Voici un lieu visité au tout début de l’année 2018 (le 1er Janvier pour être exact) mais que je n’avais pas mis sur mon site car je le destinais à mon deuxième livre, «Urbex Europe». De quoi parle-t-on ? D’un ancien bowling collé à un vieux moulin. C’est peu de temps après ma visite début 2018 que le moulin fut réhabilité et le bowling détruit, mais ça je ne l’appris que début 2023 en voyant passer sur Twitter des photos du lieu prises par World of Josh. A ce sujet, je vous invite à consulter son article de 2013 en cliquant ici.

Ce lieu n’étant plus un lieu «urbex», je peux en parler librement en dévoilant son emplacement, mais surtout, comme nous sommes sur Internet et pas dans un livre avec un nombre de pages limité je peux vous montrer toutes les photos faites lors de la visite de ce lieu. Dans «Urbex Europe» le moulin/bowling porte le nom fictif de «Asspoester Bowlen» qui signifie «Bowling de Cendrillon» (rapport au soulier solitaire vu en fin de visite). Voici le texte figurant dans le livre, entrecoupé de photos :


«1er janvier à l’aube. Les rues sont désertes dans cette bourgade de Belgique. C’est le lendemain du réveillon, le temps est ensoleillé, le ciel est d’azur. Je ne vais pas me plaindre de cette tranquillité et de cette superbe lumière matinale qui m’offrent les conditions idéales pour explorer ce lieu insolite situé en bordure de route : un bowling construit au pied d’un moulin à vent. Le caractère unique de l’endroit a attiré mon attention lors d’une de mes investigations sur Internet à la recherche de lieux à explorer hors de France.

Ce bâtiment m’a tout de suite rendu curieux car la première question que l’on se pose est «Quel peut-être le lien entre un moulin et un bowling, normalement si éloignés l’un de l’autre par la fonctionnalité ? Est-ce un vrai moulin ou bien une pâle imitation en carton-pâte ?» J’imagine déjà plusieurs scénarii possibles sur cette association étonnante. Je ne vais d’ailleurs pas tarder à le savoir. Me voici au carrefour de plusieurs routes au nord de la ville. Même si je vois assez vite les ailes du moulin, je dois rester concentré pour ne pas rater la bretelle de sortie. Un grand parking, aujourd’hui complètement vide, accueillait apparemment les visiteurs à l’entrée de l’établissement.

Par prudence, j’évite d’y garer ma voiture qui attirerait peut-être trop l'attention. Je me gare donc cent mètres plus loin. Dans l’environnement immédiat du bowling, je remarque des champs labourés et une maison habitée. Je dois donc me montrer discret. Je décide de faire le tour du moulin pour trouver une entrée. Par chance, la porte arrière du bowling est ouverte. Je me glisse à l’intérieur sans imaginer atterrir aussi vite au cœur des pistes de jeu.







Le plafond est en partie écroulé. On peut voir le ciel bleu à travers les trous béants de la toiture d’où filtrent des rayons du soleil, jaune d’or, dans un joli jeu d’ombre et de lumière. C’est presque aussi beau que dans une cathédrale. A la grande différence qu’ici, le bâtiment est complètement dévasté. Je découvre un vrai capharnaüm : les pistes de bowling sont brisées ou renversées, les consoles cassées, le mobilier arraché… Il n’y a, à priori, rien à sauver dans cet espace de jeu. Le contraste entre le calme du lieu et la violence avec laquelle toutes ces installations ont été détruites m’attriste profondément. Je circule parmi les débris sans grand espoir de trouver quelque objet emblématique. Mais cette lumière rasante est si particulière que je prends le temps de photographier ce fatras plutôt photogénique.

Certains piliers sont habillés de miroir dans lesquels se reflètent la pièce. Le sol est particulièrement glissant, une bâche qui devait couvrir la toiture est tombée sur un tas de planches couvertes de mousses humides. Et comme souvent, la nature a pris le dessus, des plantes poussent entre les gravas apportant des nuances de verts à tous ces restes grisâtres. Toutefois, à force de scruter le moindre recoin, un objet émerge du lot. Il est blanc, posé sur une piste près d’une fenêtre. De loin, je n’arrive pas à voir ce qu’il représente exactement. Et qu’elle n’est pas ma surprise lorsqu’enfin je découvre la relique en question : une chaussure à haut talon et semelle compensée abandonnée sur une piste de bowling. Que peut bien faire à cet endroit cette sandale parfaitement inadaptée à la pratique de ce sport ? Serait-ce la pantoufle de ver d’une Cendrillon locale ?













