Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.


Début d’après-midi, ciel bleu, petit vent frais, un lieu abandonné depuis un bout de temps, rien d’extraordinairement transgressif à la visiter… Toutes les conditions sont réunies pour que cette exploration se passe le mieux possible. L’usine étant beaucoup visitée (tags, airsoft), il va sans dire que je ne trouverais pas sur place d’objets ou de documents intéressants, mais je n’y vais pas pour ça. J’y vais pour la taille de l’usine, pour ses grandes allées, ses verrières, son château d’eau, et, qui sait, quelque chose d’inattendu ?

Une fois sur place, l’accès n’est pas compliqué, et en prime un squelette peint (ou gravé) sur un réservoir rouillé semble me saluer. Le temps de brièvement apercevoir le château d’eau, je file rapidement vers l’intérieur de l’usine afin de ne pas être trop à découvert. Fini le bruit des machines, les cris des ouvriers ou les ronronnements des moteurs : aujourd’hui ce sont d’autres sons qui habitent l’usine. Tôles qui grincent dans le vent, chants d’oiseaux, bruissement d’arbustes sur la toiture endommagée… Je me répète un peu, mais visiter ce genre de lieu est une expérience fascinante tellement tout est calme, serein, paisible et autres synonymes à mille kilomètres du moindre stress.







Si l’usine est en partie très bien éclairée avec toutes ces verrières, certaines parties sont plongées dans l’obscurité. Explorer ces zones n’est pas sans danger ; trous, objets sur lesquels trébucher, avançons lentement, après tout rien ne presse. Par endroits, j’utilise même ma lampe torche, on est jamais trop prudents. Près d’une porte, surprise, je découvre un Jason Voorhees portant une tronçonneuse. Plus loin, contraste absolu, je rencontre Madame Bavarde.














Une fois sorti de ce sombre dédale, je tombe sur une grosse citerne à moitié découpée. Citerne de fioul ? D’eau ? Aucune idée, mais elle est pas mal, je ne savais pas qu’il y aurait ça sur place en venant. Jolie surprise.



Continuant la visite, je découvre une immense pièce contenant deux énormes citernes, similaires à celle vue à l’extérieur, mais pourvues de portes, comme de gros caissons cylindriques. Malgré les tags, l’ensemble est assez photogénique, et même inédit pour moi, car c’est la première fois que je vois ce genre de chose. Juste à coté, au bas d’un mur, un joli personnage bleu est représenté tout en craquelures, comme la texture du mur sur lequel il est peint. Autant je ne suis pas fan de tags, autant là, ça a vraiment sa place, et ça apporte un plus à l’expérience.
















Sortant du bâtiment, je repasse devant la citerne et lève le nez en l’air en me demandant si l’étage vaut le coup. Un escalier rouillé (et très dangereux) permet d’y accéder. En haut, rien de spécial à voir, mais le personnage au fond de la pièce est très réussi, et la vue sur le château d’eau est belle comme tout. La toiture défoncée et ce ciel bleu me rappelle mon exploration de l’Abattoir de la Nausée il y a des années de ça.













Il est alors temps d’aller voir ce château d’eau de plus près. En route, je croise plusieurs panneaux indiquant «ATTENTION PASSAGE DE CHARIOTS». Aujourd’hui, les chariots ne roulent plus dans l’usine, de toute façon il y a tellement de végétation partout qu’ils ne pourraient plus passer. Me promenant sous une verrière, j’arrive au pied du château d’eau. Une échelle permet d’y grimper. Une fois à l’étage, la vue n’est pas aussi folle que je l’aurais pensé. Pour avoir une vue vraiment incroyable il faudra accéder au niveau supérieur et se placer sur son toit, mais on a retiré l’échelle pour d’évidentes raisons de sécurité. Quelque part, c’est pas plus mal.

















La visite continue en se dirigeant vers une large pièce non loin du château d'eau. Une large pièce qui me comble de bonheur car je ne pensais pas du tout tomber sur une aussi belle architecture ici. Une dizaine de piliers en béton armé soutiennent un toit en béton (armé, lui aussi) plutôt massif. Pourquoi le toit est-il aussi solide dans cette partie de l’usine ? Aucune idée, mais la vue est magnifique, surtout avec la lumière du jour. S’il y avait un nom à donner à cette partie de l’usine, ce serait évidemment «la cathédrale».



Juste derrière cette magnifique pièce se trouve une grande halle qui devait servir d’immense entrepôt. Aujourd’hui complètement vide, se promener là-dedans est étrange, comme c’est souvent le cas dans les grands volumes vides. Vides ? Pas tout à fait, car en entrant dans les anciennes toilettes, surprise, un fauteuil roulant !










Regardant par la fenêtre, j’aperçois un joli lampadaire au look presque floral. Il me rappelle un autre lampadaire, aperçu très loin d’ici, en Italie.

