Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Cela devait faire quatre ou cinq années que j’avais ce lieu sur ma carte. C’est lors d’un road trip avec des camarades d’exploration (Cafarnaom et Guillaume) que j’eus l’occasion de le voir de plus près. Sur Google Maps et Street View le site ressemblait à n’importe quelle grande maison à l’abandon. Seule information en ma connaissance : on m’avait dit que c’était un ancien orphelinat. La suite (je parle de l'histoire en fin de page) allait me montrer que ce n’était pas exactement le cas.

Après avoir repéré un accès plutôt facile, nous découvrons un terrain visiblement bien en friche, avec tout de même quelques chemins entre les arbres qui indiquent que des gens viennent de temps en temps. Probablement les jeunes du coin, vu les tags. La première photo que je prends est celle d’un escalier extérieur bien rouillé, diablement photogénique. Celui-ci mène à un bâtiment moderne sans grand intérêt, dans lequel je ne prendrais aucune photo.

Quelques pas plus tard, nous voici dans le bâtiment principal. Une chose est sûre avec tous ces tags et ces dégradations : le lieu est bel et bien abandonné, et ce depuis un petit bout de temps. Après recherches, Cafarnaom nous informe que le site n’est plus actif depuis 1994. Trente ans d’abandon au moment de notre visite. Prudemment, nous parcourons les vastes espaces qui s’offrent à nous. Le parquet manquant par endroit, il serait très facile de se fouler la cheville... La météo étant particulièrement belle, beaucoup de pièce sont teintées d’une lueur verte (merci la végétation) donnant un caractère poétique et serein à ce décor apocalyptique.

Au fil de la visite je remarque que, même si la Mairie a installé une nouvelle toiture (à la suite d’un incendie dans les années quatre-vingt) le bâtiment a subi de nombreux dégâts. En témoigne un escalier complètement effondré et de nombreuses pièces où le plancher fait réellement peur. Au détour d’un couloir, un curieux trampoline Gymnova «Educ’Gym» traîne encore là, tout comme quelques meubles ou objets oubliés ici depuis des années. Un trampoline qui donne une couleur particulière au lieu.



































Revenant sur mes pas j’arrive au pied d’un autre escalier (en bon état, lui) me permettant de monter à l’étage. A ce niveau du bâtiment, l’exploration se fait de façon encore plus lente que d’habitude vu l’état du plancher dans certaines pièces. C’est vraiment à pas de fourmi que je prends une photo de la grande pièce au plancher effondré, aperçue depuis le rez-de-chaussée.





Au sol je tombe sur un vieux magazine, ouvert à la page d’une publicité pour une marque de tondeuse «John Deere». Le texte dit «Mais où sont les brins d’herbe ?» ce à quoi je réponds dans ma tête «Mais où sont aujourd’hui les personnes ayant vécu ici ?» Une recherche ultérieure nous apprendra qu’ils sont toujours en contact via un groupe Facebook, et se lamentent de l’état déplorable du lieu. Qu’il doit être triste de savoir qu’un lieu dans lequel on a vécu soit aujourd’hui une ruine, sans que la Mairie ne fasse rien ou si peu (une nouvelle toiture à priori installée à la fin des années 80).

Ci-dessous d’autres photos prises à l’étage. En voyant l’état du rez-de-chaussée je ne pensais pas qu’il resterait grand-chose dans ce lieu, et c’est donc une jolie surprise que de tomber sur ces deux lits. L’un deux porte un autocollant «BAGHDAD Ishtar Sheraton Hotel et Casino». Un hôtel qui existe toujours ! (Wikipédia)









La visite du premier étage se termine avec le retour à l’escalier qui m’a permis d’y accéder. A partir d’ici il y a un autre niveau à explorer : les combles, situés sous la toiture installée à la fin des années 80. Mais l’état de l’escalier est si dangereux que je n’y monte pas. Bien trop dangereux ! Je redescends et me dirige vers le prochain objectif : un bâtiment plus moderne situé juste à côté de celui que je viens d’explorer.

Quand j’avais inspecté il y a quelques années de ça le site en vue aérienne j’avais vu qu’il y avait un bâtiment principal et deux autres, plus petits, situés de part et d’autre. Le premier (sans grand intérêt) est celui dont j’ai pris en photo l’escalier en colimaçon rouillé au tout début de cette page.

Le deuxième, en revanche, est vraiment chouette. Quelle était son utilité? Des chambres à l’étage et des classes (du moins, ce qui ressemble à des classes) au rez-de-chaussée. La lumière étant bien présente ici, on trouve de sympathiques points de vue avec le lierre qui s’infiltre un peu partout, en particulier dans la dernière pièce. Ci-dessous des photos de ce deuxième bâtiment :

































Une fois la visite de ce deuxième bâtiment terminée, je remarque qu’une des fenêtres de la dernière salle (celle recouverte de lierre) me permet d’accéder à un toit-terrasse. Le site étant envahi par la végétation (une vraie forêt) il est impossible d’avoir une vue d’ensemble sur ce que nous sommes venus explorer. Cependant, je me pose une question : le toit-terrasse sur lequel je me trouve ne semble pas faire partie du bâtiment que je viens de visiter... Me penchant légèrement par le rebord je constate que je suis au-dessus d’une sorte de gros bloc de béton. Y’a-t-il quelque chose à l’intérieur ? La chaufferie ? Ça semble bien trop grand pour être ça.

