Important : Pour des raisons de confidentialité, de conservation, de sécurité (etc) je ne donnerais pas la localisation de cet endroit. Merci de votre compréhension.

Le jour de cette visite, il fait plutôt gris et un léger crachin rend la promenade particulière. Traversant quelques ronces, j'accède à la cour de la vaste ferme. J'aimerais pouvoir dire qu'il règne ici une ambiance particulièrement glauque, mais le lieu étant situé juste à coté d'une route nationale pas mal fréquentée, un bruit de fond permanent empêche de se sentir loin de tout. Ce bruit en devient presque rassurant : au cas où il se passe quelque chose, je ne suis pas loin de la civilisation...





Un premier bâtiment attire mon attention. Me dirigeant vers lui, je croise pas mal de pneus éparpillés ça et là, puis découvre une grange à la fonction très technique, qui devait abriter de nombreuses machines agricoles dans une autre vie. La couleur verte omniprésente sur place peut évoquer deux choses : la tristesse du pourrissement du lieu, mais aussi le fait que la nature reprend peu à peu le contrôle, teintant cette ruine d'un vert qui était là bien avant la ferme, sous forme d'herbe ou de forêt.

















Revenant dans la cour, je suis une fois de plus fasciné par le son de la route à coté : on progresse dans cette ferme avec en permanence dans les oreilles le son de ce qui a tué le lieu (j'en parle à la fin de cette page). Avançant de bâtiments en bâtiments, certains trop en ruines pour être restaurés, d'autres encore en bon état, je me demande qui vivait ici, quand le lieu a-t-il été abandonné, et aperçoit à quelques endroits des signes de vie passé : meubles, ustensiles, chaises, poussettes, matériel agricole, la fine pluie tombant ce jour-là renforce l'ambiance de désolation.





















Sortant d'une étable, je découvre une vieille poêle au sol. Vieille ? Si ça se trouve elle est récente mais elle a bien eu le temps de rouiller dans un lieu pareil. La teinte jaune de l'eau de pluie tombée dedans est plutôt jolie, surtout avec toutes ces feuilles mortes au fond. A coté de l'ustensile de cuisine, une poupée git au sol, imbibée d'eau de pluie.









Les pièces que je visite étant assez vides, je les traverse unes par unes à la recherche de petits détails et finit par grimper un escalier en très mauvais état pour accéder à un grand grenier à la toiture incertaine. Ici aussi, de la mousse, des tuiles brisées et des poutres calcinées donnent un parfum de fin du monde assez funeste.















Au loin, à travers une porte, j'aperçois une inscription : «Les vivants vivent des morts». Au fur et à mesure que je m'approche je me rends compte que je suis à présent dans la partie de la ferme qui sert de squat aux jeunes du coin. Tessons de bouteilles bière, vêtements déchirés... Ici au moins il y a encore un peu de vie. A un endroit, une poupée attire mon attention, mais ce n'est rien comparé aux deux choses que j'aperçois juste après.









La première de ces deux choses est une peluche de lapin avec une mignonne truffe rose et de grands yeux rouges. Posé ici par je ne sais qui pour je ne sais quelle raison, il me fixe d'un air tendu. J'espère que ce n'est pas le Lapin de Caerbannog sinon je suis mal.



La deuxième chose est également blanche et rouge, mais il s'agit de tout autre chose : on a visiblement pris le temps de construire une assez grande poupée que l'on a recouvert de bandelettes, comme une momie. Une momie sans tête, et avec une main rouge, genre ensanglantée. Peut-être bien que ce lapin est dangereux, finalement.





Qui a pris le temps de faire cela ? Aucune idée, probablement les mêmes personnes qui ont écrit la curieuse inscription sur le mur ?





C'est sur cette vision loufoque que se termine cette visite. Ce n'est clairement pas le lieu le plus spectaculaire que j'ai pu faire, mais l'emplacement de cette ferme me plait beaucoup d'un point de vue symbolique car il reflète bien le temps qui passe et condamne certains endroits inadaptés ou inadaptables à disparaitre.



Et maintenant, un peu d'histoire : construite au début du XXème siècle ( voire avant , certaines fermes sont très anciennes) et située le long d'une nationale, cette ferme a sans aucun doute subi de plein fouet l'urbanisation et la modernisation des moyens de transports. Au début du XXème siècle, les quelques transports roulaient certainement assez lentement pour pouvoir s'arrêter le long de la route et entrer sur place, mais à partir d'un moment la circulation fut sans doute trop dense et rapide pour permettre le bon fonctionnement de la ferme. Celle-ci étant située à trois mètres de la route, et sans aucune voie de décélération à proximité, le lieu ne put continuer à fonctionner normalement. Le seul document permettant de constater une cessation d'activité date de 2008. Ci-dessous deux versions de la même carte postale ancienne. Merci Stéphanie !





Quand cette ferme fut-elle abandonnée ? Difficile à dire, probablement dans les années 80. Ci-dessous des vues aériennes allant de 1954 à 2020.



















Ci-dessous des photos faites au drone en Avril 2023 :