Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Voici un lieu que j’ai découvert en trainant sur Google Maps, comme souvent. De quoi s’agit-il ? D’un tout petit château et d’une petite maison située juste à côté, le tout entouré de petites douves. J’utilise trois fois le mot «petit» et c’est volontaire, nous sommes ici en présence d’un petit lieu, et c’est aussi ce qui fait son (grand) charme.

La seule inconnue lorsque je suis venu sur place, c’était la ferme située à une vingtaine de mètres des deux bâtiments : est-ce que les deux bâtiments appartenaient aux propriétaires de la ferme ? Inspectant le cadastre sur mon smartphone, je vois que la ferme est sur une parcelle différente du château et de la maison. Mais les douves sont-elles traversables ? Aucune idée. Peut-être.

Le premier jour de mes deux venues, en Février 2020, j’ai pris le temps de sonner à la porte de la ferme, histoire de parler avec les propriétaires de la ferme de ce petit château et de la maison située sur la même parcelle. Personne ne me répondit malgré mes nombreux coups de sonnette. Je fis alors une première visite à l’appareil photo. Revenant six mois plus tard, je sonnais à nouveau à la porte de la ferme. Là encore, aucune réponse. La ferme était pourtant clairement habitée. Ce jour-là je fis des photos, mais cette fois-ci au drone. Ci-dessous, le récit de ma première visite.

En ce matin de février, il ne fait pas vraiment chaud, et le fait que je ne sache pas trop à quoi m’attendre en venant explorer n’est pas rassurant. Mais c’est aussi ça l’exploration urbaine, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Comme écrit plus haut, il y a une ferme juste à côté de ce que je suis venu visiter, et bien que le lieu soit en ruine, je crains de me faire voir. Il n’y a à priori plus rien à voler sur place, mais si je me fais voir la Police risque de débarquer. Avançant lentement, me cachant derrière les arbres au fur et à mesure de ma progression, j’arrive en vue des deux bâtiments. Comme je me l’étais figuré, c’est petit, très petit, mais intriguant. Qu’est-ce donc que ce petit château situé sur une petite parcelle entouré de petites douves ? Et la maison à côté, que me réserve-t-elle ? Mystère.





Je vois qu’à un endroit la douve est à moitié rebouchée, me permettant de traverser sans encombre au milieu des ronces ayant poussé ici. Je suis alors à quelques mètres de la maison, que je décide de visiter en premier, me disant que depuis l’étage j’aurais une belle vue sur le château. Enfin, si l’étage est accessible, évidemment.

Pénétrant avec difficulté dans la bicoque en ruine, on ne peut que constater son état de délabrement. Ici, il n’y a plus rien à faire, c’est comme si un éclair avait foudroyé la toiture et ordonné à la maison de ne plus accueillir de nouveaux occupants. Quelques rares meubles sont encore là, indiquant à quoi servait telle ou telle pièce. Quelques tags sont là aussi, signe que le lieu est visité de temps en temps. C’en est presque rassurant, quelque part, car à priori je ne suis pas dans un endroit «sensible». Pourtant je ne l’ai jamais vu passer sur Internet : serais-je le premier explorateur urbain à y faire des photos ? Ça me semble impossible, mais peut-être.























Continuant ma visite, j’arrive à la pièce foudroyée et son inexistant plancher. Autant cette pièce est très dangereuse, autant la vue sur le château y est magnifique. Je reste ici quelques instants, à contempler cette étrange vue. Ce n’est pas souvent qu’on peut observer un lieu abandonné depuis un autre lieu abandonné.

Une fois sorti de la maison, le château est là, à une dizaine de mètres. Est-il sécurisé ? Aucune idée. Mais je constate une chose : il semble muré de (presque) partout. Si jamais une ouverture permet d’y pénétrer, la visite se fera dans le noir total. Question photos, l’intérêt sera limité… C’est donc avec un mélange de peur, et aussi de petite déception (il faut bien le dire) que je me dirige vers le curieux bâtiment.

Le plus silencieusement du monde je reste au pied du bâtiment et aperçoit une inscription en grec ancien sur le fronton au-dessus du passage qui traverse le château et mène à la ferme : ΛΑOE - BIΩΣAΣ. Quelques temps plus tard, via Twitter, j’apprends que la phrase est attribuée à Epicure, et signifie «Vivez dans l’obscurité», que l’on pourrait traduire par «Vivons heureux, vivons cachés», et pour développer un peu plus : «Traversez la vie sans attirer l’attention sur vous, vivez sans chercher la gloire, l’argent ou le pouvoir, mais de manière anonyme, appréciez les choses simples de la vie comme la nourriture, les amis etc». Une inscription qui convient parfaitement à ce petit château de taille très modeste, relativement caché grâce à la végétation, et bien silencieux.



