Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Voici un lieu visité deux fois : une première fois en 2017, et une seconde en 2025. Le texte de la première visite (ci-dessous) est une version retravaillée de celle figurant dans mon livre «Urbex Europe» (2019) dans laquelle elle fut publiée.

PREMIERE VISITE : 27 Décembre 2017

Faire de l’exploration urbaine dans un grand parc public, ça, je ne l’avais jamais expérimenté. C’est sans doute l’étrangeté de la situation - mais aussi fortement ce qu’il y avait à explorer - qui m’a incité à faire le déplacement. Pour atteindre le parc en question je dois prendre une route à l’est de la capitale d’un pays scandinave et rouler une bonne trentaine de minutes. Je repère une zone pavillonnaire juste à côté du parc : parfait pour se garer. D’après mon plan, je n’ai qu’à marcher un petit quart d’heure, traverser un canal via un petit pont, puis chercher un accès le plus proche possible du bâtiment…

Très vite, je l’aperçois. Avançant dans l’allée centrale du parc comme n’importe quel promeneur je suis fasciné de voir sa silhouette se préciser au fur et à mesure. Une silhouette étrange, massive, avec un joli donjon dominant le tout. Mais ce «tout» semble soit abandonné soit inachevé. Et si c’était les deux ? J’ai déjà vu ça pour quelques lieux d’habitation en Espagne ou au Portugal.

Une fois face à la grille qui ceinture le site, pas d’autre choix que de l’escalader. Une opération habituellement tout à fait banale mais qui dans ce parc, sous le regard des deux ou trois badauds rencontrés, n’est pas vraiment rassurante. Et si l’un d’eux me voyait et me dénonçait ? Je laisse passer quelques minutes pour être sûr qu’il n’ y a personne dans les environs... Au bout d’un moment, je me décide, mais à peine ai-je posé la main sur la grille qu’une lumière sur ma droite attire mon attention : des phares de voiture, à une centaine de mètres ! Cette journée étant particulièrement grise, l’effet est saisissant. La couleur de la voiture ? Blanche. Avec «Politie» écrit sur le capot.

Mon rythme cardiaque augmente au fur et à mesure qu’elle avance vers moi. Mon trépied photo à la main, je sors mon smartphone et fais mine de regarder quelque chose sur Internet en me disant que la voiture va s’arrêter puis que les deux policiers vont en sortir et me demander ce que je fais là. Etant habillé de vêtements discrets avec un trépied d’appareil photo à la main, ils vont deviner que je suis là pour le château. Ils vont me contrôler, rester avec moi ou m’embarquer, bref mon exploration tombe à l’eau…

Mais à ma grande surprise, ça ne se passe pas comme ça : la voiture de Police poursuit sa route lentement, traverse le pont, puis disparait sur la droite. A un moment je me dis que la voiture va s’arrêter et que les policiers vont venir me contrôler : il n’en est rien ! Pourquoi ne se sont-ils pas arrêtés pour me demander ce que je faisais là ? Aucune idée. Mais c’est lorsque le véhicule de Police est assez loin (environ deux cents mètres) que je me dis que je n’aurais pas de deuxième chance : bondissant sur la grille, je l’escalade rapidement et me laisse atterrir en douceur dans l’enceinte du château, qui reste tout de même à 250 mètres de moi. En temps normal, sur un chemin de randonnée, ça se fait facilement. Là, au milieu des roseaux pourris, des ronces et autres petits arbustes, c’est un peu plus compliqué. Mais au moins là-dedans personne ne me voit, et ça c’est chouette. Ci-dessous un aperçu du paysage :

Au fur et à mesure de ma progression dans la zone en friche, je réalise que le château est bel et bien inachevé, et à l’abandon. Il y a de quoi être surpris devant ce paquebot de béton qui me fait penser à un vaisseau spatial avec cette insolite structure métallique. Le «donjon» est intriguant lui aussi…



Mes pas me mènent jusqu’au chemin ceinturant l’édifice, et, m’apprêtant à me diriger tranquillement vers le château, j’aperçois sur ma droite une petite bicoque située non loin du château : de la fumée en sort. Un gardien vit-il sur place à demeure ? Peut-être bien. Après quelques secondes de réflexion (y’a-t-il quelqu’un dans cette bicoque ? si oui, est-ce que ce quelqu’un regarde dans ma direction ?) je cours vers ce qui me semble être l’accès le moins voyant et je me retrouve face à un fossé : un château sans douves ne serait pas un vrai château !

Est-ce profond ? Par chance non, pas beaucoup, l’eau s’arrête pile au niveau de mes mollets. Je me félicite intérieurement d’avoir mis des bottes ce jour-là. Pour autant, si les bottes permettent de tranquillement marcher dans l’eau, pour escalader la paroi menant au rez-de-chaussée du château c’est une autre histoire. Une histoire glissante qui heureusement pour moi ne se termine pas les fesses dans l’eau. Quelques instants plus tard, je peux respirer : me voici dans le château… Ci-dessous le dessin de ce moment dans mon livre «Urbex Europe» :

Ma découverte de la cour du château et des salles qui l’entourent est rythmée par le son des gouttes d’eau qui tombent dans les grandes flaques inondant le sol. Une musique naturelle pas déplaisante qui m’apaise. A ce moment, ma rencontre avec la voiture de Police semble si lointaine alors qu’elle s’est déroulée il y a à peine vingt minutes.

