On m’en avait parlé sous plusieurs noms, «La Maison de Fous, la Maison Bleue», mais ce qui revenait le plus souvent, c’était «l’Asile». Aujourd’hui rasé, on a construit par-dessus, et presque tout du long du chemin qui nous y amenait, des pavillons, forts laids, comme presque à chaque fois. C’était un endroit magique, cette forteresse de béton. J’y suis allé la première fois de nuit, et je n’ai jamais autant eu les chocottes.

De nuit, on n’appréciait pas tant que ça la beauté du lieu, on éprouvait juste pleins de sensations de films d’horreur : la peur de ne pas voir ce qu’il y a devant nous, d’avancer dans l’ombre, d’être le dernier de la file indienne, ou plus simplement, de tomber sur un fantôme, un cadavre, un fou, l’imagination travaille très vite dans ces moments-là. La nuit, la forêt, des craquements, les courants d'air un peu partout qui vous glacent la peau, le sol qui crisse avec tout le bazar par terre, les papiers, les feuilles mortes. Les premières visites furent faites camescope à la main, ci-dessous un montage de trois vidéos tournées le 9 Janvier 2000, le 1er Février 2000 et le 9 Aout 2000. Juste après, des photos faites le 29 Juin 2001.

































Ci-dessous, d'autres photos (argentiques) de 2001.



Ci-dessous, un pochoir des Beatles. Magie des Internets, cette photo a été prise le 29 Juin 2001, et devinez ce qui s'est passé le 1er Mars 2016 ? J'ai reçu un mail d'un certain Guillaume, ravi de revoir des photos de ce lieu, mais surtout, amusé de voir une photo de ces pochoirs... dont il est l'auteur ! Recevoir ce genre de mail 15 ans après, ça fait tout drôle.




Ci-dessous, des photos faites le 16 Aout 2001.





Ci-dessous, à quoi ressemblait le sous-sol du lieu (un vide sanitaire basique, mais assez flippant).


A force d’y aller, de connaître le lieu, on pouvait même se promener dans l’endroit sans lampe, connaissant le chemin, sans avoir peur. Après tout, celui qui se promène avec une lampe est voyant. Si on coupe sa lampe, on devient invisible. Et là, c’est nous qui pouvons faire peur à d’éventuels visiteurs nocturnes.

De jour, c’était différent. Après une montée éprouvante (la fameuse montée des pelerins), on passe devant un premier bâtiment tout petit et banal, destiné au personnel, puis au détour d’un virage, autour d’un immense sapin, on aperçoit alors la silhouette de l’édifice. Bleu, ce bleu ciel partout, rendant tout de suite le lieu un peu moins glauque, et presque poétique en fait. Ci-dessous, une bd faite en 2001, et juste après, des photos faites avec un appareil jetable en 2002. Cliquez sur la bd pour la lire tranquillement en entier sur une autre page.






















Du carrelage partout, assez froid, mais très «amical». Des tags et des grafs partout, comme dans presque tous les endroits abandonnés, et surtout, rien qui ne renseigne sur l’utilisation du bâtiment avant qu’on n’arrive en haut. Je me demande s’il existe des photos de cet endroit quand il était vivant. Ci-dessous un dessin fait en 2001. J'ai dessiné le grand sapin mais pas les autres arbres pour mieux se rendre compte de comment c'était, avec le premier bâtiment, la montée, le deuxième bâtiment...



Ci-dessous, d'autres photos faites les 6 Janvier 2002 et 10 Février 2002.





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D'après ce que je sais, le nom officiel de cet endroit est "Centre de Bois-Maison" ou "Centre Médico-Psychologique de Bois-Maison". L'endroit fut en activité entre 1970 et 1974, pour connaitre toute l'histoire du lieu il y a ces deux documents : PDF N°1 - PDF N°2 et surtout cette page. Ci-dessous, le texte :

"Nous ne pouvons évoquer ces établissements pour mineurs difficiles relevant de la Justice sans faire référence au centre de Vauhallan. Cet établissement a été ouvert par le Docteur Roumajon, ancien psychiatre du CSOES de Fresnes, dans le cadre du secteur associatif habilité Justice. Le projet remonte à 1960 et la direction de l'Éducation surveillée y a été très associée. (Yves Roumajon, Ils ne sont pas nés délinquants , Paris, Laffont, 1977)

L'institution ne se limite pas qu'à l'observation comme à Fresnes ou Juvisy, c'est une institution de traitement. Il s'agit d'accueillir dans une structure fermée, pour une durée de trois mois en moyenne, «une trentaine d'adolescents inadaptés, à la limite de la psychose, le plus souvent délinquants récidivistes et pour la plupart rejetés de tous les circuits existants», les borderline , dit-on à l'époque.