Au fond, une ouverture donne sur un bar assez spacieux, passage que devaient emprunter les clients arrivant par la porte principale avant d’accéder aux pistes. Le style est assez original. On se croirait dans un décor de studio de cinéma, ambiance «Game Of Thrones» : une taverne moyenâgeuse faite de boiseries moulées sans grande finesse dans du plâtre, imitant le mobilier en bois brut ornés de ferrures et de blasons. Il ne manque plus que les écuelles et les chopes de bière en terre pour remonter le temps. Au centre de la pièce, subsiste la base arrondie du moulin. Un escalier à la rampe d’accès également moulé façon imitation bois, m’invite à explorer l’étage supérieur.











Quelques grinçantes marches plus tard, j’aperçois une porte me permettant d’accéder à une petite terrasse d’où j’ai une belle vue sur le moulin. Revenant à l’intérieur, je gravis une échelle et arrive dans la partie la plus intéressante du moulin. Celle-ci étant difficile à photographier, je ne fais qu’une photo, et décide de faire plus tard un dessin rendant mieux compte de l’atmosphère de cette partie du site.





Ci-dessous le dessin réalisé pour le livre «Urbex Europe». J'ai volontairement dessiné la fenêtre ouverte pour que l'on puisse voir une des hélices du moulin.

Un peu d’histoire : situé à Aarschot (Belgique) le nom du lieu «De Witte Molen» signifie «Le Moulin Blanc». Une page Wikipédia existe à son sujet. Sa localisation est ici. Tout commence en 1843 à Heist-op-den-Berg avec la construction d’un moulin à vent en bois portant le nom de «Plattenbosmolen». En 1878 le moulin est déplacé à Aarschot, et est dirigé par le fermer Josephus Stevens. Lors de la Première Guerre Mondiale, à la bataille d'Ourodenberg, le moulin est entièrement détruit par les Allemands.

En 1920 le moulin est reconstruit, cette fois-ci en briques. Un toit et des lames sont ajoutées en 1925, provenant d’un moulin situé à Everberg. Le moulin reste en service jusqu'à peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale. À partir des années 1950 l'électricité arrive, et le moulin devient alors inutile. C’est en 1953 que la famille Mattheus rachète le moulin. Les nouveaux propriétaires restaurent le bâtiment qui était alors en ruines. C’est à cette époque qu’il est peint en blanc, qu’il acquiert son nom «De Witte Molen», mais que surtout il devient un lieu de restauration et un dancing, le «Dancing de Witte Molen». Ci-dessous une photo ancienne non datée :




Une petite cinquantaine d’années plus tard, au début des années 2000, le site est à l’abandon. De plus en plus de voix à Aarschot s’élèvent pour demander que l’on restaure le moulin. Un nouveau propriétaire rachète le lieu en 2005, le rénove et y créée un bowling, qui ferme à priori en 2013. Il faut attendre 2018 pour que des travaux de restauration débutent. Enfin, le 14 Décembre 2020, les hélices du moulin blanc tournent à nouveau lors d’un test de mécanique interne. Le lieu est sauvé ! Pour une histoire bien plus détaillée du site, rendez-vous ici.



Ci-dessous l’évolution du site avec des vues aériennes et street view. On commence avec une vue street view de 2009, année où le site est censé être toujours en activité. La photo montre pourtant un lieu qui a l’air à l’abandon, ou du moins fermé.

La vue aérienne ci-dessous montre le lieu en 2016. Contrairement à la vue street view ci-dessus, on remarque que des préfabriqués ont été installés devant le bâtiment. Est-ce qu’à cette époque la rénovation était déjà planifiée ? Je ne le sais pas, mais ces préfabriqués étaient là lors de ma visite début 2018.

Ci-dessous une vue street view de 2017. On remarque que la végétation est bien plus présente qu’en 2009. Les préfabriqués à droite sont bien visibles. Du côté du moulin on peut voir que de la peinture blanche a un peu disparue, laissant apparaitre sa structure en briques.

Sur la vue aérienne de 2018 ci-dessous on voit des véhicules garés sur le site. Est-ce qu’ils ont un rapport avec la rénovation ? Je ne pense pas mais je peux me tromper. En tout cas à cette période le lieu vit ses dernières années d’abandon. Après cette vue aérienne, une vue street view datant de la même année.



Ci-dessous, une vue aérienne de 2019 montrant le lieu en cours de rénovation. On remarque que la partie «bowling» a été démolie. Juste après, deux vues street view montrant la dépose de la toiture et le bâtiment repeint.





Ci-dessous, le site en 2020. La rénovation a bien avancé, le moulin possédant désormais une nouvelle toiture. Une nouvelle entrée en briques a également été construite juste devant l’entrée «historique» du moulin.



Ci-dessous deux vues street view datant de 2021 :



Enfin, la vue ci-dessous montre le site en 2022. On peut remarquer que si le moulin a bien été rénové, le site semble pourtant de nouveau à l’abandon : la végétation commence à pousser sur le terrain et la porte de la nouvelle entrée semble fermée. Quel sera le futur du lieu ? A suivre…