Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Voici un lieu que j’avais hâte de visiter. Voyant passer cette ancienne rotonde depuis de nombreuses années sur mes réseaux, c’est à l’occasion d’un road trip que je pus enfin l'explorer par moi-même.

Cette immense structure en béton armé m’avait tapé dans l’œil. Il y avait là quelque chose qui me rappelait mes premières explorations au début des années deux mille : un lieu vide, quelques tags (mais pas trop) du lierre, rien à voler, rien à casser... Un lieu assez «simple» finalement, qui peut se visiter en quinze minutes chrono, mais quand on aime ce genre d’architecture à l’abandon on a envie d’y rester longtemps. On s’y sent bien. Et on a envie de lui faire honneur en la documentant de façon détaillée, afin d’en garder une belle trace si jamais elle venait à disparaitre.

Après s’être garés (un peu trop) loin de l’objectif, et après un léger détour par la forêt qui nous vaut quelques piqûres d’orties et des chaussures bien boueuses, la massive structure en béton apparait à travers les arbres. Aude et moi entrons silencieusement dans l’ancienne rotonde, et c’est un émerveillement, après avoir croisé de «vrais» arbres, de découvrir cette majestueuse forêt de piliers de bétons. La météo étant capricieuse ce jour-là, c’est un vrai refuge que nous trouvons en pénétrant dans la massive structure. Un refuge où nous resterons un petit moment.

Ci-dessous une première série de photo présentant l’architecture atypique du lieu. Wikipédia : «Une rotonde ferroviaire est une construction de forme annulaire servant au remisage des locomotives. Elle est desservie par un pont tournant ou une plaque tournante pour les premiers modèles.» Ce lieu étant à l’abandon depuis presque 70 ans au moment de cette visite, la plaque tournante est complètement invisible, recouverte par la végétation. Nous la verrons plus loin via des vues aériennes.



















Ci-dessous, des photos des tranchées sur lesquelles les locomotives étaient amenées pour être entretenues. J’avais déjà vu passer des photos de ce lieu en hiver ou automne, et le jour de ma visite je suis ravi de découvrir tout ce lierre. Est-ce qu’un jour j’arriverai à me lasser du mélange entre la végétation et la pierre ? Probablement pas. Du vert, du gris sombre, et pour parfaire le tableau, un tapis de feuilles mortes brunes. Toute la beauté des lieux abandonnés en quelques photos.











Ci-dessous quelques autres points de vue de la grande salle annulaire. Détail qui a son importance : la rotonde est située à 300 mètres d’une voie de chemin de fer toujours en activité. Ainsi, durant toute la visite, Aude et moi avons entendu des trains passer à rapide allure tandis que nous documentions le lieu. La rotonde étant inutilisée depuis longtemps, c’est comme si les locomotives qui étaient entretenues ici continuaient à faire entendre leur son, mais de manière «fantôme»... Une sensation impressionnante au possible, typiquement le genre de chose qui ne rend rien en photo ou en vidéo. Il faut être sur place pour le vivre.

















Une grande salle rectangulaire est accolée à la salle annulaire. Avant de m’y rendre je fais un petit tour par une petite salle intermédiaire relativement sombre (comparée au reste du site). Ici aussi, les points de vue sont intéressants, mention spéciale pour le trou dans le mur de briques, on ne peut plus photogénique, avec le lierre autour. Quelle chance d’être venu un moment où la végétation est à son maximum !















Quelques pas plus loin, me voici dans la grande salle rectangulaire. Si elle ne possède pas le charisme évident et immédiat de la salle annulaire, cet endroit de la rotonde est pourtant très beau aussi. A commencer par la présence des arbres, qui sont les rois ici, mais aussi par les curieux anneaux de béton fixés au plafond, donc l’utilité m’est inconnue. Déambulant dans cette cathédrale de béton, je m’estime chanceux d’être venu ce jour-là documenter cette belle ruine.




























Ci-dessous quelques photos des petites pièces sombres accessibles via la salle rectangulaire. Le lieu étant à l’abandon depuis presque 70 ans, et complètement vide, il est difficile de s’imaginer ce qui se passait ici, et c’est ce mystère qui donne un charme fou à ce lieu, que j’ai pris beaucoup de plaisir à documenter.









Ci-dessous une vidéo réalisée sur place avec le drone. Musique : Lone Runner

 

La rotonde ferroviaire présentée sur cette page est située à 1.5km d’une gare toujours active. Le bâtiment fut construit dans les années 30 dans le cadre de la ligne Maginot, remplaçant un ancien bâtiment qui était à priori une simple annexe. Durant cette période six à sept locomotives y étaient entretenues pour la desserte des lignes locales.