La direction de l'institution est de type médical avec psychologues, assistantes sociales, éducateurs et enseignants techniques. Dans le projet, le souci sécuritaire est évident, sur les trente chambres de jeunes, il y a quatre chambres de sécurité (isolement en cas d'incidents). Il est important d'éviter les fugues et les tentatives de suicide. Trois interventions apparaissent comme «complémentaires et coordonnées», une action médicale, une action éducative, une action psychologique individualisée. L'histoire de cette institution qui dure quatre ans a fait l'objet d'un travail d'évaluation de l'équipe intervenante. Deux périodes y sont distinguées :

Une première période où l'on encourage l'expression verbale, la relation individualisée des jeunes avec l'ensemble des personnels. Les jeunes paraissent évoluer très favorablement, mais au prix d'une très grande tension pour les personnels et en particulier pour les éducateurs qui sont en contact permanent avec les jeunes : fatigue, angoisse. Les jeunes verbalisent beaucoup de choses, mais il y a une réelle difficulté à reprendre tout ce matériau sur le plan thérapeutique par l'équipe soignante. Dans le domaine disciplinaire, les passages à l'acte de type dégradation de matériel, agression physique sont sanctionnés par un isolement temporaire.

Une seconde période, au bout d'un an et demi, va amener à une structuration de la vie de l'internat. Les jeunes sont répartis en groupes de huit. Un programme d'activité est prévu pour chaque groupe. La notion de thérapie institutionnelle prend forme ainsi que l'idée de thérapie de groupe et de travail de la relation éducative.

Des essais de psychothérapies individuelles de type analytique, d'expression corporelle, de psychodrame sont tentés. L'équipe médicale a l'impression d'aboutir à un excès de prise en charge. Malgré quelques réussites évidentes, la violence interne dans l'établissement pose problème. Il y a une réticence de plus en plus forte des éducateurs à s'inscrire dans un projet où leur place n'a pas été très élaborée. D'autres aspects amèneront à la transformation du projet, en particulier le coût financier que ne voudront plus supporter les tutelles en 1974. Vauhallan perdra son caractère fermé et sera destiné à des jeunes de l'Aide sociale à l'enfance jusqu'à sa fermeture définitive au début des années 1980. Une des conclusions que retiendront les cliniciens de Vauhallan, c'est que ce type d'établissement a plus convenu à des jeunes à tendance psychotique, mais qu'il a développé l'angoisse des mineurs à tendance psychopathique (délinquance, violence matérielle, violence contre les personnes, tentatives de suicide)."


Ci-dessous des photos prises le 21Juillet 2002.

























































La partie la plus intéressante était la cour carrée, autour de laquelle étaient disposées les cellules, avec du bon verre blindé, et des lavabos incrustés dans le mur. Ambiance ! Rien que de repenser au fait que ce bâtiment n’existe plus, ça colle le bourdon, vu les parties d’airsoft jouées là-bas, les barbecues, la visite que l’on faisait aux personnes qui découvraient cet endroit pour la première fois. Ci-dessous des photos prises le 9 Mars 2003.





































Ci-dessous, l'aperçu d'une bd faite en 2003, et se déroulant sur place. Cliquez dessus pour la lire.



.Ci-dessous des photos prises le 20 Mars 2003.



















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Ci-dessous, deux dessins de 2003.


Ci-dessous des photos prises le 21 Avril 2003, lors de la démolition du site.







































Une fois les bulldozers passés, il n’y eut plus rien. Rien, que du sable, niet, zéro, le néant, avant que ne poussent les pavillons hideux par-dessus tout ça. Coup de blues, quand même, nostalgie, tout ça. Ci-dessous, le 29 Mai 2003.















Ci-dessous, des photos prises le 4 Avril 2006.


Mise à jour d’Avril 2012 : Je trainais sur le site de l’INA et en tapant «Vauhallan» (j'en parle sur cette note) quelle ne fut pas ma surprise de tomber sur un documentaire de 1971 montrant l’endroit tel qu’il était à son ouverture ! Sur le site de l’INA il n’y a qu’un court extrait, mais pour 3€ vous pouvez acheter et télécharger légalement le truc complet. C’est ce que j’ai fait (le documentaire dure une bonne heure) et je vous propose ci-dessous un montage montrant ce qui m’intéresse le plus, à savoir le bâtiment en lui-même, extérieur comme intérieur.