Une fois redescendu je croise Cafarnaom et Guillaume et leur dit que je vais inspecter ce qu’il y a dans ce fameux «bloc» sur lequel j’étais tout à l’heure. Mes camarades d’exploration me suivent, et quelle n’est pas notre surprise quand nous découvrons ce qui semblait être l’appartement de fonction de l’ancien directeur ou directrice. A ce stade je ne suis pas entièrement sûr de ce que nous sommes venus visiter, mais une chose est certaine : c’est beau ! Ci-dessous des photos :











Une vaste pièce au plafond haut, un bel escalier, des rideaux toujours présents, une cheminée… Voilà un logement de fonction qui devait avoir un sacré look quand le site fonctionnait ! J’imagine qu’à travers les vastes ouvertures on devait avoir une très jolie sur le parc, parc qui est à présent une véritable jungle.

Notre visite se déroulant en été, la lumière doit être plutôt jolie en automne ou en hiver. Ça doit être moins sombre. En tout cas voilà quelque chose que nous ne pensions pas du tout voir en venant ici. Ci-dessous, d’autres photos du logement : cuisine, chambre, salle de bain… Tout est dans un état déplorable comme le reste du site, mais c’est très souvent comme ça dans l’exploration urbaine.





















Y’a-t-il encore des choses à visiter ? Guillaume m’informe qu’il y a quelque chose de sympa à voir dans la cave située sous le bâtiment visité quelques minutes auparavant. M’y rendant je découvre une sorte de «salle des jeunes» (d’époque) où l’on écoutait de la musique, lisait des livres ou des bds, bref une pièce de liberté comme j’en ai déjà vu dans d’autres lieux.







Une heure et quarante minutes que nous sommes sur place et la fatigue se fait un peu sentir. C’est en traînant les pieds que je me dirige alors vers la façade du bâtiment principal. Sur la vue Street View (datant de 2016) on voyait bien l’ensemble. Là, en 2024, difficile de voir grand-chose... La vieille bâtisse semble vouloir se cacher, rester à l’abri des curieux. Quand on connait sa situation géographique (en pleine ville, pile entre deux jolies habitations) c’est étonnant de se dire que rien n’est fait pour réhabiliter ce lieu, voire tout simplement le démolir et construire autre chose. Question de budget j’imagine, comme souvent. Visite terminée !



Concernant l’histoire du lieu, le bâtiment principal fut construit à la fin du XVIIIème siècle. Pour des raisons de sécurité je ne peux pas dire précisément qui l'a fait construire ni les différents propriétaires qui l'habitèrent, mais il fut visité par Georges Clémenceau à la fin de la Première Guerre Mondiale. Une photo le montre constatant les dégâts causés par un obus sur un des murs du bâtiment.

Par la suite, la bâtisse abrite le bureau de deux architectes, bientôt rejoints par un troisième autour d'un projet : faire du lieu un restaurant hôtel de luxe. L'établissement fonctionnera des années 30 jusqu'à la fin des années 50, période où le site deviendra un internat. A ce moment-là le bâtiment est largement transformé. Ci-dessous deux vues aériennes datant de 1978. Le bâtiment principal est en orange. Celui des classes est en vert, et le logement du directeur est en jaune. On remarque un très beau jardin, devenu une vraie jungle lors de ma visite en 2024.



Ci-dessous une vue aérienne datant de 1984. On remarque qu'entre 1978 et 1984 un nouveau bâtiment est apparu (en bleu sur l'image). C'est celui comportant l'escalier en colimaçon rouillé, et que je n'ai pas documenté. Un autre évènement a lieu entre 1978 et 1984 : un incendie dans le bâtiment principal coute la mort à trois pensionnaires et un moniteur. Est-ce que le grand trou dans le plancher au premier étage est un des restes de cet incendie ? Je ne sais pas. En tout cas l'internat ne se remettra jamais de ce drame.

Après l'incendie, le site continue de fonctionner, mais sous un autre nom, et avec une vocation différente. Est-ce toujours un internat à cette époque ? Aucune idée. Ci-dessous, une vue aérienne datant de 1990. On remarque que la toiture (sombre en 1984, ci-dessus) semble avoir été changée comparée à celle de 1994 (plus claire, ci-dessous). Quatre années après la prise de cette photo, le site ferme ses portes.

Les photos ci-dessous montrent le site en 2014, 2016, 2018, 2020 et 2021. Sans surprise, on remarque que la végétation se développe à vitesse grand V, ce qui donne lors de ma visite en 2024 un site presque invisible depuis la rue. Quel sera l'avenir de ce lieu ? A suivre...