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Nous sommes le week-end du 25/26 Mai 2019. A ce moment-là je suis en vacances en Bourgogne, chez un ami d’enfance. Ayant déjà visité quelques lieux à l’abandon avec lui depuis la fin des années 90, je lui propose d’aller explorer un ou deux sites pas trop loin de sa maison de campagne. L’un de ceux sur ma carte me donne envie depuis quelques temps. Je n’en ai vu que quatre photos sur Facebook, et ce qui m’intéresse c’est qu’il ne ressemble à aucun autre : il s’agit d’un musée archéologique plutôt moderne (comparé à d’autres lieux) dans lequel on peut voir des choses n’existant pas ailleurs. Cette originalité me plait, c’est exactement ce qui peut me motiver à venir explorer un lieu à l’abandon, quelle que soit sa taille, quelle que soit son potentiel photogénique etc. Remarque : ce musée est un des dix lieux «inédits» placés dans mon livre «Glauque-Land» sorti en 2023. Inédit dans le sens «ne figurant pas sur ce site». Mais comme le lieu est aujourd’hui démoli, il me semble logique de lui rendre hommage ici. Voici le compte-rendu de ma visite de 2019, figurant (de manière bien plus succincte) dans mon livre «Glauque-Land». De quoi parlons-nous exactement ? De «L’Archéodrome de Beaune». Son emplacement ? Sur une aire de l’autoroute A6. A notre arrivée, une fois garés, nous pourrions très bien entrer par cette porte ouverte nous tendant les bras, mais je décide de faire un petit détour et de passer par le petit bois situé derrière le musée. Le temps de ce petit crochet nous perdons certes quelques minutes, mais au moins personne ne nous verra entrer de façon trop voyante. De quoi visiter le lieu sereinement sans craindre l’arrivée des forces de l’ordre. Avancement lentement, nous constatons que tout est en friche : chemins à moitié effacés par les herbes hautes, structures à l’abandon… Une mare semble perdue au milieu de nulle part, et que sont ces sortes de tranchées surélevées ? Pour le moment je n’en ai aucune idée, mais la réponse viendra plus tard. Une dizaine de mètres plus loin nous tombons sur le bâtiment censé représenter un «Fanum» (Sanctuaire Romain). Curieuse impression d'être face à ces «ruines modernes» qui dans le passé étaient de reconstitutions de bâtiments Antiques. Ci-dessous des photos de cette première entrée en la matière : |
Progressant vers le musée, nous sommes de plus en plus convaincus que celui-ci est complètement à l’abandon, mais surtout, non surveillé. A priori personne ne viendra nous déranger. Approchant de l’entrée du bâtiment principal, je distingue un panneau un peu livré à lui-même au milieu de la végétation qui a poussé ici. On peut y lire : «STIMULI (Aiguillons) Pièces de pierre pointues fichées sur des morceaux de bois dissimulées dans la terre». Sympa comme piège ! |
Quelques mètres plus loin nous poussons la porte vue plus tôt, et découvrons un couloir assez sombre. A droite, il mène au bâtiment central. Nous décidons de prendre sur la gauche pour d’abord découvrir la reconstitution d’un tumulus. Qu’est-ce qu’un tumulus ? Réponse de Wikipédia : «Un tumulus désigne, en archéologie, une éminence artificielle, de forme diverse, recouvrant une sépulture.» Ainsi, dans l’obscurité quasi-totale, nous découvrons effectivement la reconstitution d’une tombe. Qui devait sûrement être un peu éclairée quand le musée était actif. Mais ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est d’y découvrir le cadavre (faux évidemment) d’un ancien chef Gaulois ! Est-ce que le personnage était habillé d’habits traditionnels, avec des accessoires (épée, bouclier etc) ? Je ne sais pas, mais une chose est sûre : ce personnage allongé avec son visage réaliste et les ossements à côté de lui peuvent faire très peur. Les photos ci-dessous ne furent pas prises sans une légère crainte que l’ancien chef Gaulois ne se réveille, furieux que j’ai dérangé son sommeil éternel… |
Une fois la visite du tumulus terminé, nous nous dirigeons vers le bâtiment central, sorte de hub permettant d’accéder à différentes parties du musée. Ce hub contient lui-même de nombreuses informations, aujourd’hui un peu éparpillées ici et là. J’aime beaucoup l’architecture de cet endroit du musée, qui conviendrait parfaitement pour une sorte de remake néolithique de Jurassic Park. On imagine bien les visiteurs se promener, et découvrir, paniqués, des hommes préhistoriques reconstitués. Ci-dessous des photos : |
Dans le hub central je découvre une maquette. De ce que j’ai pu comprendre il s’agirait d’un ancien village gaulois fortifié. Je ne sais pas à quoi ressemblait la maquette du temps où le musée était actif, mais aujourd’hui elle fait peine à voir. De près on peut tout de même apercevoir plein de petits détails sympathiques, comme des personnages sommairement modelés, ou des échafaudages. |