Ce montage est assez court car la très grande majorité du documentaire montre des gens qui parlent, qui parlent et qui parlent encore. Très old school, et pas inintéressant en soi (pour trois malheureux euros vous pouvez vérifier par vous-même) mais un peu frustrant si on a juste envie de voir l’endroit avant qu’il ne soit abandonné. Comparé à l'extrait du site de l'INA, mon montage montre deux choses en plus : la chambre d'un des patients, et la cuisine. La musique d'introduction marque bien l'époque. Au cas où cette vidéo serait supprimée, vous pouvez la télécharger ici.



Jeunesse délinquante : Les enfants du gâchis, on n'en veut nulle part. Emission médicale "Science d'Aujourd'hui" du 4 Mai 1971. Description : Faut-il traiter les enfants qui ne présentent pas de troubles pathologiques précis, mais relèvent de l'Education surveillée dans des centres spéciaux, comme celui de Bois-Maison qui vient d'être créé à Vauhalllan (Essonne) ? Les avis des médecins qui s'occupent de l'Education surveillée sont très partagés. Au cours de l'émission, Etienne LALOU s'entretient avec le psychiatre qui dirige cet établissement spécialisé dans le traitement des troubles psychiques chez les jeunes délinquants. Informations techniques : Une émission de Igor BARRERE, Pierre DESGRAUPES et Etienne LALOU. Présenté par Etienne LALOU. Camermen : Claude PORCHER, Simon DAI, Bernard ZANNI. Ingénieurs du son : Marc BOUSSARD, Jean-Claude DELMAS. Montage : Anne-Marie ROCHAS, Marc BRIONES. Mixage : G. BOCKENMEYER. Directeurs de la Photo : Roland HULOT, Marc JUSSEAUME. Assistant : Philippe RONCE. Script-Girl : Michèle BACON. Réalisation : Igor BARRERE. Musique : Dvorak (Quatrième mouvement de la Symphonie N°9, dite "du Nouveau Monde").

Mise à jour de Décembre 2012. Au cours d’une promenade sur Géoportail, j’ai vu que l’on pouvait regarder des photos satellites remontant aux années 20. Toutes les photos ne sont pas consultables, leur qualité et leur résolution varie, certaines sont payantes, mais en téléchargeant toutes les images gratuites de la zone de Vauhallan j’ai pu faire les images ci-dessous. C’est un vrai coup de chance que la photo de 1968 (où on voit bien que l’endroit est en construction) soit gratuite. Les autres photos sont également très intéressantes, c'est étrange de voir le site peu à peu envahi par la végétation jusqu'à devenir quaisment invisible.























Cliquez sur l'image ci-dessous pour voir d'autres photos du lieu !



Bonus : Ci-dessous, je vous propose de télécharger 5 vidéos tournées sur place en 2003 par des groupes d'Airsoft : «Indépendance Team» et «AEG Team». Je les mets ici à titre de document permettant de bien se faire une idée du lieu. Si jamais une des personnes présentes dans cette vidéo voulait que je la retire, merci de me contacter. Cliquez sur les images pour les lire/télécharger.


Mise à jour de Janvier 2017 : En regardant si il n'y avait pas autre chose concernant ce lieu sur le site de l'INA je suis tombé sur une nouvelle vidéo. D'une durée de 47 minutes et diffusée le 9 Juin 1969, sa particularité est de rapidement montrer le Centre de Bois-Maison alors que le site était en construction. Le psychiatre Yves Roumajon est interviewé, on voit quelques plans du bâtiment ainsi qu'une maquette. Je vous propose de voir ce court passage ci-dessous. Au cas où cette vidéo serait supprimée, vous pouvez la télécharger ici.





Description complète : "Choisir sa vie" est la deuxième partie de l'émission consacrée à la délinquance juvénile. Elle aborde la question de la réinsertion. En plateau, Henri MARQUE donne le point de vue de l'équipe sur le problème, puis rappelle le contenu de la première émission. Se succèdent alors des reportages tournés au centre d'observation de Flers Lez Lille, puis au centre de rééducation de Lamotte Beuvron, où alternent des entretiens avec les directeurs d'établissement, des pensionnaires, dont un long entretien avec un jeune homme désabusé, des éducateurs, ponctués d'images factuelles des installations. Après une visite du chantier du centre de Vauhallan, où le psychiatre Yves ROUMAJON est interviewé, suit un reportage sur le Bureau d'accueil des jeunes (BAJ) de la Préfecture de Police de Paris, où se déroule un entretien entre un jeune et un éducateur(?). Jean LEDOUX, directeur de l'éducation surveillée du ministère de la justice, commente de son bureau les chiffres de la délinquance juvénile et la baisse de l'âge des délinquants. Toute la deuxième partie du magazine (sujet sur les animateurs de rue et interview de NICOLETTA) est une reprise de la première émission (voir CPF88001713). Des photographies d'archives introduisent le sujet sur Lamotte Beuvron."





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