Bien à l’abri dans le château, je constate que si quelqu’un entrer à l’intérieur il n’aurait d’autre choix que de passer (comme je l’ai fait) par les douves. De quoi respirer : si personne ne m’a vu entrer ou ne me voit, je suis tranquille pour un petit moment. Je commence donc à documenter les murs de béton brut, noircis par endroits, les parpaings apparents ou couverts d’un parement de briques. Les fenêtres et les portes sont des trous béants sauf quand quelques encadrements de bois ont été mis en place. Des toitures, il ne subsiste que les armatures en métal, elles aussi inachevées. Le lieu est assez surréaliste et surtout gigantesque. C’est si fou cette immense carcasse en béton armé... Jetant un coup d’œil au donjon, je me dis que la vue doit être sympa de là-haut. En route !















Je trouve facilement les escaliers menant au sommet. A peine sortis du moule, pourrait-on dire, sans garde-corps, excepté des planches de bois maladroitement posées en guise de rampes. Même si je sujet au vertige tout cela à l’air bien solide, alors je me lance à l’assaut des marches... En chemin je me pose des questions sur la fonction du bâtiment : folie architecturale ? Complexe hôtelier ? Les deux ? L’alignement des fenêtres pourrait y faire penser. Mais surtout pourquoi le projet est-il (visiblement) tombé à l’eau ? J’effectuerais des recherches plus tard.



Plus que quelques marches et me voici au sommet du donjon, qui fait penser à une espèce de poste d’observation avec ces baies vitrées à pans inclinés. Il ne manque plus que des longues-vues panoramiques pour scruter le paysage. Malgré la saison et la météo du jour, c’est magnifique, et si à ce moment de ma visite je ne connais pas la fonction de ce complexe architectural, je comprends le choix de son emplacement. De là-haut, on peut admirer le parc où se dessine un paysage tout en perspectives, où les pelouses, les arbres et les allées sont traversées par un cours d’eau. Après la vision futuriste de la cour du rez-de-chaussée, le lieu prend un air de château en carton-pâte autour duquel on aurait dessiné des parterres comme à Versailles, enfin presque.











Ma visite étant terminée, je réalise quelques clichés en quittant les lieux, et prends même le temps de poser dans les broussailles avec le retardateur. Retournant à la grille que j’ai escaladé tout au début, je l’escalade, regarde longuement à gauche et à droite s’il n’y a personne, redescends, puis traverse le petit pont de bois et retourne sereinement à ma voiture, tout cela sans croiser celle de la Police. Mission accomplie !











Quelle est l’histoire de ce curieux château ? Tout commence en l’an 1999 quand un promoteur décide de faire construire au milieu du parc la réplique d’un château Belge du XIIIème siècle. Les travaux débutent en l’an 2000 et s’arrêtent deux années plus tard, les coûts de construction ayant doublé (matériaux, mains d’œuvre etc). Il semble que le site devait devenir un hôtel de luxe ainsi qu’un lieu de mariage.

Trois années plus tard, en 2005, le projet est racheté par une entreprise privée. Mais pour rendre cela possible il faut modifier le plan local d’urbanisme, ce que la Mairie refuse de faire durant trois années de batailles administratives. En 2008, le projet d’hôtel de luxe / lieu de mariage (re)tombe à l’eau. Nous arrivons à 2013, où un nouveau projet voit le jour : un parc d’attraction, dont le château serait la vedette. Mais faute de réel financement, tout tombe (encore) à l’eau en 2018. Depuis, le château est toujours là, attendant son prince (ou sa princesse) charmant(e)…

DEUXIEME VISITE : 10 Juin 2025

Quel différence entre explorer le site seul en 2017, et à trois durant l’été 2025, en compagnie d’Aude et Guillaume ! Moins de stress, une (bien) meilleure lumière, et l’occasion d’explorer un peu plus en profondeur ce site si particulier… Détail qui n’en est pas un : cette fois-ci j’avais un objectif grand angle, et surtout un drone. Mais commençons par une série de photos prises un peu partout dans le château - à l’exception du sommet du donjon, où je n’ai pas osé monter. (Astuce : quand on ne le sent pas, il ne faut pas se forcer.)







































En 2017 j’avais «juste» exploré le rez-de-chaussée au château ainsi que ses étages. Huit années plus tard je me suis hasardé (sans grande motivation) à explorer le sous-sol du château. Je m’attendais à trouver un simple vide sanitaire… Quelle ne fut pas ma surprise d’y découvrir une piscine et deux emplacements pour des jacuzzis ! Dire que toutes ces années je pensais qu’il n’y avait rien de spécial sous la cour intérieure, quelle vision que de découvrir cette piscine ! Ci-dessous des photos du sous-sol :













Après être sortis, le clou de cette visite fut de sortir le drone et de pouvoir (enfin) immortaliser ce site si photogénique. Pouvoir faire ça depuis le parc, en toute légalité, quel beau moment photographique, avec cette jolie lumière de fin de journée… Je n’aurais pas pu rêver mieux. Ci-dessous le château vu depuis les airs :