bruit de vélo derrière nous. Sans me retourner je remarque que ce n’est pas le bruit d’un vtt. Le son n’est pas propre et régulier, mais «rouillé» et couine un peu. Nous nous retournons, et face à nous, assis sur un antique vélo, découvrons le gardien de l’asile. Nous scrutant de haut en bas puis de bas en haut avec des yeux méfiants, j’ai l’impression qu’il sait que nous étions dans le bâtiment à cause des traces de plâtres sur nos vêtements (on s’en fait vite quand on se colle au mur pour faire des photos), mais je n’arrive pas à en être complètement sûr. Enfin, dans ma tête, je me dis qu’il sait très bien où nous étions. La discussion commence :

Moi : «Hello.»
Gardien : - Hello. Private.
Moi : - Oh. We can’t visit the asylum ?
Gardien : - No. Private. Go away.
Moi : - Oh… Ok. Goodbye.
Gardien : - Goodbye.

La discussion dure en tout et pour tout une minute. Nous saluons le gardien puis repartons vers la forêt d’où nous sommes venus. En chemin, nous réalisons que nous avons eu une chance de fou : si nous avions croisé le gardien en arrivant, nous n’aurions pas pu visiter le bâtiment. Là, se faire griller tout à la fin, c’est parfait.

Cet asile fut construit en 1867 et contenait 1600 patients au pic de son activité. Utilisé par l’armée soviétique comme hôpital militaire après la Deuxième Guerre Mondiale, l’argent manqua au début des années 90 pour le mettre aux normes. Finalement, l’asile ferma aux alentours de 2006 et une majorité de patients se retrouva purement et simplement à la rue. Une triste fin pour ce bâtiment qui est un des plus grands du pays où il se situe. Ci-dessous, une gravure montrant le site en 1867.