Passant sous le fronton, me voici dans le passage traversant le château. Au bout, à quelques mètres, je distingue une passerelle métallique menant à une grille envahie de ronces. Derrière cette grille, la fameuse ferme. Si cette grille fait un peu peur (n’importe qui pourrait me voir d’ici, en février la végétation est moins dense), la présence de ronces me rassure : personne ne passe par ici. Avançant un peu plus je vois que ce passage n’est pas utilisé, donc à priori les propriétaires de la ferme ne sont pas les propriétaires du château, sinon le passage serait bien plus accessible…

La présence de la passerelle métallique me fait penser que c’est probablement la ville qui l’a installée ici, pour permettre un meilleur accès. Cela pourrait aussi bien être le propriétaire du château qui l’a installé, mais je penche plus pour la Mairie. En tout cas une chose semble certaine : si je veux faire une photo de la façade du château, il va me falloir aller tout au bout de la passerelle, dans les ronces, et m’accroupir pour ne pas être vu… Par mesure de précaution, je décide de faire cette photo en dernier, une fois que j’aurais exploré le reste de manière plus sereine.



Comme je l’avais imaginé en repérant ce lieu et en voyant qu’il était muré un peu partout, la visite de ce curieux petit château est rapide : pièces plongées dans le noir, et vides. Pas bien intéressant tout ça... Pour autant, c’est mignon de visiter un lieu tout petit, modeste, qui semble n’intéresser personne. Dans chaque pièce du château, aucun tag, aucune dégradation rien. C’en est étonnant vu que la maison l’a été, elle, et qu’elle est juste à côté. Voici quelques photos.











L’escalier mène au toit du château. Ici, le lieu a clairement été rénové à une date inconnue pour mettre le château hors d’eau et l’empêcher de pourrir. Le toit terrasse semble moderne, et d’ici la vue sur le reste di site est intéressante. On voir un peu mieux la parcelle sur laquelle les deux bâtiments reposent, ainsi qu’un peu de campagne environnante. Je prends un instant pour photographier la petite maison. De là-haut on voit bien mieux le toit effondré. Triste spectacle !







Ayant fait le tour du lieu, je redescends vers le passage menant à la passerelle métallique près de la ferme. Avançant lentement, j’arrive à me faufiler dans les ronces et être quasiment invisible. Me retournant vers le château, je découvre sa belle façade. Regardant à travers l’objectif de mon appareil photo, je ne peux pas m’empêcher de penser que cette façade rappelle beaucoup celle du Château des Ombres de Musclor. Je remarque que le lieu semble avoir été surélevé (partie grise) et que les créneaux sont à priori récents. Profitant de ma relative invisibilité dans les ronces, je reste quelques instants à admirer ce beau mélange de rouge, de vert et de gris qui fait le charme de ces lieux délaissés.

Six mois plus tard, je reviens sur place, cette fois-ci avec un drone acheté récemment. Comme lors de ma première visite, je sonne à la porte de la ferme : personne ne répond. Je refais alors le même parcours et documente le lieu du mieux que je peux. Ci-dessous, les photos faites lors de cette deuxième visite. La photo de la façade fut particulièrement tendue à faire, le drone étant situé à une vingtaine de centimètres d’un arbre. Impossible de reculer plus pour avoir une vue un peu plus dégagée.























Niveau histoire, le lieu est bel et bien un ancien château, mais si l’emplacement date du moyen-âge, le bâtiment actuel date du milieu du XIXème siècle, et fut construit par-dessus l’ancien château datant du XIIIème ou XIVème siècle. La maison située à côté était un pavillon de chasse. Ci-dessous, le lieu en 1967. Il existe d’autres vues aériennes, celle-ci est la meilleure et rends bien compte de la topographie du site.



C’est au début des années 2010 que le toit est rénové, et la passerelle installée. Le pavillon de chasse est considéré comme «perdu» et aucune réhabilitation n’est prévue. Vu que c’est la Mairie qui a effectué les travaux, on peut considérer que c’est elle qui en est propriétaire.