Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.

Cette première visite se passe un matin, en semaine. L'automne est là, une fine pluie est de la partie, le moment idéal pour immortaliser ce lieu que je ne connaissais pas du tout et qu'on a eu la gentillesse de m'indiquer. L'accès se déroule en deux étapes : entrer dans une forêt (pas bien compliqué), marcher quelques minutes en plein air (pas très discret, mais facile), puis laisser nos pas nous guider jusqu'à l'intérieur de la bâtisse.



Ci-dessous, je passe devant un terrain de tennis abandonné. Appartenant à qui ? Mystère.



Après quelques instants, la bicoque est en vue. Je dis bicoque mais en fait la maison est assez grande, c'est juste que de loin on dirait un petit corps de ferme décrépi, immobile et silencieux depuis (apparemment) beaucoup de temps, comme une vieille ruine perdue dans la brume.



Tout ça me rappelle fortement la pochette de l'album «Wind and Wuthering» de Genesis, inspiré des «Hauts de Hurlevent» (Wuthering Heights). Voici la dernière phrase du livre (ça ne spoile rien, rassurez-vous) : «Je m'attardai autour de ces tombes, sous ce ciel si doux ; je regardais les papillons de nuit qui voltigeaient au milieu de la bruyère et des campanules, j'écoutais la brise légère qui agitait l'herbe, et je me demandais comment quelqu'un pouvait imaginer que ceux qui dormaient dans cette terre tranquille eussent un sommeil troublé.» Voilà un peu ce que j'ai en tête en m'approchant de la maison : une bâtisse muette comme une tombe et perdue au milieu d'une terre tranquille.









Faisant mes photos j'entends alors la voix d'une dame juste derrière moi :

Elle : - Bonjour.
Moi : - Bonjour.
Elle : - Vous savez, elle n'a aucune valeur cette maison.
Moi : - Ah ?
Elle : - Oui oui, vraiment elle ne vaut rien.
Moi : - D'accord.
Elle : - Vous la prenez en photo, là ?
Moi : - Oui.
Elle : - Ah d'accord.
Moi : - Hé oui.
Elle : - Mais, vous savez, ça sert à rien de la prendre en photo, elle ne vaut rien.
Moi : - Visuellement y'a un truc je trouve.
Elle : - Ah ?
Moi : - Oui, elle est fascinante.
Elle : - Ah. Oui, enfin, elle vaut plus rien vous savez.
Moi : - ...
Elle : - J'dis ça c'est pour pas qu'vous perdiez votre temps.
Moi : - Et bien merci. C'est gentil.
Elle : - Enfin voilà.
Moi : - Merci.
Elle : - Bonne journée.
Moi : - Bonne journée. (ENFIN.)



Une fois la dame partie, je me dirige vers l'entrée, que j'ouvre facilement, puis referme derrière moi en posant une petite barre en fer en travers. Si quelqu'un vient, avec de la chance, je l'entendrais, et aurait peut-être le temps de me cacher.



Me voici alors face la maison. D'apparence tout ce qu'il y a de plus normale, elle ne m'inspire pas grand-chose mais la brume, le lierre et les feuilles mortes donnent cependant un coté romantique assez fascinant.










Au loin, quelques bruits de tracteurs me rappellent que je ne suis pas complètement en dehors du monde, mais ils sont assez lointains pour créer une belle sensation d'isolement. Une fois dans la bicoque je ne les entends presque plus et je profite de ce que j'apprécie le plus dans l'exploration urbaine : le silence.

Je visite quelques pièces sombres et découvre quelques objets posés ici et là. Je suis toujours aussi amusé par le fait que certains lieux sont complètement vides mais qu'il reste toujours une ou deux choses qui n'ont pas été emmenées pour une raison qui m'échappe. Ici, un Minitel, là, une vieille tour d'ordinateur…







D'autres pièces de la maison. D'autres ambiances.



















Après avoir parcouru trois ou quatre pièces pas franchement fantastiques, je tombe sur ce dont on m'avait parlé avant de venir. Et effectivement c'est assez impressionnant de tomber là-dessus dans une baraque isolée en pleine campagne. Devant mes yeux, posés au sol dans la pénombre, git une statue. Une statue amochée, en plusieurs morceaux. Il y a le socle, le bas du corps, le haut, une tête de chien, une patte… Un petit travail mental est nécessaire pour se la figurer en entier.



















En voyant tout cela je me demande si je ne devrais pas retrouver un éventuel propriétaire ou contacter la Mairie pour éviter que la statue ne finisse encore plus cassée, ou taguée, ou volée. Est-ce que c'est à moi de le faire ? Aucune idée, je ne suis sensé toucher à rien en principe. En tout cas il y a là matière à réflexion.

Quelques mois plus tard, je suis revenu voir ce que devenait cette maison. Je n'ai pas pu faire beaucoup de photos car j'étais venu pour autre chose, mais en voici déjà quatre : deux vues de la maison en été, bien camouflée, quasiment invisible, une photo d'un petit coffre que je n'ai pas ouvert (je n'avais rien sur moi pour le forcer, et faut-il vraiment le forcer ?), et enfin, une dernière photo qui fait mal au coeur : on a volé la tête de la statue...