Dès 1939 l’effectif du dépôt passe à une quarantaine de locomotives. Toutes n’étaient évidemment pas situées dans la rotonde (probablement à côté ?). Le site devient alors un lieu stratégique pour l'acheminement des troupes Allemandes vers la France occupée. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale le dépôt repasse à six ou sept locomotives, servant juste de point de relais pour les engins de passage, puis ferme ses portes en 1956. Ci-dessous des vues aériennes montrant le site en activité en 1935, 1945, 1946 et 1950.







Ci-dessous, un texte de Vincent, qui connaît bien le sujet ferroviaire. Merci à lui !


La rotonde est le bâtiment restant d’une installation complète, le Dépôt. C’est une installation conçue pour entretenir et remiser les locomotives à vapeur. La locomotive à vapeur était d’une technologie assez efficace en termes de rendement… Mais pas du tout en termes «d’à côté». Elle nécessite de nombreuses heures de maintenance, donc d’immobilisation de personnel et d’installations, contrairement à une locomotive électrique ou diesel où on fait «on/off». Et pour cela, on avait donc des Dépôts.

Tous les dépôts ont un fonctionnement et une disposition similaire, adaptée à leur effectif d’engins. On voit sur les photos aériennes les plus anciennes qu’il y avait 2 ponts tournants : il y avait (à gauche sur la photo) une rotonde extérieure (donc juste des voies autour d’un pont tournant), une rotonde intérieure, et à droite le grill, plus quelques bâtiments annexes et administratifs.

Les locomotives rentrent sur le grill (ensemble de quelques voies parallèles), l’équipe de conduite (le mécanicien, celui qui conduit + le chauffeur, celui qui chauffe, qui pellette le charbon), la laissent au personnel sédentaire du dépôt. Ils vont à «la feuille», le bureau de commande où ils prennent et terminent leur service, puis au «foyer», le dortoir où ils peuvent dormir si ils sont «hors résidence». Le grill sert à trier les locos, faire le minimum de maintenance (graissage…), le plein de charbon, d’eau et si tout est ok la loco est remise sur une voie de départ pour le prochain train (avec éventuellement passage par la plaque pour demi-tour selon l’orientation du train à faire).

Si il faut un peu plus de maintenance, direction la rotonde, avec les voies sur fosse (ce que tu appelles les tranchées), là on fait de la maintenance préventive (même si à l’époque on appelle pas encore ça comme ça !), en gardant les locomotives chaudes (donc feu actif, sous pression). On va faire des opérations simples qui durent quelques heures seulement. Ça fume, c’est pénible, la forme de la toiture est faite pour évacuer les fumées (mais il y a aussi des espèces d’entonnoir inversés avec aspiration) et pour faire rentrer le max de lumière.

Si il faut faire de plus grosses interventions, on «tombe le feu» et on rentre la loc dans le hall derrière, pour des opérations qui peuvent durer plusieurs jours. Dans les plus gros dépôts, il y a même un véritable atelier séparé, de grande dimension, qui peut assurer le démontage complet des locomotives, pour des opérations qui durent jusqu’à plusieurs mois, les Grandes Révisions Générales, qui redonnent une seconde vie aux engins.

Les supports en béton qu’on voit sur les photos devaient servir à tenir une ligne électrique HT qui devait probablement alimenter les outils de levage, tours, etc. Si la loc doit être inutilisée un bon moment, froide ou chaude, on l’envoie sur la rotonde extérieure. C’est là aussi qu’on va stocker des locs radiées (qui ont terminé leur carrière), en attente de ferraillage, etc.

L’effectif d’un dépôt est théorique. C’est un peu comme les ports d’attache. Bien sûr que les 40 locs de notre dépôt ne tiennent pas toutes dans la rotonde (même si en pratique grill + 2 plaques doivent bien permettre de stationner 40 locs), parce que beaucoup sont en ligne ! Un dépôt a son effectif : ses locs, le personnel de conduite + personnel d’atelier + personnel administratif. Les locs roulent, admettons pour un effectif de 40 machines qu’il y en ait 25 en ligne, il y en a 5 sur le grill qui viennent de rentrer où vont repartir, 8 en maintenance dans cette fameuse rotonde et 2 en panne sur la rotonde extérieure. Mais il y a aussi les locs d’autres dépôts qui sont là en transit à l’instant t, et qui vont repartir vite, sauf si panne conséquente, auquel cas se pose la question de savoir si on répare sur place ou si on se débrouille pour rapatrier la loc dans son dépôt d’affectation.

Aujourd’hui on a pratiquement plus de rotondes parce qu’on a beaucoup moins besoin d’installations de maintenance (les locs tournent tout le temps) et pour le trafic voyageur on utilise des rames et quasiment plus d’ensemble loc + voitures, donc le système de plaque tournante est devenu inadapté. On veut des sites de remisage / maintenance tout en longueur et les derniers dépôts avec plaque tournante et rotonde sont menacés !


Ci-dessous des vues aériennes allant de 1967 à 2020, et montrant le site inutilisé :























Ci-dessous des photos faites au drone :