Flânant dans le hub, je prends en photo différentes choses moins liées à l’architecture du lieu, et plus à la «vie» du musée : panneau signalétiques, plan d’évacuation, consignes de sécurité, et même une jolie carte, collée à même le sol, sur laquelle les visiteurs passaient en évoluant dans le musée. |
Un peu plus loin nous découvrons la reconstitution d’un jardin d’une villa gallo-romaine (qui furent «également appréciés par les Gaulois» comme le dit le panneau signalétique). La liste des essences présentes est tout à fait charmante : chêne pédoncule, olivier, myrte, cyprès de Provence, laurier, romarin, pervenche… Tout un univers de parfums ! Quelques pas plus loin, nouvelle reconstitution : un cimetière gallo-romain. La végétation ayant tout envahi, il est malheureusement impossible de le voir : |
Rebroussant chemin, nous revenons vers le hub, qui nous permet de découvrir l’accueil général où les visiteurs achetaient leurs billets d’entrée. Vu l’emplacement du lieu (sur une aire d’autoroute) je pensais découvrir de nombreux tags et autres dégradations, mais il n’en est rien ici. On peut tout à fait se figurer ce qui se passait dans cette pièce, et en voyant le mur de moniteurs installé au mur, je me demande s’il n’y a pas de vieilles vhs qui trainent, montrant le musée lorsqu’il était actif. Vieux téléphones, caisse enregistreuse, documents, tourniquets, tout est encore là ! |
Juste à côté, quelques marches plus bas, nous découvrons ce qui était apparemment l’ancienne buvette/restaurant. La pièce n’a pas grand-chose d’intéressant, cependant c’est amusant de voir que les décorations sont toujours là : faux marbre, fausses mosaïques, tout pour se mettre dans l’ambiance de ce que les visiteurs découvriront un peu plus loin. L’espace d’un instant je pense au Parc Astérix avec ses plats et boissons à thème (sanglier burger, bière gauloise etc) et me demande s’il y avait à peu près la même chose ici. |
La visite est-elle terminée ? Pas encore. Poussant une porte, nous découvrons un nouveau bâtiment, menant à une salle de projection, où devaient certainement être diffusés des documentaires. Ce qui est surprenant ici (encore plus que pour l’accueil) c’est que tout est dans un état absolument impeccable. Aucun tag, aucune dégradation, comme si on pouvait projeter un film aujourd’hui ! Ci-dessous des photos de cette partie du musée : |
La visite est cette fois terminée. Enfin, presque, car nous profitons du temps que nous avons devant nous pour déambuler dans les locaux de service ou administratifs du musée. Nous y trouvons bien sûr de nombreux documents en vrac, mais également des prospectus. |
Alors que je consulte un des prospectus montrant le lieu quand il était actif, j’ai un flash, comme si je reconnaissais ce musée… Mais oui, je suis déjà venu ici ! Ces fortifications romaines (les fameuses tranchées vues tout au début de la visite) je les ai vues étant enfant à la fin des années 80, lorsque j’étais venu passer quelques jours chez mon ami, dans sa maison de campagne ! C’est une sensation très étrange que de réaliser que je suis déjà venu dans ce musée que je viens de visiter, et ce, trente années plus tôt. Voyant la vingtaine de prospectus trainant au sol, je ne peux résister : j’en prends un, avec l’idée de le scanner proprement une fois chez moi. Ci-dessous le prospectus en question, décomposé en plusieurs images. Cliquez dessus pour les voir en plus grand. Remarque : sur un des prospectus on peut lire le numéro de téléphone de l’Archéodrome. Celui-ci est à 8 chiffres. Le franc ayant disparu en 2002, le prospectus date donc d’une période située entre 1996 (apparition des numéros à 8 chiffres) et 2002. |
Avant de repartir, nous faisons un petit tour par la réserve du musée, l’occasion d’y découvrir des pots en terre cuites, des maquettes et autres documents. Ressortant par la porte qui nous a mené au tumulus en tout début de visite, nous profitons du beau temps pour contempler ce qui reste de ce l’Archéodrome de Beaune. Rangeant mon matériel dans mon sac à dos, je ne peux m’empêcher d’avoir une sorte de vertige à l’idée que j’avais oublié que j’avais visité cet endroit étant enfant, puis que ce souvenir avait disparu. Jusqu’à aujourd’hui. |
L’Archéodrome de Beaune (ou Beaune-Merceuil) était un ancien «écomusée oppidum archéologique» situé sur l’aire d’autoroute A6 (Beaune-Merceuil) en Côte-d’Or. Ouvert en 1978, il était dédié à la période gauloise de la Bourgogne (de l’âge de fer à l’an mille). Du fait de la forte concurrence des autres musées de la région, le site ferma ses portes en 2005. Histoire complète sur Wikipédia. Ci-dessous le lieu en 1978, année de son ouverture. |
Ci-dessous des vues aériennes allant de 1982 à 1997, lorsque le site était en activité : |
Ci-dessous des vues aériennes allant de 2006 (un an après la fermeture) à 2020 : |
Ci-dessous le site en 2024. Début 2025 la démolition du site fut actée, un article du Bien Public en parle ici. |