La visite continue en se promenant d’halls vides en halls vides…















Petite surprise à un endroit, un boitier électrique marche / arrêt. En position arrêt depuis un bon bout de temps, je le contemple sans y toucher. Et si l’usine se remettait à vivre comme par magie en le remettant en position marche ?

La visite touche presque à sa fin. Je me souviens de la partie très sombre (où j’ai aperçu Jason Voorhees avec une tronçonneuse) et décide de trouver un moyen d’accéder à l’étage de cette zone. Tournant autour du bâtiment, je trouve ce qui autrefois fut un escalier, et y grimpe. Une fois en haut, je découvre une grande salle, pas extraordinaire, pas incroyable, mais où une grande sérénité règne. La lumière fait de belles tâches au sol, et tout autour de nous de nombreux grafs sont visibles. Krusty, Ronald McDonald, du nougat… Très alimentaire tout ça ! Rien de transcendant mais j’aime la vie que procurent ces images dans un lieu en ruines. Me retournant, je découvre un autre graf, mais cette fois-ci plus travaillé que le reste : il s’agit de deux yeux vairons (un bleu, un rouge) situés de part et d’autre d’une grande narine, et d’une bouche presque impossible à voir car elle est juste en-dessous de briques (peintes en vert). J’aime beaucoup la simplicité (et la taille) de cette illustration in-situ. Avec cette lumière, sous cette verrière, les yeux semblent nous regarder. Les yeux de l’usine, figée dans le temps ?











Au moment de redescendre de cette pièce, je regarde encore une fois le beau château d’eau, austère construction grise visuellement superbe entourée de ce ciel bleu et cette végétation tout autour.

Que reste-t-il à voir sur place ? La partie administrative, située à l’opposé de la pièce au yeux vairons. Après quelques minutes de marche pour s’y rendre, je découvre un long couloir desservant de grandes salles, et permettant d’en découvrir d’autres, d’anciens bureaux où l’on peut encore voir de la moquette au mur. Dans une de ces pièces très dégradées trône encore un gros coffre-fort. Un coffre toujours fermé ! Contient-il encore des documents intéressants ? J’en doute, mais le simple fait qu’il soit bien fermé lui confère un charme certain.










La visite étant terminée, je fais machine arrière jusque là par où je suis entré.





Cette usine étant située au bord d’un fleuve, je me suis arrêté pour prendre en photo l’ancien (petit) quai, bien gris et massif comme c’est le cas dans ce genre de lieu. J’imagine que c’est ici que les péniches s’arrêtaient pour amener de la matière première servant à fabriquer… A fabriquer quoi d’ailleurs ? Il n’y a rien dans l’usine qui me dit ce qui y était fabriqué. C’est après une recherche sur Internet que j’ai appris à quoi elle servait, et même si ce lieu est tagué, dévasté et n’est pas à proprement parler un lieu sensible, je préfère ne pas dire ce que l’on y fabriquait pour qu’elle garde un peu de sa (très relative) confidentialité. Et comme ça, ça lui apporte une touche de mystère.









Ci-dessous des photos prises en 2019 :


























Ci-dessous une vidéo faite en 2020. Musique : Lone Runner




Sans dire ce qui y était fabriqué, je peux dire que l’usine fut construite sur le site d’une ancienne usine (dont l’activité était très différente) et ce au début des années 30. Le lieu est donc très ancien. De nombreux bâtiments seront construits du milieu des années 40 jusqu’au milieu des années 60, ce qui explique que certains bâtiments ont l’air plus anciens que d’autres. L’usine fermera pour raisons économiques au début des années 90. Ma visite datant de 2018, le lieu est abandonné depuis un peu plus de 25 ans sur mes photos. La première vue aérienne que j’ai trouvé date de 1946. Bien que d’une qualité assez moyenne, on distingue très bien l’usine et le petit quai au bord du fleuve. Autre détail : on remarque des maisons ouvrières construites juste à coté de l’usine, ainsi qu’un stade de foot.

Sept années plus tard, nous voilà en 1953, avec une vue aérienne tellement belle que je l’ai scindé en deux images : une vue générale du site, avec l’usine (en orange), et un zoom qui montre exclusivement le lieu présenté sur cette page. J’ai colorié les parties emblématiques, de gauche à droite : le petit quai, le château d’eau, la cathédrale, et le lampadaire. Ce qui est en rouge n'existe plus.



Ci-dessous, deux vues intéressantes datant de 1968 et 1971. Pourquoi sont-elles intéressantes ? Parce qu’entre ces deux vues, le tuyau reliant le quai à l’usine disparait. J’imagine que c’est car l’usine trouva un moyen plus efficace de faire venir la matière première à l’usine. En l’absence de documents, c’est dur à dire.



La vue ci-dessous montre l’usine en 1997. Vingt-six ans après la vue de 1971, le stade a disparu, et comme vous l’avez lu un peu plus haut, le site est abandonné depuis quelques années à cette époque.

Ci-dessous, d'autres vues montrant la lente décomposition du lieu de 2000 à 2012.